N° 196
SÉNAT
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur
la proposition de règlement (CE) du Conseil
portant
organisation commune du marché
vitivinicole
(n° E 1134),
PRÉSENTÉE
Par M. James BORDAS,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs
En 1994, la Commission
européenne avait présenté un premier projet de
réforme de l'Organisation commune de marché (OCM) vitivinicole.
Ce projet n'a pas été adopté par le Conseil. De fait, les
prévisions alarmantes de la Commission sur l'apparition
d'excédents considérables, prévisions qui sous-tendaient
le projet de 1994, n'ont pas été confirmées. La
réduction de la superficie viticole de la Communauté - qui est
passée de 4 millions à 3,4 millions d'hectares - ainsi que
l'utilisation croissante (notamment dans le sud de la France) de cépages
de meilleure qualité, au rendement plus faible, a entraîné
une réduction de l'offre ; parallèlement, la baisse de la
consommation s'est ralentie, une consommation accrue de vins de qualité
tendant à compenser la diminution, qui se poursuit, de la consommation
de vins de table.
Constatant ce rééquilibrage - qui
laisse cependant subsister une inadaptation persistante de la production
à la demande dans certaines régions de la Communauté - la
commission a présenté un nouveau projet de réforme de
l'OCM vitivinicole qui a été soumis aux assemblées sous le
numéro E 1134.
Les objectifs mis en avant sont les
suivants :
1.
" Maintenir sur le marché communautaire
un meilleur équilibre entre l'offre et la demande, en donnant ainsi aux
producteurs la possibilité d'exploiter les marchés en
expansion ;
2.
Permettre au secteur de devenir
durablement plus compétitif ;
3. Abolir l'utilisation de
l'intervention comme débouché artificiel pour la production
excédentaire ;
4. Continuer à maintenir l'ensemble
des débouchés traditionnels de l'alcool de bouche et des produits
de la vigne ;
5.
Prendre en compte la diversité
régionale ;
6.
Officialiser le rôle
potentiel des groupements de producteurs et des organisations
interprofessionnelles (ou équivalentes) ;
7.
Simplifier considérablement la législation".
Pour atteindre ces objectifs, la Commission prévoit
notamment :
- une allocation très limitée de droits
de plantation supplémentaires (1 % sur 10 ans), ainsi que la
constitution de réserves régionales de droits de plantation (les
droits non utilisés au niveau régional étant
affectés à une réserve nationale) ;
- une
durée maximale de cinq ans pour l'utilisation des droits de replantation
obtenus en contrepartie d'un arrachage de vignes ;
- le maintien
des règles relatives aux pratiques oenologiques ;
- une
reconnaissance du rôle des
" groupements de producteurs et des
organisations (interprofessionnelles ou équivalentes)
représentatives du secteur ".
Par ailleurs, la
proposition prévoit un transfert de compétences du Conseil vers
la Commission pour une partie notable de la réglementation.
Enfin, s'agissant du régime des échanges, elle
prévoit de lever l'interdiction d'importer des moûts de raisin
à des fins de vinification.
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*
Les orientations générales de la proposition
E 1134 paraissent satisfaisantes sur plusieurs points : l'idée
d'un
" équilibre dynamique de marché "
, la
volonté d'éliminer la production n'ayant pour
débouché que l'intervention, la poursuite de l'effort de
restructuration des vignobles pour améliorer la
compétitivité européenne, le principe d'une reconnaissance
des interprofessions...
Cependant, certains aspects sont, à des
degrés divers, préoccupants et justifient la vigilance du
Sénat.
Tout d'abord,
l'accroissement
autorisé
(1 % au total sur 10 ans)
de la superficie du
vignoble est insuffisant
. Il est en effet indispensable que la
production européenne soit à même de prendre part à
l'expansion du marché mondial. Une marge de croissance insuffisante
risquerait de pousser les prix européens à la hausse et
d'entraîner ainsi la perte de parts de marché, compte tenu de
l'intensité accrue de la concurrence sur un marché international
où les pays concurrents de l'Europe ne pratiquent aucun encadrement de
la production et imposent à celles-ci des normes bien moins strictes.
Elle entraverait par ailleurs l'installation de jeunes agriculteurs et
l'adaptation de leurs exploitations.
Dans le même sens, il
convient de
s'opposer à la levée de l'interdiction
d'importer des moûts de raisin à des fins de
vinification
. L'autorisation de procéder à ce type
d'importation irait directement à l'encontre des efforts pour garantir
l'équilibre du marché et pour préserver la confiance du
consommateur dans la production européenne. Au demeurant, cette mesure
n'est pas actuellement justifiée par une demande de l'OMC. On peut
d'ailleurs faire valoir que la réglementation vitivinicole de la
Communauté est loin de constituer une entorse criante aux normes de
l'OMC : le marché communautaire est largement ouvert aux vins
étrangers, qui acquittent des droits faibles ; les restitutions
à l'exportation sont très réduites (moins de 50 millions
d'euros par an) et la proposition prévoit d'ailleurs de les supprimer.
En outre, les mesures envisagées en contrepartie de l'autorisation
d'importer des moûts à des fins de vinification, à savoir
des conditions d'étiquetage très contraignantes, pourraient se
trouver tout autant contestées à l'OCM que l'actuelle
interdiction d'importation.
Par ailleurs, s'il est satisfaisant de voir
la Commission s'orienter vers une reconnaissance de l'utilité des
interprofessions, les modalités retenues à cet effet par la
proposition ne paraissent pas satisfaisantes : mêlant les
groupements de producteurs et les interprofessions, et transposant à
l'OCM vitivinicole les règles retenues par l'OCM fruits et
légumes, ces modalités sont au surplus mal adaptées
à la diversité des situations nationales. Il serait bien
préférable, dans un esprit de subsidiarité,
de
poser seulement dans le règlement le principe de la reconnaissance du
rôle des interprofessions
, en laissant le soin aux Etats membres
d'en préciser le cas échéant les modalités.
Il paraît également souhaitable que le règlement
retienne en toute clarté le principe du maintien en vigueur des normes
concernant les pratiques oenologiques, rien ne justifiant une modification des
équilibres actuels.
Enfin, le transfert à la Commission
d'une partie notable des compétences réglementaires, tel qu'il
est prévu par la proposition E 1134, porte atteinte dans des
proportions excessives aux pouvoirs du Conseil. Celui-ci, notamment dans
l'optique des futures négociations commerciales internationales, doit
pouvoir conserver son contrôle sur certaines questions apparemment
techniques, mais comportant en réalité des enjeux
économiques importants. En particulier,
les règles
concernant l'étiquetage des vins doivent rester de sa
compétence.
On peut ajouter que, dans le contexte
actuel des négociations sur la réforme de la PAC, il ne
paraît pas opportun de chercher à associer à tout prix la
réforme de l'OCM vitivinicole aux autres aspects de ces
négociations. Le marché vitivinicole forme un ensemble
spécifique, qui n'a pas de lien économique avec les autres
productions agricoles, et dont l'impact sur le budget communautaire est
réduit. Il n'est donc pas indispensable de l'intégrer dans une
réforme concernant pour l'essentiel les grandes cultures et les
productions animales. Or, une telle intégration pourrait conduire
à ce que les questions vitivinicoles soient abordées en
méconnaissance de leurs exigences propres.
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*
Pour ces raisons, il vous est suggéré d'adopter, Mesdames, Messieurs, la proposition de résolution qui suit, que la délégation pour l'Union européenne m'a chargé de présenter en son nom :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition d'acte communautaire E 1134 : proposition
de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune du
marché vitivinicole (COM (1998) 370 final)
Demande au
Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour obtenir :
- que
les contraintes portant sur la croissance du vignoble soient assouplies afin,
d'une part, de permettre aux producteurs européens de répondre
à une demande internationale en expansion et, d'autre part, de favoriser
l'installation de jeunes viticulteurs et l'adaptation de leurs
exploitations ;
- que l'interdiction d'importer des
moûts à des fins de vinification soit maintenue ;
- que les règles concernant l'organisation de la
filière vitivinicole permettent, conformément au principe de
subsidiarité, de préserver le régime et le rôle du
système français d'interprofession ;
- que les
normes en vigueur concernant les pratiques oenologiques soient
préservées ;
- que la réglementation de
l'étiquetage des vins reste de la compétence du Conseil ;
- que les négociations sur la réforme de
l'organisation commune du marché vitivinicole soient
considérées comme dissociables de celles portant sur la
réforme des autres organisations communes de marché.