Taux réduits de TVA
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PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne (1), en application de l'article 73 bis du règlement , sur la proposition de directive relative aux taux réduits de TVA (E 2365),
Par M.
Denis BADRÉ,
Sénateur
(Renvoyée à la commission des Finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
(1) Cette délégation est composée de
: M Hubert
Haenel,
président
; M. Denis Badré, Mme Danielle
Bidard-Reydet, MM. Jean-Léonce Dupont, Claude Estier, Jean
François-Poncet, Lucien Lanier,
vice-présidents
; M.
Hubert Durand-Chastel,
secrétaire ;
MM. Bernard Angels,
Robert Badinter, Jacques Bellanger, Jean Bizet, Jacques Blanc, Maurice Blin,
Gérard César, Gilbert Chabroux, Robert Del Picchia, Mme
Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, Pierre Fauchon,
André Ferrand, Philippe François, Bernard Frimat, Yann Gaillard,
Emmanuel Hamel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Aymeri de Montesquiou, Joseph
Ostermann, Jacques Oudin, Simon Sutour, Jean-Marie Vanlerenberghe, Paul
Vergès, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I -
RAPPEL DE LA SITUATION ACTUELLE
En vertu des différentes directives TVA et des interprétations de
la Cour de justice,
les biens et services sont en principe soumis au taux
dit normal
(dont le minimum a été fixé à
15 % jusqu'au 31 décembre 2005) ;
chaque État membre
a cependant la possibilité d'appliquer un taux réduit
(taux
minimum de 5 %)
à une ou deux catégories de biens ou de
services énumérés dans l'annexe H de la directive de 1977
relative aux taux réduits de TVA
: denrées alimentaires,
distribution d'eau, produits pharmaceutiques, transports de personnes,
spectacles, services de radiodiffusion et de télévision, etc.
Mais le législateur communautaire a accordé de multiples
dérogations à certains États membres
, le plus souvent
pour assurer le maintien de situations préexistantes.
C'est ainsi que certains États peuvent taxer au taux réduit des
services qui ne figurent pas à l'annexe H, par exemple les services
de restauration (Grèce, Espagne, Italie, Pays-Bas...).
C'est ainsi également que certains États sont autorisés
à descendre en deçà du seuil de 5 % en appliquant un
taux super-réduit (exemple, 3 % pour le Luxembourg sur l'eau),
voire un taux 0 (par exemple pour le Royaume-Uni sur l'eau).
Parfois, un État bénéficie de ces deux types de
dérogations ; c'est ainsi que le Luxembourg applique un taux
super-réduit de 3 % aux services de restauration.
Toutes ces dérogations avaient été autorisées
à titre transitoire mais n'ont pas jusqu'à présent
donné lieu à une abrogation formelle. Elles sont apparues
d'autant moins justifiées à la Commission que certaines d'entre
elles étaient accordées à une majorité
d'États et refusées à d'autres (8 États sur 15
appliquent un taux réduit à la restauration). Elles
présentent par ailleurs des risques de distorsion de concurrence au sein
du marché intérieur. C'est une rationalisation de ce dispositif
que vise la proposition présentée par la Commission en juillet
dernier.
II - LE CONTEXTE DE LA PROPOSITION : LES CRITIQUES DE LA COMMISSION
CONTRE LA RÉDUCTION DES TAUX DE TVA
La Commission a présenté sa proposition sur les taux
réduits de TVA peu après la publication de son rapport sur la
mise en oeuvre d'un taux réduit pour certains services à forte
intensité de main-d'oeuvre (mise en oeuvre autorisée à
titre expérimental par une directive du 22 octobre 1999).
Ce rapport avait dressé un bilan sévère de
l'expérience, à laquelle participent neuf États membres,
dont la France :
-
la baisse du taux de TVA n'a pas
« d'effets
robustes »
, ni sur l'emploi, ni au regard de la lutte contre
l'économie souterraine
. Cela tient notamment au fait que, souvent,
cette diminution n'est répercutée que partiellement, voire pas du
tout, au niveau des prix et sert plutôt à accroître la marge
des prestataires. Le seul domaine dans lequel les professionnels
répercutent une baisse de la TVA sur les prix semble celui de la
rénovation de logements. En tout état de cause, lorsque
répercussion il y a, on observe chez les prestataires concernés
une tendance à accroître par la suite leurs prix à la
consommation d'une manière plus forte que l'inflation. D'où la
conclusion de la Commission :
« L'application d'un taux
réduit ne modère que temporairement la hausse habituelle des
prix »
;
- dans tous les cas, tant les études de la Commission que celles
des États membres mettaient en avant le
coût budgétaire
« toujours plus élevé
»
d'une réduction du taux de TVA. Ainsi, observe la Commission, le
coût d'un emploi direct créé dans le secteur de la
construction de logements neufs représenterait, selon les estimations de
la France, environ 89.000 euros par emploi et par an.
La Commission en conclut que
« pour un même coût
budgétaire, une réduction des charges sur le travail crée
52 % de plus d'emplois qu'une réduction du taux de TVA
entièrement
transmise dans les prix »
;
- dans la perspective de la présentation de sa proposition sur les
taux réduits, la Commission s'est aussi livrée à une
comparaison des prix, dont elle fait état dans l'exposé des
motifs. Elle constate que
« des taux de TVA réduits
n'impliquent par pour autant des prix
inférieurs
».
Ainsi, pour un indice moyen de
100 dans l'Europe des Quinze en 1999, l'indice des prix des chaussures pour
enfants était de 126 au Luxembourg, malgré un taux de 3 %, et de
67 au Portugal, qui appliquait un taux de 17 % ; pour la coiffure,
avec un taux réduit à 7 %, l'Espagne avait un indice de 103
contre 90 pour la Belgique où le taux était de 21 %.
Certes, l'évaluation faite par le gouvernement français est
beaucoup plus positive. Celui-ci estime que la baisse du taux de TVA sur les
travaux dans les logements privés a entraîné une hausse du
chiffre d'affaires annuel du secteur de 1,3 à 1,5 milliard d'euros
et 40.000 à 46.000 créations d'emplois. Elle aurait
également réduit sensiblement le travail clandestin.
Quoiqu'il en soit, c'est dans un esprit de fort scepticisme quant aux
conséquences économiques d'une baisse de la TVA que la Commission
a présenté sa proposition sur les taux réduits.
III - LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE
La proposition de la Commission ne concerne que la structure des taux de
TVA
: elle ne porte pas sur leurs niveaux qui (au moins jusqu'au
31 décembre 2005) resteront donc de 15 % au moins pour le taux
normal et de 5 % au moins pour les taux réduits.
Cette proposition vise à rationaliser le dispositif selon les principes
suivants :
-
l'annexe H deviendrait la seule référence pour
toute dérogation au taux normal
. Aucun bien ou service ne pourrait
faire l'objet d'un taux réduit s'il n'y était pas
mentionné ; les taux super-réduits et les taux 0
existants pourraient être maintenus dans la mesure où ils
concerneraient des activités ou produits mentionnés à
l'annexe H ;
-
la liste de l'annexe H serait complétée par
l'ajout de catégories
qui n'y figurent pas aujourd'hui, mais pour
lesquelles des dérogations ont été accordées
à des États. Tel est notamment le cas du logement (qui ne peut
aujourd'hui donner lieu au taux réduit que partiellement), des soins
à domicile et de la restauration. Les disques ne figurent pas dans la
proposition de la Commission.
En pratique, la plupart des taux réduits existants pourraient perdurer,
à l'exception de trois secteurs principaux : les petits services de
réparation, la coiffure et les vêtements et chaussures pour
enfants.
IV - UNE NÉGOCIATION DIFFICILE
La proposition de directive a été examinée au Conseil
Ecofin informel de Stresa le 13 septembre 2003, puis au Conseil Ecofin du 7
octobre dernier. Les États membres ont réservé un accueil
mitigé au texte de la Commission. Si une majorité d'entre eux en
approuve la philosophie ou, tout au moins, ne s'y oppose pas, l'Allemagne, la
Suède et le Danemark se sont déclarés franchement hostiles
à toute extension du champ de l'annexe H.
D'autres, à l'instar du Royaume-Uni, du Luxembourg et de l'Irlande, sans
être hostiles à cette extension, pourraient voter contre les
propositions de la Commission si celles-ci maintenaient la suppression des taux
réduits et super-réduits pour les biens et services ne figurant
pas à l'annexe H.
Certains États, dont la France et l'Italie (qui préside les
réunions du Conseil des ministres), ne ménagent pas leurs efforts
pour une adoption rapide de la proposition.
Le gouvernement français propose même de voter des mesures par
anticipation en loi de finances : l'article 12 du projet de budget pour
2004 pérennise le taux réduit de TVA dans les services à
forte intensité de main-d'oeuvre «
sous réserve de
l'accord de l'ensemble des Etat membres sur une modification de l'annexe
H
», tandis que l'article 69 prévoit que
«
dans les quatre mois suivant l'entrée en vigueur de la
directive incluant les services de restauration dans l'annexe H à la
directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, une loi fixera les conditions
dans lesquels ces services seront soumis au taux
» réduit
de TVA.
Il est cependant assez peu probable que la directive soit adoptée avant
la fin de l'année, en dépit du voeu du Gouvernement
français. On peut toutefois imaginer un accord de principe sur la
directive au niveau des groupes avant la fin de 2003, accord qui donnerait lieu
à une adoption formelle dans le courant du 1
er
semestre
2004. Eventuellement, le régime des services à forte
intensité de main-d'oeuvre ferait l'objet d'une prorogation dans
l'intervalle, pour éviter tout vide juridique.
Pour autant, un tel scénario (accord de principe en 2003 et adoption
formelle en 2004) ne correspondrait pas aux souhaits du Gouvernement
français, dont le souci premier demeure
la réduction du taux
sur la restauration
. C'est en effet ce point qui
soulève le plus
d'objections
de la part des opposants à une extension du champ de
l'annexe H. Ceux-ci craignent avant tout de devoir faire face aux demandes des
professionnels des secteurs concernés, si le droit communautaire
autorise les taux réduits pour de nouvelles catégories de biens
et services.
Le jeu diplomatique pourrait donc conduire à « couper la poire
en deux », les États hostiles à toute extension des
taux réduits se ralliant au principe de la proposition en échange
d'une extension moindre que celle proposée par la Commission. Mais, en
l'état, la dernière proposition de compromis de la
présidence italienne donne pleine satisfaction à la France
puisque, outre la restauration, elle inclut les disques.
* *
*
Pour ces raisons, votre délégation pour l'Union européenne a conclu au dépôt de la proposition de résolution qui suit :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le
Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en
ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée
(E 2365),
Approuve le principe de la proposition de directive, qui rationalise le
régime communautaire des taux réduits de TVA et met fin à
des distorsions de concurrence ;
Estime essentiel de maintenir dans la proposition de directive l'application du
taux réduit aux services de construction et de rénovation de
logements ainsi qu'à la restauration ;
Demande que soient ajoutés à la liste des biens
bénéficiant du taux réduit de TVA les disques et cassettes
sonores.