N° 67
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 2006 |
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de traitement des dossiers de régularisation des ressortissants étrangers en situation irrégulière , parents d'enfants scolarisés , dans le cadre de la circulaire du 13 juin 2006 ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Roger MADEC, Louis MERMAZ, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Bernard FRIMAT, André VÉZINHET, Richard YUNG, Mmes Bariza KHIARI, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, MM. Bernard DUSSAUT, Philippe MADRELLE, Charles GAUTIER, Jean-Luc MÉLENCHON, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Bertrand AUBAN, Jean-Pierre MICHEL, Jean-Pierre SUEUR, Mmes Nicole BRICQ, Yolande BOYER, M. Pierre-Yves COLLOMBAT, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Serge LAGAUCHE, Daniel RAOUL, Paul RAOULT, Thierry REPENTIN, Michèle ANDRÉ, Roland COURTEAU, et les membres du groupe socialiste (1), apparentés (2) et rattachés (3),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
Règlement et d'administration générale).
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(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Michel Charasse, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mmes Odette Herviaux, Sandrine Hurel, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Charles Josselin, Alain Journet, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente-Baudrin, M. Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Robert Tropéano, André Vantomme, André Vézinhet, Richard Yung.
(2) Apparentés : MM. Jacques Gillot, Serge Larcher, Claude Lise.
(3) Rattachés administrativement : Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, M. Jean Desessard, Mme Dominique Voynet.
Étrangers. |
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 13 juin 2006 a été publiée une circulaire posant les conditions d'une régularisation de certains étrangers en situation irrégulière dont un enfant au moins est scolarisé.
Cette circulaire a été prise sous la pression d'une opinion publique révoltée par le sort des enfants d'immigrés, certes en situation irrégulière mais dont la scolarisation dans les écoles de la République manifestait, de la part des parents, un désir réel et constructif d'insertion dans la société française. De fait, l'arrestation d'enfants sur les lieux de l'école, voire les interpellations effectuées en classe, avaient de quoi émouvoir, s'appuyant sur une autre circulaire, celle du 21 février 2006 relative aux conditions d'interpellation d'un étranger en situation irrégulière, à sa garde à vue et à la réponse pénale.
Arguant de son souci d'apaisement, le ministre de l'Intérieur a fixé les conditions qui pouvaient être prises en compte par les préfets pour régulariser à titre exceptionnel les enfants scolarisés et leur famille :
- résidence en France depuis au moins deux ans à la date de la publication de la circulaire ;
- scolarisation effective en France d'un enfant au moins, y compris en classe maternelle ;
- naissance en France d'un enfant ou résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ;
- contribution effective du ou des parents à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil ;
- réelle volonté d'intégration de ces familles, caractérisée notamment par, outre la scolarisation des enfants, leur maîtrise du français, le suivi éducatif des enfants, le sérieux de leurs études et l'absence de trouble à l'ordre public ;
- absence de lien de l'enfant avec le pays dont il a la nationalité.
Mais ces conditions ne sont pas imposées aux préfets qui ont ainsi gardé une liberté d'appréciation.
Il convient de s'interroger sur le fait de savoir si les dossiers ont été instruits en fonction des critères énoncés par la circulaire ou en fonction d'objectifs chiffrés, préalablement établis par le ministère de l'intérieur.
En effet, alors que le texte de la circulaire était daté du 13 juin 2006, que le délai de retrait des dossiers n'expirait que le 13 août et que des centaines de dossiers arrivaient encore chaque jour, le ministre annonçait, lors de la conférence de presse du 24 juillet 2006, le dépôt de 20 000 dossiers de régularisation et la régularisation de 6 000 familles. Il posait ainsi un pourcentage d'admission a priori .
Le 18 septembre, il annonçait finalement la régularisation de 6 924 personnes dans le cadre de la circulaire du 13 juin consécutive au dépôt de 33 538 dossiers.
Cette annonce a provoqué une légitime émotion en raison de la similitude du chiffre avancé au mois de juillet et du résultat constaté au mois de septembre, alors même que l'importance des demandes en règle avait été sous évaluée et que des dossiers n'avaient pas été examinés. On s'étonnera que la logique du chiffre l'ait emporté sur la gestion humanitaire annoncée.
Cependant, placées dans des situations identiques, certaines familles ont été régularisées et d'autres pas, sans qu'il existe aucune justification à ce traitement discriminatoire.
Dans un courrier en date du 4 septembre 2006 rendu public le 14 septembre, le Président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) a exprimé en ces termes au ministre son inquiétude à ce sujet : « Si l'absence d'uniformité de l'application de la législation sur le territoire national, corrélative à la diversité des pratiques administratives relevées, est liée au cadre territorial de l'action préfectorale, ainsi qu'au pouvoir d'appréciation dont chaque préfet dispose, j'appelle néanmoins votre attention sur les contraintes attachées au principe d'égalité, qui commandent un traitement égal des personnes placées dans une situation comparable ».
Outre cette question de traitement inégalitaire des familles, il faut s'inquiéter du devenir des dossiers en cours - certains intéressés ont été convoqués en octobre - et du sort fait aux familles qui, de bonne foi, ont déposé leur dossier « à visage découvert » et risquent, en application de la directive de février 2006, d'être frappées de reconduite à la frontière.
Par ailleurs, il faut aussi s'interroger sur le sort des jeunes majeurs scolarisés qui n'étaient pas concernés par la circulaire, mais qui auraient pu faire l'objet de la même démarche humanitaire que leurs jeunes frères et soeurs, s'agissant d'une mesure prise à titre exceptionnel. Cette question devra nécessairement être posée pour les personnes qui étaient mineures lors du dépôt de leur dossier et qui sont devenues majeures depuis.
Enfin, d'autres points méritent d'être étudiés par la commission d'enquête, notamment l'absence de motivation de certaines lettres de refus ou la motivation de certains refus fondée sur des critères établis par la circulaire et non par la loi.
Il est également nécessaire de connaître le nombre de décisions positives ou de refus prises dans chaque département de la France métropolitaine et de la France d'outre-mer.
La commission d'enquête que nous vous demandons de créer, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, est un devoir que nous avons à l'égard des nombreuses familles dont la situation n'a pas été étudiée ou qui ont été jusqu'alors déboutées. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter la proposition de résolution suivante.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
En application de l'article 6 de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 11, alinéa 1, du Règlement du Sénat, est créée une commission d'enquête de vingt et un membres chargée de procéder à des investigations sur les conditions d'application de la circulaire du 13 juin 2006 relative aux mesures à prendre à l'endroit des ressortissants étrangers dont le séjour en France est irrégulier et dont au moins un enfant est scolarisé depuis septembre 2005.