Disponible au format Acrobat (111 Koctets)
N°61
SÉNAT
PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1993 - 1994
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 octobre 1993.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur la proposition de décision du Conseil autorisant la tacite reconduction ou le maintien en vigueur des dispositions dont les matières relèvent de la politique commerciale commune, contenues dans les traités d'amitié, de commerce et de navigation et dans les accords commerciaux conclus par les États membres avec les pays tiers (n° E-106) ,
Par M. Jacques GENTON,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Communautés européennes - Politique commerciale commune - Traités et accords.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La proposition d'acte communautaire n° E-106, qui vous est soumise en application de l'article 88-4 de la Constitution, a pour objet essentiel de préserver l'unité et la cohérence de la politique commerciale de la Communauté.
Depuis la décision du Conseil du 16 décembre 1969, la Commission propose à intervalles réguliers au Conseil d'autoriser la prolongation des accords commerciaux bilatéraux conclus par les États membres avec des pays tiers, après avoir vérifié que ces accords ne font pas obstacle à la mise en oeuvre de la politique commerciale commune.
Or, il s'est avéré que les accords commerciaux conclus avec les États-Unis par certains États membres, -accords qui jusqu'à présent n'avaient pas soulevé de difficulté importante- pouvaient être interprétés de manière à contrarier la mise en oeuvre de la politique commerciale commune. Cette situation est apparue à la suite du désaccord entre la Communauté et les États-Unis concernant les marchés publics de télécommunications. Contestant la préférence prévue (dans la limite de 3 % du prix) par la Communauté en faveur des entreprises européennes, les États-Unis avaient pris certaines mesures restrictives vis-à-vis des firmes communautaires (auxquelles la Communauté avait répondu, pour éviter une escalade, par des contre-mesures de moindre portée).
Cependant, l'Allemagne, invoquant le traité qu'elle a conclu en 1954 avec les États-Unis et qui interdit toute discrimination à l'égard des firmes américaines, a indiqué aux États-Unis qu'elle n'appliquerait pas la préférence communautaire prévue ; les États-Unis ont alors levé les mesures restrictives à l'égard des seules firmes allemandes, tandis que l'Allemagne exemptait les firmes américaines des contre-mesures communautaires. Ainsi, même si la controverse n'a concrètement qu'une incidence limitée, une brèche est apparue dans l'uniformité de la politique commerciale de la Communauté, explicitement prévue aux articles 110 et 116 du traité CEE.
Dans la proposition n° E-106 qui vous est soumise, la Commission a choisi, pour colmater cette brèche, de ne pas proposer au Conseil la prolongation de l'accord germano-américain de 1954. Il en est de même des accords analogues conclus avec les États-Unis par la Belgique, le Danemark, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, même si aucun de ces pays n'a interprété ces accords de la même manière que l'Allemagne.
La proposition n° E-106 doit s'entendre avant tout comme un moyen pour conduire l'Allemagne à abandonner son interprétation du traité de 1954 : cette clarification permettrait de réintégrer les accords en cause avec les États-Unis dans la liste des textes prorogés, évitant ainsi aux États membres intéressés d'avoir à engager des négociations avec les États-Unis dans un contexte difficile.
Dans ce sens, il apparaît souhaitable que le Gouvernement appuie la proposition n° E-106. En effet, il ne serait pas acceptable que l'attitude allemande crée un précédent qui pourrait conduire certains États membres à s'exempter des contraintes de la politique commerciale commune dans leurs rapports avec les États-Unis, premier partenaire de la Communauté. Il importe de réaffirmer clairement l'exigence d'une unité d'action de la Communauté en matière de commerce international.
En même temps, et indissociablement, il convient de réaffirmer la responsabilité fondamentale du Conseil des ministres dans la définition de la politique commerciale commune et dans toute décision concernant celle-ci. Une certaine confusion des rôles est apparue dans ce domaine : la Commission, à laquelle le traité donne le rôle de mandataire du Conseil, a eu tendance à outrepasser parfois ses compétences, le cas des négociations agricoles du GATT étant un exemple particulièrement révélateur de cette tendance. La cohérence de la politique commerciale de la Communauté sera d'autant mieux préservée ou rétablie que les compétences de chacun seront respectées. C'est aux ministres responsables, agissant conjointement au sein du Conseil, qu'il appartient de déterminer la politique commerciale de la Communauté. Sans le respect de ce principe posé par les traités, la confiance indispensable à l'unité d'action ne peut être pleinement obtenue.
**
*
C'est pourquoi, il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution qui suit que la délégation pour les Communautés européennes m'a chargé de déposer sur le bureau du Sénat :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de décision du Conseil autorisant la tacite reconduction ou le maintien en vigueur des dispositions dont les matières relèvent de la politique commerciale commune, contenues dans les traités d'amitié, de commerce et de navigation et dans les accords commerciaux conclus par les États membres avec les pays tiers, n° E 106,
Considérant qu'il est nécessaire de garantir le respect des principes de la politique commerciale commune définie aux articles 110 à 116 du traité de Rome,
Considérant également que la légitimité de la politique commerciale commune suppose le respect intégral des compétences du Conseil des ministres telles qu'elles sont précisées aux articles susmentionnés,
Invite le Gouvernement :
- à approuver la proposition n° E-106, qui a pour objet principal de lever les contradictions existantes ou possibles entre la politique commerciale commune et certains accords bilatéraux conclus par des États membres avec des pays tiers ;
- à veiller en permanence au respect des compétences du Conseil dans la définition de la politique commerciale commune et dans toute décision engageant la Communauté dans ce domaine.