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N° 431
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 février 2017 |
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
PRÉSENTÉE
au nom de la commission des affaires européennes, portant avis motivé en application de l'article 73 octies du Règlement, sur la mise en oeuvre de la directive « services » - professions réglementées ,
Par MM. Didier MARIE et Jean-Paul ÉMORINE,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des affaires économiques.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La Commission européenne a présenté une proposition de directive relative à un contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions (COM (2016) 822 final).
L'objectif de ce texte est de demander aux États membres de mettre en place une évaluation préalable de toute nouvelle réglementation visant à encadrer l'exercice d'une profession.
La proposition de directive concerne toutes les professions dont l'accès est limité par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives. Cette évaluation devra être faite par un organisme national indépendant et objectif. La directive ne précise pas si cet avis est contraignant. Or, le Sénat a récemment adopté une proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes réservant à la loi le pouvoir de créer ce type d'institutions afin d'en limiter le nombre.
La directive précise que ces dispositions nouvelles peuvent être prises pour des motifs d'intérêt général notamment la sécurité publique, la santé publique ou la protection des consommateurs. Elle exclut les motifs d'ordre purement économique. Au regard des motifs invoqués, les dispositions envisagées sont évaluées pour garantir qu'elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire et que le principe de proportionnalité est ainsi respecté.
Les dispositions nouvelles sont alors notifiées à la Commission européenne. Les États membres et les parties intéressées peuvent présenter leurs observations.
Cette proposition de directive ne respecte pas le principe de subsidiarité.
Tout d'abord, différents articles du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) excluent les mesures d'harmonisation et laissent toute latitude aux États membres pour établir leur réglementation. C'est le cas de l'article 195 du TFUE qui exclut toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres dans le secteur du tourisme. De même, en ce qui concerne la protection des consommateurs, l'article 169 du TFUE dispose que les États-membres peuvent maintenir ou établir des mesures de protection plus strictes si elles sont compatibles avec les traités.
En outre, l'article 91 du TFUE dispose que pour l'établissement de règles encadrant les conditions d'admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux dans un État membre, il est tenu compte de l'impact sur le niveau de vie et l'emploi ainsi que de l'exploitation des équipements de transport. Or, le texte présenté exclut que des dispositions nouvelles soient adoptées pour des motifs d'ordre purement économique.
Enfin, l'article 168 du TFUE prévoit que l'action de l'Union est menée dans le respect de la responsabilité des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux. L'engagement de la responsabilité des États membres sur ces questions est incompatible avec la mise en place d'un contrôle de proportionnalité des dispositions prises pour encadrer l'accès au niveau national aux professions en lien avec la santé. Sur ce sujet, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne est constante : elle reconnaît la possibilité pour les États membres de limiter la liberté d'établissement pour protéger la santé publique.
Par conséquent, la commission des affaires européennes a estimé que la proposition de règlement ne respecte pas le principe de subsidiarité. Elle a en ce sens adopté, à l'unanimité, l'avis motivé suivant :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
PORTANT AVIS MOTIVÉ
La proposition de directive tendant à établir un contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions COM(2016) 822 final doit favoriser le développement d'un marché intérieur des services.
Ce texte prévoit que les États membres mettent en place une évaluation préalable de toute nouvelle réglementation visant à encadrer l'exercice d'une profession. Les conclusions de cette évaluation seront notifiées à la Commission. Les autres États membres pourront présenter leurs observations. Ces dispositions nouvelles peuvent être prises pour des motifs d'intérêt général notamment la sécurité publique, la santé publique ou la protection des consommateurs. Les motifs d'ordre purement économique sont exclus et ces mesures doivent respecter le principe de proportionnalité garantissant qu'elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire.
Vu l'article 88-6 de la Constitution,
Le Sénat fait les observations suivantes :
- ce texte permet à la Commission et aux autres États membres d'émettre un avis sur des dispositions prises dans un cadre national ;
- le texte COM (2016) 822 final s'applique à l'ensemble des professions réglementées. Or, celles-ci s'exercent dans différents secteurs d'activité pour lesquels le TFUE peut prévoir des règles spécifiques ;
- l'article 169 du TFUE dispose que les États membres peuvent maintenir ou établir des mesures de protection plus strictes si elles sont compatibles avec les traités, pour la protection des consommateurs ;
- dans le secteur des transports, l'article 91 du TFUE prévoit l'établissement de règles encadrant les conditions d'admission peuvent être prises au regard de motifs économiques ;
- dans le domaine de la santé, l'article 168 du TFUE dispose que l'action de l'Union est menée dans le respect de la responsabilité des États membres, ce qui exclut toute application du principe de proportionnalité ;
- l'article 195 du TFUE exclut toute harmonisation des règles législatives et réglementaires dans le secteur du tourisme.
Pour ces raisons, le Sénat estime que la proposition de directive COM (2016) 822 final ne respecte pas le principe de subsidiarité.