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N° 395
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 juin 1996.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur la proposition de révision des perspectives financières présentée par la commission au Parlement européen et au Conseil en application des paragraphes 11 et 12 de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (E 628),
par M. Denis BADRÉ,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la Nation sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs.
La proposition de révision des perspectives financières présentée par la commission européenne, le 29 mars 1996, au Parlement européen et au Conseil, en application des paragraphes 11 et 12 1 ( * ) de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (SEC(96) 492 final), a été transmise au Parlement français, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, le 9 mai 1996.
Cette proposition appelle deux types de remarques.
I. SUR LA PROCÉDURE
Le Conseil Européen d'Édimbourg (décembre 1992) avait arrêté des perspectives financières qui déterminent, sur la période 1993-1999, les plafonds annuels de crédits pour chaque rubrique du budget communautaire ; ces perspectives sont également plus communément appelées « Paquet Delors II ».
A. L'Accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire du 29 octobre 1993 n'avait pas été transmis au Parlement français au titre de l'article 88-4 de la Constitution
Après une année de négociations difficiles entre le Conseil des ministres de la Communauté, la commission et le Parlement européen, en raison notamment des exigences de ce dernier, les perspectives financières avaient été finalement consignées dans un acte communautaire qu'on pourrait appeler « acte innommé », pour reprendre une expression du Conseil d'État ; cet acte est l'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire du 29 octobre 1993.
A l'époque, cet accord n'avait pas été transmis au Parlement au titre de l'article 88-4. Le Conseil d'État avait en effet estimé que les accords interinstitutionnels, non prévus par le traité de Rome, n'appartenaient pas à la catégorie des actes communautaires stricto sensu de l'article 88-4 de la Constitution.
Le président Jacques GENTON, dans son rapport du 13 avril 1994 sur l'application de l'article 88-4 de la Constitution, avait souligné que cet accord n'était pas anodin, puisque, outre la traduction des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen à Édimbourg, il reconnaissait pour la première fois, au Parlement européen, le pouvoir d'émettre un avis sur les dépenses obligatoires (agriculture et administration), alors que jusqu'alors les discussions entre les États membres et le Parlement européen se limitaient aux dépenses non obligatoires (politiques liées au fonctionnement du marché intérieur et dépenses de politique extérieure) pour lesquelles les deux institutions se partagent la décision.
Le président GENTON soulignait encore qu'on pourrait comprendre que le Parlement français ne soit pas saisi de ces accords et déclarations s'ils n'avaient qu'une valeur déclaratoire dépourvue de toute portée juridique. Mais la Cour de justice s'est plusieurs fois appuyée sur de tels accords pour rendre des décisions dès l'instant où ces accords peuvent. « si les obligations qui en découlent sont suffisamment précises et inconditionnelles, être élevés au rang d'actes destinés à appliquer le traité et rendre susceptibles d'annulation les dispositions dérivées qui leur sont contraires », selon les conclusions d'un avocat général dans une affaire où était évoquée une déclaration commune des trois institutions communautaires.
Ces actes établissent donc des normes qui s'imposent aux institutions communautaires. Elles correspondent, dans l'esprit des institutions européennes, aux lois organiques françaises.
B. Le Conseil d'État a estimé que la proposition de révision des perspectives financières doit être regardée comme étant une proposition d'acte communautaire au sens de l'article 88-4 de la Constitution
A la différence de ce qui s'est passé en 1993, le Conseil d'État, cette fois-ci, a estimé qu'il y avait lieu de saisir le Parlement français.
Son avis est le suivant :
« En tant que proposition de décision conjointe du Conseil de l'Union Européenne et du Parlement Européen prise selon la procédure de l'article 189 B du Traité de l'Union européenne, la proposition de révision des perspectives financières doit être regardée comme étant une proposition d'acte communautaire au sens de l'article 88-4 de la Constitution .
« Dès lors que les montants pluriannuels prévus par le programme-cadre arrêtés selon la procédure de codécision de l'article 189 B du traité de l'Union européenne par application des dispositions de l'article 130 I du même Traité doivent, pour être révisés, suivre la même procédure en application des § 11 et 12 de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993, et être inscrits dans l'avant-projet de budget que la commission est chargée d'établir en application de l'article 203 du Traité, lesdites révisions des perspectives financières dont les montants sont définis, sont de nature législative : elles peuvent être assimilées en droit interne à une loi de programme dont les autorisations de programme sont, en vertu de l'article 33 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, en principe inscrits dans la partie « services votés » du projet de loi de finances » .
La Délégation ne peut que se réjouir de cette transmission qui ouvre pour la première fois la possibilité au Sénat d'envisager un débat public, grâce aux dispositions de l'article 73 bis du règlement, sur les perspectives financières de l'Union européenne.
II. SUR LE FOND
Pour l'ensemble de la période (1993-1999), l'accord interinstitutionnel a prévu que les crédits d'engagement progressent de 25,6 % (de 69,2 à 86,9 milliards d'Écus).
Les perspectives financières, qui ont été adaptées en avril 1995 pour tenir compte de l'élargissement à quinze États-membres, ont accru sensiblement les crédits affectés aux dépenses de cohésion économique et sociale : ce renforcement se traduit par une augmentation très forte des dotations prévisionnelles pour les actions structurelles (+ 45,4 % sur la période). La progression des crédits pour les politiques externes est également significative (+ 50,7 %). La ligne directrice agricole progresse peu sur la période (+ 11,6 %). Les dépenses administratives progressent de 24,8 %.
Pour assurer le financement de ces dépenses, le Conseil européen d'Édimbourg a également pris une nouvelle décision sur les ressources propres. Celle-ci prévoit que le montant total des ressources attribuées aux Communautés est graduellement relevé, chaque année, de 0,01 à 0,02 points de PNB de 1995 à 1999. Les plafonds de ressources propres exprimés en pourcentage du PNB communautaire passent ainsi de 1,20 % en 1994 à 1,27 % en 1999.
La nouvelle décision a été adoptée par le Conseil le 31 octobre 1994. Mais elle n'est pas encore entrée en vigueur, un État membre - les Pays-Bas - n'ayant pas encore procédé à sa ratification. Le processus budgétaire reste donc provisoirement placé sous le régime de la précédente décision sur les « ressources propres » du 24 juin 1988, qui limite à 1,2 % du PNB le plafond de ces ressources.
A. La commission propose de renforcer des politiques communautaires
La présente proposition vise, pour l'essentiel, à permettre le renforcement des politiques communautaires dans les domaines des réseaux transeuropéens de transport et de la recherche. Les autres besoins pris en compte concernent le refinancement des fonds structurels, des actions extérieures et des dépenses administratives.
De façon plus précise, ces mouvements de dépenses concernent :
- la reconstitution de la réserve financière de la commission pour les initiatives communautaires (100 millions d'Écus) sur laquelle avait été financé le programme de soutien au processus de paix en Irlande (d'un montant total de 300 millions d'Écus) ;
- le financement d'une aide financière exceptionnelle à la Géorgie, à l'Arménie et au Tadjikistan (170 millions d'Écus), ainsi que d'une aide alimentaire aux pays du Caucase et de l'Asie centrale (65 millions d'Écus en 1996, 70 millions d'Écus en 1997 et 50 millions d'Écus par an en 1998 et 1999) ;
- le financement du programme immobilier et des besoins en effectifs des institutions après l'élargissement de l'Union à l'Autriche, la Finlande et la Suède (relèvement du plafond de la rubrique de 57 millions d'Écus en 1998 et de 66 millions en 1999) ;
- le relèvement de la dotation pour les aides d'urgence (+ 129 millions d'Écus) ;
- le renforcement des financements pour les réseaux transeuropéens (+ 1 milliard d'Écus) ;
- l'affectation d'une dotation supplémentaire (+ 700 millions d'Écus) au 4ème programme cadre de recherche et développement technologique RDT (1997 et 1998) ;
- l'affectation d'une dotation supplémentaire (140 millions d'Écus) pour des actions complémentaires en faveur des P.M.E. (3ème programme cadre 1997-2000).
B. La commission présente sa proposition comme apparemment équilibrée et financièrement neutre pour les États
La proposition de la commission s'appuie sur l'idée que les marges de crédits disponibles sous-plafond, dans les perspectives financières, peuvent être récupérées au profit de dépenses non-obligatoires sous d'autres rubriques. Cette position, qui serait à la rigueur acceptable pour des dépenses obligatoires, ne peut être retenue pour des dépenses non-obligatoires : à l'heure où s'impose la nécessité de réduire les déficits publics, la seule attitude possible consiste à diminuer les contributions nationales plutôt qu'à réorienter les crédits disponibles sous plafond vers d'autres dépenses communautaires.
A l'occasion de l'examen de l'article 30 du projet de loi de finances pour 1996 relatif à l'évaluation de la participation française au budget des communautés européennes, le rapporteur spécial de la commission des Finances du Sénat. M. Denis BADRÉ, avait déjà eu l'occasion de souligner que la forte progression des dépenses non obligatoires « démontre l'absence d'une volonté de maîtrise de la dépense européenne par l'adaptation du niveau des dépenses non obligatoires aux contraintes budgétaires des États » .
La commission propose de dégager 2,7 milliards d'Écus de crédits d'engagement correspondant aux dépenses de son projet en opérant, dans les perspectives financières, une reclassification des dépenses agricoles au profit des dépenses des fonds structurels, des actions extérieures et des dépenses administratives, sans relèvement du plafond des perspectives financières, ni augmentation des crédits de paiement.
Cette reclassification des dépenses s'opérerait par :
- un transfert progressif vers la rubrique I (FEOGA-Garantie), à hauteur de 2,1 milliards d'Ecus, des crédits en faveur de l'agriculture actuellement inscrits au titre des actions structurelles (FEOGA-Orientation, actions de l'objectif 5a) et des politiques internes. Ce transfert sous la ligne directrice agricole (LDA) serait justifié, selon la commission, par la sous-consommation des crédits qui la composent ;
- une réduction d'un montant équivalent des crédits nécessaires au titre des politiques structurelles et internes et l'affection de la marge aux besoins nouveaux ;
- des redéploiements internes supplémentaires à hauteur de 0,6 milliards d'Écus.
La position n'est neutre financièrement qu'en apparence.
En effet, du fait de l'annulation des économies possibles dans la ligne budgétaire agricole, la révision coûterait en réalité 1,8 milliards d'Écus aux quinze États membres sur la période 1996-1999. Pour la France le coût supplémentaire de cette proposition serait de l'ordre de 2,1 milliards de francs (environ 1,6 milliards d'Écus de crédits de paiement supplémentaires jusqu'en 1999).
La France et plusieurs autres États membres (Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, Autriche, Espagne), qui réunissent largement la minorité de blocage, ont manifesté leur hostilité à cette révision des perspectives financières proposée par la commission à un moment où les États sont déjà engagés dans des programmes d'assainissement budgétaire drastiques. Ces États estiment que la rigueur budgétaire qu'ils s'imposent actuellement devrait logiquement conduire la commission à adopter le même comportement en matière de budget européen.
C. Les demandes de la commission ne sont pas justifiées
Les demandes de crédits supplémentaires formulées par la commission ne sont pas justifiées.
1. Le financement du complément du 4ème programme-cadre de recherche est déjà assuré
Le financement du complément du 4ème programme-cadre de recherche (700 millions d'Écus) a été envisagé par le Conseil lors de l'adoption du programme. En outre le fonctionnement actuel du programme est sujet à caution et son évaluation est insuffisante pour légitimer son abondement. Il regroupe déjà à lui seul les deux tiers des crédits de la rubrique des politiques internes ; mais il n'a été consommé qu'à 77 % en crédits de paiement en 1995. Si des marges devaient être dégagées, elles passeraient nécessairement par une efficacité accrue dans l'utilisation des crédits déjà affectés.
2. L'aide aux pays du Caucase et d'Asie centrale ne justifie pas la révision proposée
Au sein des actions extérieures, l'aide aux pays du Caucase et d'Asie centrale n'est pas prioritaire. Elle passe après la reconstruction de l'ex-Yougoslavie, l'aide technique aux pays de l'Europe centrale et orientale et aux pays tiers méditerranéens, voire après l'aide à l'Afrique du Sud ou à l'Amérique latine. Dans ces conditions, un relèvement du plafond de la rubrique, ayant en large partie pour objet de faire un don à ces pays afin de leur permettre d'honorer les échéances des prêts garantis ou octroyés par l'Union, ne constitue pas un motif sérieux de révision des perspectives financières.
3. La reconstitution de la réserve pour les initiatives communautaires ne s'impose pas dans l'immédiat
La restitution de crédits à la réserve pour les initiatives communautaires afin d'abonder le programme de soutien au processus de paix en Irlande du Nord ne s'impose pas ; en effet les initiatives communautaires connaissent un taux d'exécution trop faible (62 % en engagements et 45 % en paiements en 1995) pour qu'il soit nécessaire de reconstituer leur réserve.
4. Les mouvements de crédits entre la réserve pour aide d'urgence et le relèvement du plafond de la rubrique des actions extérieures ne sont pas acceptables dans leur principe
L'acceptation de cette proposition conduirait à avaliser l'attitude de la commission qui considère la réserve d'urgence comme une dotation de fonctionnement normale. Ainsi, en juin 1995, la commission avait présenté une demande de mobilisation de cette réserve sans faire état des conditions exceptionnelles qui justifiaient cette demande, mais au motif que sa propre programmation interne ne lui permettait plus de faire face aux besoins ; étant donné que, par définition, ces besoins sont infinis, il importe par conséquent de contraindre la commission à une meilleur gestion prévisionnelle de sa dotation normale. La réserve d'urgence n'a en effet vocation à être mobilisée qu'en cas d'urgence absolue.
5. Les dépenses immobilières du Parlement européen ne justifient pas une révision des perspectives financières
Les dépenses immobilières des institutions, en particulier celles du Parlement européen, ne sauraient justifier une révision des perspectives financières dans la mesure où, au cours des deux derniers exercices, le Parlement européen a récupéré à son profit une part importante de la marge disponible sous la rubrique 5 (dépenses administratives).
6. La priorité en faveur des réseaux transeuropéens peut être assurée dans le cadre budgétaire actuel
La priorité en faveur des réseaux transeuropéens, sur laquelle la France peut rejoindre la commission, fait déjà l'objet d'un engagement budgétaire à hauteur de 1,8 milliards d'Écus de 1994 à 1999. Aller au-delà ne peut être significatif dans la mesure où l'engagement communautaire restera toujours marginal par rapport au coût global des grands travaux (estimé à moins de 5 % du total). Il ne faut pas oublier non plus que la Banque Européenne d'Investissement (BEI) a déjà accordé 16 milliards d'Écus pour le financement de grands projets de transport et d'énergie qui sont destinés à renforcer et développer les infrastructures des réseaux européens.
L'argumentaire de la commission (effets directs induits par les investissements et effets indirects ou structurants) n'est pas non plus convainquant, car il ne porte pas sur les avantages du financement communautaire par rapport au financement assuré par les États. En outre le taux de consommation actuel des crédits de la rubrique (50 %) est trop faible pour justifier le relèvement proposé.
La priorité accordée aux réseaux de transport peut être financée, en tout état de cause, par une meilleur définition des politiques internes qui se caractérisent fréquemment par leur dispersion, leur absence de base légale et un respect douteux du principe de subsidiarité.
D. Le redéploiement proposé sur la ligne agricole présente de nombreux risques
Du point de vue de la procédure budgétaire, la révision des perspectives budgétaires par redéploiement de la ligne directrice agricole créerait un précédent que le Parlement européen ne manquerait pas d'utiliser. Il pourrait notamment demander une enveloppe supplémentaire pour l'ex-Yougoslavie, que le Conseil aurait politiquement du mal à refuser, une fois qu'il aurait avalisé le principe d'une telle révision.
En outre la proposition de la commission interfère avec la question de la qualification des dépenses puisqu'elle reviendrait à transférer, sous la ligne directrice agricole (qui en principe ne comporte que des dépenses obligatoires), des dépenses qui sont considérées comme des dépenses non-obligatoires (et pour lesquelles le Parlement européen dispose du dernier mot).
Au regard des conséquences budgétaires de l'encéphalite bovine spongiforme (EBS), l'existence d'une marge budgétaire sous la rubrique agricole semble souhaitable.
Le budget européen devra en effet faire face à trois types de dépenses dans les prochains mois :
- les dépenses d'abattage volontaire et de la non-mise sur le marché des bovins de trente mois au moins (320 millions d'Écus par an pendant cinq ans) :
- les dépenses du programme sélectif et obligatoire d'abattage des animaux « suspects » pour lesquels il est très difficile d'établir un coût prévisionnel compte tenu du caractère fluctuant de la position adoptée par la Grande-Bretagne ;
- les dépenses d'intervention sur le marché au cas où la consommation de viande bovine serait durablement réduite (le coût serait de 200 millions d'Écus pour une baisse de consommation de 100.000 tonnes).
Devant ces incertitudes, il serait donc prudent de maintenir des marges de disponibilités financières sous la rubrique agricole.
*
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En définitive, et compte tenu de l'ensemble des observations faites précédemment, la proposition de la commission ne semble ainsi pas pouvoir recueillir l'approbation du Sénat. C'est pourquoi il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de résolution suivante, que la Délégation pour l'Union européenne m'a demandé de déposer :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution.
Vu la proposition de révision des perspectives financières présentée par la commission au Parlement européen et au Conseil en application des paragraphes 11 et 12 de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire SEC(96) 492 final.
Se réjouit de la transmission au Parlement, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, des projets d'accords interinstitutionnels portant sur la révision des perspectives financières et demande au Gouvernement que toutes les propositions relatives à des accords interinstitutionnels soient désormais transmises au Parlement :
Considérant que la rigueur budgétaire que s'imposent actuellement les États membres devrait conduire la commission à adopter le même comportement en matière de budget européen et que la véritable économie conduirait à diminuer la contribution des États membres plutôt qu'à réorienter les crédits disponibles sous plafond vers d'autres dépenses communautaires ;
Considérant que la commission propose, sans relèvement du plafond des perspectives financières ni augmentation des crédits de paiement, de dégager 2,7 milliards d'Écus de crédits d'engagement ;
Considérant que ces crédits, qui correspondent aux dépenses entraînées par la proposition de la commission, seraient dégagés par une reclassification des dépenses au sein des perspectives financières, reclassification qui aurait pour effet d'accroître les crédits disponibles pour les fonds structurels, les actions extérieures et les dépenses administratives ;
Considérant que les demandes de la commission ne sont pas justifiées :
- le financement du complément du 4ème programme cadre de recherche est déjà assuré ;
- une modification de l'ordre des priorités d'action dans le domaine de la politique extérieure de l'Union n'apparaît pas actuellement justifiée ;
- la reconstitution de la réserve pour les initiatives communautaires ne s'impose pas dans l'immédiat ;
- les mouvements de crédits entre la réserve pour aide d'urgence et le relèvement du plafond de la rubrique des actions extérieures ne sont pas acceptables dans leur principe ;
- les dépenses immobilières du Parlement européen n'impliquent pas de révision des perspectives financières ;
- la priorité en faveur des réseaux transeuropéens peut être assurée dans le cadre budgétaire actuel ;
Considérant que le redéploiement proposé sur la ligne agricole présente de nombreux risques, tant du point de vue de la procédure budgétaire qu'au regard de l'utilisation prévisible des crédits de la ligne agricole ;
Considérant notamment que le principe d'un redéploiement des dépenses obligatoires vers les dépenses non obligatoires ne doit pas être admis ;
Considérant que la proposition entraînerait du fait de l'annulation des économies possibles dans la ligne budgétaire agricole un relèvement de 2,1 milliards de francs de la contribution française au budget communautaire ;
Demande au Gouvernement de s'opposer fermement à la proposition de révision des perspectives financières présentée par la commission.
* 1 Paragraphe 11 de l'Accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire : « Indépendamment des exercices réguliers d'ajustement technique et d'adaptation aux conditions d'exécution, les perspectives financières peuvent être révisées, sur proposition de la commission, pour faire face à la nécessité d'engager des actions non prévues à l'origine, dans le respect du plafond des ressources propres » .
Paragraphe 12 : « En règle générale, une telle proposition de révision doit être présentée et adoptée avant le début de la procédure budgétaire pour l'exercice ou le premier des exercices concernés par cette révision. La révision des perspectives financières est adoptée par décision commune des deux branches de l'autorité budgétaire statuant conformément aux règles de majorité visées à l'article 203 paragraphe 9 cinquième alinéa du traité » .