Proposition de résolution - Création d'une commission d'enquête chargée d'examiner les causes et conséquences de la fermeture de l'usine Métaleurop Nord
N°
227
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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mars 2003
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
tendant à la création d'une
commission
d'enquête
chargée d'examiner les
causes
et
conséquences
de la décision de
fermeture
du
site
de
Noyelles-Godault
(Pas-de-Calais), prise unilatéralement par le groupe industriel
Métaleurop
, ainsi que les
responsabilités
sociales
et
financières
qu'il lui appartient d'assumer,
par M. Yves COQUELLE, Mme Michelle DEMESSINE, MM. Ivan RENAR, Guy FISCHER, Mme
Evelyne DIDIER, MM. Roland MUZEAU, Jean-Yves AUTEXIER,
Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Marie-France BEAUFILS, M. Pierre
BIARNÈS, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, M. Robert BRET,
Mme Annie DAVID, MM. Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM, Paul LORIDANT, Mmes
Hélène LUC, Josiane MATHON, M. Jack RALITE, Mme Odette TERRADE et
M. Paul VERGÈS,
Sénateurs
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan et pour avis à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1 du Règlement)
Emploi
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La décision du groupe Métaleurop « de ne pas octroyer
de nouveaux financements à sa filiale Métaleurop Nord de
Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), afin d'assurer la stabilité
financière du groupe » fait depuis qu'elle a été
rendue publique l'effet d'un coup de tonnerre dans notre pays et au-delà.
Depuis la liquidation administrative prononcée par le tribunal de
Béthune et le rejet par la cour d'appel de suspendre cette liquidation,
830 salariés vont dès le 24 mars, recevoir leur lettre de
licenciement, de plus, il est à noter qu'aucun véritable plan
social n'existe à ce jour.
L'indignation, l'écoeurement, la colère s'expriment de toutes
parts devant le triple scandale économique, environnemental et humain
que cela constitue.
Filiale d'un groupe multinational puissant conjuguant les apports d'une
société française (Penarroya), d'une entreprise allemande
(Preussag), de capitaux suisses (Glencore), Métaleurop Nord, en fermant
ses portes, raye d'un trait de plume 830 emplois directs et met en danger
immédiat plus de 1 000 emplois dérivés liés
à son existence.
Alors que Métaleurop, côté en Bourse, implanté en
France, Allemagne, Espagne, Belgique et Italie, a dégagé un
chiffre d'affaires de près de 650 millions d'euros en 2002, rien dans sa
situation ne paraît de nature à justifier ou nécessiter la
mise en oeuvre sauvage d'un tel couperet. Et, prioritairement à tout
autre aspect du dossier, cela demande donc qu'une mise à jour fiable de
l'activité, des moyens et résultats réels du groupe soit
établie.
La disparition de la plus importante fonderie d'Europe, à raison de
130 000 tonnes de plomb par an, porte un coup terrible à
l'économie d'une région déjà dramatiquement
sinistrée, où le chômage des jeunes atteint dans certaines
communes directement concernées les 25 %.
Pour les collectivités territoriales touchées, c'est une
catastrophe budgétaire et sociale qui compromet leur
développement.
Enfin, cette situation confronte des centaines de salariés et de foyers
à la spirale infernale du chômage, de l'épuisement des
ressources financières et morales, témoignant ainsi de
l'inhumanité constitutive du système libéral.
Celle-ci se double dans cette affaire d'un problème de santé que
beaucoup de nos concitoyens découvrent avec stupéfaction.
Problème directement lié à la pollution de
l'atmosphère et des sols, tant par des rejets dans l'air que par la
diffusion de métaux lourds sur des kilomètres à la ronde.
Des salariés de l'entreprise sont atteints de saturnisme. Des taux de
plombémie très alarmants ont été
détectés par une enquête de l'Office régional de
santé, effectuée en 2001-2002 ; 11 % de jeunes
garçons et filles testés ont du plomb dans le sang ; et ce
chiffre atteint 25 %, notamment dans la commune d'Envin-Malmaison.
Une plainte a d'ailleurs été déposée auprès
du tribunal de Béthune, à l'initiative d'un comité de
défense pour empoisonnement et non-assistance à personne en
danger.
Ces mêmes salariés sont également nombreux à avoir
été exposés lors de leurs activités
professionnelles à l'amiante ou au cadmium, substances classées
cancérigènes par le Centre international de recherche sur le
cancer.
L'ensemble de ces éléments pose les questions les plus graves.
Celles d'abord liées aux conditions actuelles de gestion des
entreprises, que l'on décide tantôt de délocaliser,
tantôt de fermer dans le secret de conseils d'administration, trop
souvent pour des raisons d'intérêts financiers et boursiers.
Celles ensuite liées au respect de la vie dans toutes ses
dimensions : qu'il s'agisse des salariés ou des populations
riveraines, familles, enfants ; ou qu'il s'agisse de l'environnement
naturel des sites d'activité.
Celles enfin concernant les réglementations et les textes
législatifs qui devraient permettre la prise en compte prioritaire des
salariés et de la puissance publique, comptable de
l'intérêt général et collectif. Incontestablement
à cet égard, la situation créée par le diktat de
Métaleurop confirme avec éclat la nocivité de la
décision récente du gouvernement rejetant la loi de modernisation
sociale adoptée sous la précédente législature et
qui améliorait les droits d'intervention, de regard, de défense
et de proposition des personnels et de leurs représentants élus,
face aux agissements de directions d'entreprises soumises aux exigences de
l'actionnariat et promptes à faire jouer les licenciements boursiers.
Comme le Premier ministre s'y est engagé, il appartient au gouvernement
de mobiliser tous les moyens permettant de faire d'urgence le point de la
situation que tente d'imposer le groupe Métaleurop ;
d'établir sans faux-fuyant les responsabilités ; de
définir et d'engager non seulement tous les recours légaux, mais
toutes les initiatives de nature à juguler les conséquences
économiques et sociales et, à faire payer le prix de ce
désastre écologique et sanitaire et de ce drame humain à
leurs responsables.
Pour contribuer à l'aboutissement de ces objectifs, faisant y compris
appel aux compétences du conseiller européen à
l'environnement présent à Bruxelles, nous soumettons au
Sénat la proposition de résolution suivante.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
En application de l'article 11 du Règlement, est créée une commission d'enquête de vingt-et-un membres chargée d'établir l'ensemble des effets entraînés par l'annonce du groupe industriel Métaleurop de fermer son site de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais et de définir avec toutes les parties concernées les conséquences économiques, sociales, écologiques et humaines d'une telle décision et, les responsabilités en cause, notamment au regard d'enjeux de préservation de l'activité économique et de l'emploi, de protection sanitaire des populations et de dépollution du site.