caractère facultatif de l'inscription au registre du commerce et des sociétés pour les entreprises de pêche maritime
N°
234
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 23 février 2000
PROPOSITION DE LOI
tendant à préciser le caractère facultatif de
l'inscription au
registre du commerce et des
sociétés
pour les
entreprises de pêche
maritime
,
PRÉSENTÉE
par MM. Robert BRET, Gérard LE CAM, Jean-Yves AUTEXIER, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Michel DUFFOUR, Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Sociétés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi d'orientation de la pêche du 18 novembre 1997 a permis de
faciliter l'exercice de la pêche dans un cadre sociétaire, en
permettant la modernisation du statut légal et fiscal des entreprises de
pêche. Il est apparu nécessaire, pour la pêche industrielle,
de favoriser la mise en société et de promouvoir une
véritable gestion des entreprises de pêche en neutralisant les
effets fiscaux et sociaux de ce passage en société.
En offrant la possibilité de constituer une
« société de pêche artisanale » au
patron-pêcheur, le texte de loi permet de moderniser sa structure
d'exploitation tout en continuant de bénéficier des avantages
actuels du statut d'artisan.
En outre, la loi consacre la nature commerciale de l'activité de
pêche. L'inscription au registre du commerce qui en découle permet
au patron-pêcheur embarqué ou à son conjoint d'obtenir un
mandat général d'administration courante, pouvant
représenter l'armement dans l'ensemble des institutions
économiques et, notamment les chambres de commerce.
Cependant, l'inscription au registre du commerce ne garantit pas à
l'ensemble de profession que l'exonération de la taxe professionnelle,
prévue par l'article 1455 du code général des impôts
pour les pêcheurs va perdurer, dès l'instant qu'ils seraient
assimilés aux autres commerçants qui, eux, n'en
bénéficient pas.
De même, les pêcheurs étant assimilés à des
commerçants, les conflits judiciaires entre pêcheurs et les autres
personnes de droit seront de la compétence des tribunaux de commerce.
Il faut donc constater qu'en l'état actuel de la législation, les
formalités administratives pour l'inscription au registre du commerce
sont lourdes et touchent l'ensemble des professionnels de la pêche,
quelle que soit la façade maritime et quel que soit le segment.
Or, cette uniformité ne correspond pas à une
réalité de terrain.
Si le principe de la réforme n'est pas globalement contesté, sa
mise en oeuvre suscite beaucoup d'inquiétude pour les professionnels de
la Méditerranée, où 91% de la flotte sont composés
d'unités de moins de douze mètres et l'essentiel des entreprises
de pêche est constitué d'entreprises artisanales familiales.
Les conditions spécifiques d'exercice de l'entreprise de pêche en
Méditerranée doivent être reconnues.
Les pêcheurs dits « conchyliculteurs-petites
pêches » (CPP), exercent successivement les deux
activités de pêche et de conchyliculture durant une saison.
Or, l'article 40 de la loi dispose que « les activités de
cultures marines sont réputées agricoles, nonobstant le statut
social dont relèvent ceux qui les pratiquent ».
Pour les entreprises de pêche, on se retrouve donc avec un double
statut : un statut de commerçant inscrit au registre du commerce
pour leur activité de pêcheur et un statut de non-inscrit au
registre du commerce pour leur activité de conchyliculteur,
considérée comme agricole.
Sachant que cette situation concerne environ 600 entreprises en
Languedoc-Roussillon et près d'une centaine en région
Provence-Alpes-Côte-d'Azur, il est important de savoir quelle solution va
être retenue pour ces entreprises.
D'autre part, la présence des chambres de commerce et de l'industrie
comme gestionnaires des criées pourrait, a priori, faire penser que le
secteur des pêches maritimes professionnelles dans son ensemble doit
être nécessairement compris comme activité commerciale
dépendant et participant à la gestion des CCI. Ce point de vue
est d'ailleurs soutenu par de nombreux pêcheurs dont les ports sont
gérés par les CCI.
Cependant, d'une part plusieurs criées ne sont pas gérées
par des CCI (dans ce cas, ce sont des régies municipales comme à
Agde et Port-la-Nouvelle ou des concessions de service public à une
société privée comme à Port-de-Bouc), d'autre part,
la croissance de la vente directe (activité tout à fait
légale lorsque les normes sanitaires du décret du
9 mai 1995 sont respectées) dans les ports touristiques et
pour des segments particuliers (petits métiers) démontre que la
criée n'est pas le passage obligé de la commercialisation des
produits de la pêche.
Pour illustrer ce propos, il faut noter qu'en Corse 100% de la production
insulaire est vendue hors criée et, sur tout le littoral
méditerranéen, de nombreux pêcheurs font la vente directe
sur les marchés locaux ou « au cul du bateau » comme
en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur où ce type de
commercialisation représente 90% des ventes.
Dans ces deux cas, l'entreprise de pêche n'a pas de lien particulier avec
la CCI et il est difficile de considérer l'entreprise de pêche
comme entreprise « à inscrire au registre du
commerce ».
L'ensemble des professionnels de la pêche en Méditerranée
au travers de leurs instances régionales et locales demande que
l'inscription au registre du commerce ne soit pas impérative, mais
qu'elle soit facultative.
Cela se justifie pleinement.
Peut-on vraiment considérer qu'un pêcheur qui consacre 95% de son
activité professionnelle à exploiter un
« cru » et seulement 5% de son activité à
vendre et acheter des produits est un professionnel qui fait « acte
de commerce » ?
C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de préciser,
dans l'article 14 de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les
cultures marines du 18 novembre 1997, le caractère facultatif et la
démarche individuelle de chaque pêcheur attaché au statut
du marin, au regard des spécificités des pêches maritimes
et d'adopter la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
L'article 14 de la loi n° 97-105 du 18 novembre 1997
d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'inscription au registre du commerce restera optionnelle et
assujettie au volontariat ».