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N° 65
SÉNAT
PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1993 - 1994
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 octobre 1993.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur le projet de budget général des Communautés européennes pour 1994 (n° E-124),
Par M. Jacques GENTON,
Sénateur.
(Renvoyée à ta commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Communautés européennes - Budget des Communautés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1994, tel qu'il a été établi par le Conseil le 22 juillet 1993, a été soumis à la représentation nationale le 12 octobre 1993. L'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 1994, publié le 15 juin 1993, avait été transmis par la Commission au Conseil par lettre datée du 22 juin 1993, mais n'avait pas été transmis à la représentation nationale, à l'exception toutefois de son volume 2, section 1 : Parlement, enregistré sous le n° E-115 par les deux assemblées, le 28 septembre 1993, sans doute parce qu'il a été considéré comme définitif dans sa présentation.
Le projet de budget général pour les Communautés européennes s'inscrit dans les perspectives financières pour 1994 telles qu'elles résultent du « Paquet Delors II », arrêté par le Conseil européen d'Édimbourg en décembre 1992. Ces perspectives n'ont pas encore été définitivement approuvées par les institutions et n'ont pas été soumises à la représentation nationale, elles non plus. Elles ont pour effet, pour l'essentiel, de faire progresser le plafond des ressources propres de la Communauté de 1,2 % du PNB communautaire en 1993 à 1,27 % en 1999.
L'avant-projet transmis par la Commission comportait globalement des prévisions budgétaires de 73,1 milliards d'Ecus en crédits pour engagement et de 70,09 milliards d'Ecus en crédits pour paiement (soit 483,6 milliards de francs) c'est-à-dire par rapport au budget initial de 1993, une progression respectivement de 6,15 et de 7,19 %.
Le Conseil a arrêté le projet de budget à 72,4 milliards d'Ecus en crédits pour engagement et 69 milliards d'Ecus en crédits de paiement, ramenant la progression des crédits à respectivement 4,8 % et 5,3 par rapport au budget de 1993.
Le Conseil a suivi la proposition de la Commission pour la dépense agricole qui s'élève à 36,4 milliards d'Ecus, montant égal à la ligne directrice agricole ; en revanche, il a limité à 1,6 % pour les crédits d'engagement et à 2,2 % pour les crédits de paiement la progression des dépenses non obligatoires, réduisant d'autant la marge de manoeuvre du Parlement européen, puisque celui-ci ne peut accroître les dépenses communautaires que de la moitié de l'augmentation décidée par le Conseil (le taux maximum prévu par le traité étant de 3,49 %). Pour parvenir à cette forte réduction des dépenses non obligatoires, le Conseil a réduit sensiblement la progression de certaines dépenses telles que celles de la recherche (-10,5 %), des actions extérieures (- 2,02 % ) des politiques diverses comme la culture ou la formation (- 27,8 %).
Le Conseil a, en outre, constaté la décision des institutions européennes d'arrêter tout recrutement en laissant inoccupés, en 1993 et 1994, un certain nombre d'emplois vacants. Cette situation résulte, non du cadre financier décidé à Édimbourg, mais de la dévaluation de fait de l'Ecu (de l'ordre de 4,7 %) après les crises monétaires de 1992 et 1993 par rapport aux francs belge et luxembourgeois et dans lesquels sont libellées les dépenses administratives des institutions communautaires. Le Conseil a cependant considéré que les efforts de rationalisation auxquels il appelle tant la Commission que le Parlement, devraient leur permettre de faire face à leurs besoins.
Le Parlement européen est invité, par le Conseil, au respect du message de rigueur contenu dans le projet de budget général pour 1994 ; son accord est attendu, avant la fin de l'année 1993, pour l'acceptation des règles de discipline budgétaire, préalable nécessaire avant l'approbation du budget.
Le Conseil a encore suivi la Commission pour le second poste important de dépenses en dehors de la dépense agricole, celui des fonds structurels et du fonds de cohésion. Les crédits des fonds structurels, qui ont fait l'objet, le 20 juillet dernier, d'une réforme sur laquelle le Parlement français a eu l'occasion de se prononcer, atteignent un montant de 21,3 milliards d'Ecus en crédits d'engagement, soit 159 milliards de francs, en progression de 1 % par rapport à 1993 ; les crédits de paiement du fonds de cohésion, créé par le Conseil européen d'Édimbourg, augmentent en revanche de 67,9 %, atteignant 1,67 milliards d'Ecus, soit une progression de 11,5 milliards de francs.
L'exécution du budget de la Communauté, dont 90 % des dépenses sont engagés dans le cadre national pose toujours problème. Il résulte, tant du rapport annuel de la Cour des Comptes des Communautés européennes, que du rapport de la Commission européenne sur la lutte contre la fraude que le budget de la Communauté donne lieu à de très graves irrégularités. L'insuffisance des moyens de la Commission, l'absence d'homogénéité -voire l'absence tout court dans certains pays- de moyens de contrôle nationaux, la complexité de la législation communautaire, expliquent les multiples détournements opérés au détriment du budget communautaire et que certains évaluent à 10 %.
La Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen, dans son rapport du 31 mars 1993, a constaté « que les paiements effectués au titre du FEOGA ne font fréquemment l'objet que de contrôles superficiels et insatisfaisants (souvent effectués sur une seule base documentaire) de sorte qu'il est pratiquement impossible au contribuable d'avoir l'assurance que son argent est convenablement dépensé ». Le rapport ajoute que « les différents modes d'intervention communautaire sont mal coordonnés entre eux et cela jusque dans le même secteur spécifique ... par ailleurs, certaines politiques sont elles-mêmes incompatibles entre elles. A la décharge de la Commission, la complexité constatée est généralement le résultat d'un difficile processus de marchandage au cours duquel il faut prendre en compte non seulement les exigences, souvent contradictoires, des États membres mais aussi l'avis du Parlement européen. »
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Pour ces raisons, il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution qui suit que la délégation pour les Communautés européennes m'a chargé de déposer sur le bureau du Sénat :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu la proposition d'acte communautaire n° E-124 qui lui a été soumise en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- regrette que la représentation nationale n'ait pas été destinataire de l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1994, à l'exception du volume 2, section 1 : Parlement, ce qui lui aurait permis, à la condition que ce document lui ait été transmis avant la délibération du Conseil, de formuler son avis avant l'établissement, par ce dernier, du projet de budget général ;
- regrette en outre que le Gouvernement n'ait pas soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, la proposition de nouvel accord interinstitutionnel de discipline budgétaire, ce qui aurait permis à la représentation nationale de faire connaître son sentiment à ce sujet ;
- estime que le Gouvernement doit soumettre au Parlement, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, l'ensemble des propositions d'acte communautaire en matière budgétaire, à savoir non seulement le projet de budget, mais aussi les avant-projets de budget, général, rectificatif, ou supplémentaire ;
- se réjouit du redressement opéré par le Conseil lors de son examen de l'avant-projet de budget général établi par la Commission, redressement qui a permis, après un examen, ligne par ligne, des dépenses proposées par la Commission, de ramener la progression des crédits d'engagement de 6,15 % à 4,95 % en 1994 par rapport à 1993 ;
- estime que le budget pour 1994, dans sa version définitive, devra respecter ce message de rigueur adressé par le Conseil à un moment où les déficits budgétaires des États de la Communauté ont plus que doublé entre 1989 et 1993, passant de 2,7 % à 6 % du produit intérieur brut communautaire et alors que, dans le même temps, en France, le rapport entre le prélèvement sur les recettes de l'État opéré au profit de la Communauté et le montant des recettes fiscales perçues par l'État est passé de 5,2 % à 6,5 % ;
- approuve la décision prise, par les différentes institutions européennes, de geler les recrutements de personnels, et estime nécessaire qu'un redéploiement accompagne cette mesure, permettant ainsi d'augmenter sans retard les effectifs affectés par la Commission au contrôle anti-dumping et à l'instruction des mesures de défense commerciale ;
- demande au Gouvernement d'agir au sein du Conseil en sorte que la Commission prenne toute disposition pour lutter contre la fraude au budget communautaire qui risque de porter atteinte, aux yeux du contribuable, à la légitimité de la dépense européenne.