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N° 723

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 septembre 2018

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 34-1 DE LA CONSTITUTION,

en application de l'article 34-1 de la Constitution, sur le pastoralisme ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Sophie PRIMAS, M. Hervé MAUREY, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Cyril PELLEVAT, Jean-Noël CARDOUX, Mme Viviane ARTIGALAS, M. Arnaud BAZIN, Mmes Martine BERTHET, Anne-Marie BERTRAND, Annick BILLON, MM. François BONHOMME, Bernard BONNE, Gilbert BOUCHET, Yves BOULOUX, Jean-Marc BOYER, Max BRISSON, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. Henri CABANEL, François CALVET, Vincent CAPO-CANELLAS, Mme Maryse CARRÈRE, M. Alain CAZABONNE, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Olivier CIGOLOTTI, Mme Josiane COSTES, MM. Pierre CUYPERS, Mathieu DARNAUD, Jean-Pierre DECOOL, Dominique de LEGGE, Louis-Jean de NICOLAY, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Chantal DESEYNE, M. Yves DÉTRAIGNE, Mme Élisabeth DOINEAU, MM. Daniel DUBOIS, Alain DUFAUT, Laurent DUPLOMB, Alain DURAN, Mmes Frédérique ESPAGNAC, Dominique ESTROSI SASSONE, Françoise FÉRAT, M. Bernard FOURNIER, Mmes Catherine FOURNIER, Françoise GATEL, M. Jacques GENEST, Mme Sylvie GOY-CHAVENT, MM. Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, Mme Pascale GRUNY, M. Joël GUERRIAU, Mme Jocelyne GUIDEZ, MM. Loïc HERVÉ, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Mme Corinne IMBERT, MM. Jean-Marie JANSSENS, Guy-Dominique KENNEL, Claude KERN, Jean-Louis LAGOURGUE, Mmes Élisabeth LAMURE, Christine LANFRANCHI DORGAL, MM. Michel LAUGIER, Daniel LAURENT, Ronan LE GLEUT, Jean-Pierre LELEUX, Mme Anne-Catherine LOISIER, M. Jean-François LONGEOT, Mme Vivette LOPEZ, MM. Pierre LOUAULT, Jean-Claude LUCHE, Alain MARC, Jean-François MAYET, Pierre MÉDEVIELLE, Mmes Colette MÉLOT, Brigitte MICOULEAU, M. Jean-Pierre MOGA, Mme Marie-Pierre MONIER, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Olivier PACCAUD, Jean-Jacques PANUNZI, Mme Évelyne PERROT, MM. Jackie PIERRE, Rémy POINTEREAU, Jean-Paul PRINCE, Christophe PRIOU, Mmes Frédérique PUISSAT, Isabelle RAIMOND-PAVERO, MM. Michel RAISON, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Jean-Yves ROUX, Mme Denise SAINT-PÉ, MM. Michel SAVIN, Alain SCHMITZ, Bruno SIDO, Jean SOL, Mme Nadia SOLLOGOUB, MM. Jean-Claude TISSOT et Jean-Pierre VIAL,

Sénateurs

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Plus que jamais, les éleveurs français sont exposés à de multiples risques, qui font peser une menace forte et durable sur leur activité. Avalanche de contraintes pour les agriculteurs, compétition internationale déloyale, crise des vocations : l'ampleur des défis à relever est gigantesque.

Les éleveurs pastoraux, en particulier, pratiquent un métier difficile, dans des conditions rendues encore plus difficiles par la recrudescence des actes de prédation de tout type.

Dans ce contexte, le modèle de l'élevage extensif et l'économie pastorale sont en danger et les éleveurs ressentent aujourd'hui un sentiment d'abandon légitime, que la succession de nouvelles mesures anti-pastorales ne saurait qu'aggraver.

Face à ce constat et à la suite de la parution du Plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage le 19 février 2018, porté par le Ministère de la Transition écologique et solidaire et le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, nombreux ont été nos collègues à se mobiliser pour donner un écho politique à la désespérance des éleveurs et du monde pastoral.

Cette volonté s'est traduite d'une part, par l'adoption, par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, du rapport d'information n° 433 (2017-2018) de M. Cyril PELLEVAT, président du groupe d'études « Développement économique de la Montagne », relatif à la gestion des loups sur le territoire français, lors de sa réunion du 17 avril 2018 et, d'autre part, par la décision de constituer, au sein de la commission des affaires économiques, un groupe de travail sur le pastoralisme, présidé par Mme Patricia MORHET-RICHAUD, qui conduit actuellement des travaux sur ce sujet. Ces travaux vont se poursuivre tout au long de la session parlementaire.

Le pastoralisme est, en effet, un élément incontournable du modèle agricole français.

Tradition culturelle ancestrale et activité économique à forte composante artisanale, favorisant l'atteinte d'un haut niveau de qualité dans la production alimentaire, le pastoralisme contribue également à façonner les paysages français et à l'aménagement de territoires où l'homme est d'ordinaire peu présent, à l'image des zones de montagne et de basse-montagne.

Les externalités positives qu'il induit sont nombreuses. Que ce soit en matière de prévention des risques naturels en montagne (incendies, avalanches, glissements de terrain), de biodiversité (valorisation des ressources naturelles, protection des écosystèmes), de dynamisme économique (tourisme, activités sportives), le pastoralisme participe au développement durable de nombreux territoires. Il est urgent qu'elles soient enfin valorisées à leur juste valeur.

Aussi, la présente résolution a pour objectif de rappeler l'ensemble de ces éléments et de montrer aux producteurs concernés l'intérêt et la mobilisation des parlementaires pour la question pastorale alors que les éleveurs se sentent aujourd'hui abandonnés par les pouvoirs publics.

La question de la prédation l'illustre : la menace que font peser les grands prédateurs tels que le loup, l'ours et le lynx sur les troupeaux n'est pas suffisamment prise en compte par le Gouvernement.

L'annonce de la réintroduction prochaine (en octobre) de deux femelles ours dans les Pyrénées par le ministre de la Transition écologique et solidaire a récemment suscité une levée de boucliers dans les territoires et ravivé les mauvais souvenirs et angoisses des éleveurs, qui se demandent s'ils pourront continuer à exercer leur activité. Cela est vécu comme une provocation, qui renforce le sentiment de n'être ni entendu ni considéré.

L'argument de la préservation de la biodiversité par le soutien au retour de certains prédateurs néglige la contribution du pastoralisme au maintien de la biodiversité végétale, floristique et faunistique de nos territoires.

Pourtant, sur cette question épineuse, au sujet de laquelle les passions s'expriment parfois de façon vigoureuse, il est possible d'apporter des réponses pragmatiques et innovantes, qui permettraient de soutenir le monde pastoral : l'amélioration de la connaissance sur l'éthologie de ces espèces, une gestion intra-européenne des prédateurs, la refonte du système d'indemnisation des éleveurs, l'utilisation raisonnée des mesures de protection des troupeaux ou encore le développement de mesures alternatives aux tirs de prélèvement pour réapprendre aux loups à se méfier et à se tenir à l'écart des hommes, constituent des pistes insuffisamment exploitées à ce jour.

La présente résolution entend rappeler ces éléments.

Proposition de résolution sur le pastoralisme

Le Sénat,

Vu l'article 34-1 de la Constitution,

Vu le rapport d'information du Sénat sur la protection et la mise en valeur du patrimoine naturel de la montagne (n° 384, 2013-2014) - 19 février 2014 - de Mme Hélène MASSON-MARET et M. André VAIRETTO, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire,

Vu le rapport d'information du Sénat relatif au Plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage (n° 433, 2017-2018) - 17 avril 2018 - de M. Cyril PELLEVAT, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable,

Considérant que le pastoralisme pratique agricole ancestrale et collective, demeure essentiel à la vie des territoires, en particulier montagneux et que sans le pastoralisme, la montagne ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui ;

Considérant que le pastoralisme appartient au patrimoine français et bénéficie à l'ensemble de la société ;

Soulignant que le pastoralisme promeut une agriculture extensive de qualité, à forte composante artisanale, souvent valorisée par le recours à des signes officiels de qualité et aux circuits courts ;

Estimant que le pastoralisme façonne les paysages qu'il utilise au bénéfice d'autres activités économiques comme le tourisme ou les activités sportives ;

Rappelant qu'il joue un rôle essentiel en matière de prévention des risques naturels comme les incendies, les avalanches ou les glissements de terrain ;

Affirmant que le pastoralisme et le pâturage extensif sont des conditions essentielles de la préservation de la biodiversité, de la valorisation des ressources naturelles de nos territoires et de leur aménagement durable ;

Regrette que les effets positifs du pastoralisme ne soient pas valorisés à leur juste valeur et que les revenus des agriculteurs concernés soient plus faibles que la moyenne du secteur agricole compte tenu des surcoûts induits par la topographie difficile de ces zones agricoles ;

Rappelle en conséquence l'importance de valoriser les externalités positives des activités pastorales au regard des services rendus, tant à l'égard de la société que de l'environnement, ce qui devrait valoir aux éleveurs une meilleure rémunération des biens publics qu'ils produisent ;

Craint une réduction des surfaces pastorales compte tenu de la pression urbaine et du renchérissement du prix du foncier ;

Souligne que le changement climatique menace le pastoralisme en dégradant les conditions de l'élevage, notamment par la recrudescence des maladies auxquelles sont exposés les troupeaux et par la raréfaction de certaines ressources naturelles ;

Dénonce, compte tenu de ces éléments, le sentiment d'abandon légitime que les éleveurs pastoraux ressentent ;

S'inquiète des négociations en cours relatives à la politique agricole commune qui pourraient menacer l'équilibre économique déjà précaire des exploitations pastorales ;

Souhaite une sanctuarisation des moyens mobilisés pour les activités pastorales par la politique agricole commune ;

Appelle à la reconnaissance plus large des surfaces pâturées fournissant des ressources alimentaires pour les troupeaux en tant que surfaces agricoles admissibles aux aides de la politique agricole commune ;

Estime que toute mesure de soutien au pastoralisme ne saurait atteindre ses objectifs si une protection effective des systèmes pastoraux contre les grands prédateurs n'était pas assurée ;

Juge que la prédation, en exacerbant les difficultés de l'agriculture pastorale, l'expose à un danger de mort ;

Rappelle que la prédation est polymorphe et concerne tant le loup que l'ours ou le lynx, dans toute l'Europe mais avec des enjeux particuliers en France ;

Souhaite une gestion intra-européenne coordonnée des populations de grands prédateurs, permettant d'anticiper leurs mouvements et de connaître précisément l'état de conservation des espèces concernées ;

Constate la détresse des éleveurs face à la multiplication des actes de prédation et leur solitude dans ces épreuves dont les conséquences peuvent être dramatiques et qui alimentent un cercle vicieux de souffrances, d'incompréhensions et de dépenses ;

Juge indispensable une refonte du système d'indemnisation des éleveurs afin d'assurer la célérité des paiements et la juste reconnaissance des préjudices subis ;

Appelle plus spécifiquement le Gouvernement à bien mesurer l'ampleur des dégâts liés à la présence de l'ours dans les territoires concernés ;

Considère que toute réintroduction de spécimens ursidés devrait se faire au terme d'une étude d'impact approfondie et d'une concertation préalable associant les éleveurs et les élus locaux ;

Observe également que les territoires pastoraux sont confrontés au retour du loup depuis plus de vingt-cinq ans dans le massif des Alpes et que cette colonisation, initialement circonscrite aux régions alpines, s'étend désormais à l'Ouest vers les Pyrénées, l'Aveyron, l'Hérault, l'Aude, la Lozère, le Puy-de-Dôme, le Jura ou encore les Vosges, exposant ces régions à une augmentation continue des actes de prédation ;

Relève que l'arrivée, depuis l'Europe du Nord, d'une nouvelle population de loups au Luxembourg et en Belgique constitue également une source d'inquiétude pour les territoires du Nord de la France jusque-là épargnés par la prédation lupine ;

Considère que cette extension non maîtrisée du front de la colonisation lupine fragilise l'équilibre entre les activités humaines et la protection dont fait l'objet cette espèce dans le cadre de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (dite « directive habitats ») et de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe signée à Berne le 19 septembre 1979 ;

Observe en particulier que, si le nouveau Plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage comporte des avancées pour les territoires, il demeure très en-deçà des enjeux sociaux, économiques, culturels et psychologiques auxquels sont confrontés les éleveurs, les populations et leurs représentants élus ;

Juge que, face à cette évolution, les mesures déployées par l'État pour la protection des troupeaux, le financement d'études scientifiques ou la mise en oeuvre de tirs de prélèvement par dérogation à la réglementation, apparaissent insuffisantes pour garantir le maintien des activités économiques liées à l'élevage et, plus largement, le développement de territoires aux traditions sociales et culturelles ancestrales ;

Appelle à la rénovation urgente du cadre de la politique du loup pour apporter une réponse pérenne à un malaise social grandissant ;

Juge urgent de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires afin d'améliorer la fiabilité des données sur le nombre des loups et la transmission de ces informations par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage aux élus locaux ;

Souligne la nécessité d'améliorer la connaissance scientifique tant sur l'hybridation que sur l'éthologie du loup pour mieux adapter la réponse humaine ;

Invite instamment à développer les mesures alternatives aux tirs de prélèvement pour réapprendre aux loups à se méfier et à se tenir à l'écart des hommes ;

Estime nécessaire de revenir sur le choix de conditionner les indemnisations à la mise en place de mesures de protection, d'améliorer la prise en charge des chiens de protection et de reconnaître réellement la notion de troupeau non protégeable, pour tenir compte des caractéristiques topographiques de certaines régions pastorales ;

Encourage le Gouvernement à plaider pour une révision du niveau et des modalités de protection de certaines espèces aux niveaux européen et international ;

Appelle à trouver un équilibre plus favorable aux activités humaines entre la préservation de l'environnement et le développement des territoires.

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