Mise à disposition des fonctionnaires
N°
155
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22
décembre 1999._Enregistré à la Présidence du
Sénat le 23 décembre 1999.
PROPOSITION DE LOI
relative à la
mise à disposition des fonctionnaires,
PRÉSENTÉE
Par MM. Jacques OUDIN, Nicolas ABOUT, Louis ALTHAPÉ, Jean-Paul AMOUDRY, Joël BOURDIN, Paulette BRISEPIERRE,_Robert CALMEJANE, Auguste CAZALET, Charles_CECCALDI-RAYNAUD, Charles de CUTTOLI, Xavier DARCOS, Désiré DEBAVELAERE, Robert DEL PICCHIA, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Xavier DUGOIN, Patrice GÉLARD, Daniel GOULET, Alain GOURNAC, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, Jean-Paul HUGOT, Roger HUSSON, René-Georges LAURIN, Patrick LASSOURD, Roland du LUART, Philippe MARINI, Paul MASSON, Paul NATALI, Nelly OLIN, Jean-Jacques ROBERT et Louis SOUVET,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois
constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le Règlement.)
Fonctionnaires et agents publics.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Légalisant une pratique déjà ancienne,
les lois
nos 84-16, 84-53 et 86-33 des 11 et 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986
portant dispositions statutaires relatives, respectivement, à la
fonction publique de l'Etat, à la fonction publique territoriale et
à la fonction publique hospitalière, ont introduit dans le statut
général des fonctionnaires la mise à disposition.
En vertu de l'article 41 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984,
«_la
mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans
son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue
à percevoir la rémunération correspondante, mais qui
effectue son service dans une autre administration que la sienne_».
Si l'on se reporte aux rapports et débats parlementaires, force est de
constater que le législateur de l'époque n'a pas accordé
au régime de la mise à disposition toute l'attention qu'il
méritait - mais sans doute a-t-il estimé qu'il ne faisait qu'en
consacrer officiellement l'existence.
Son examen fut rapide et ses préoccupations centrées sur les
garanties dont il convenait d'entourer le fonctionnaire mis à
disposition. Cette démarche l'a conduit notamment à
préciser que l'intéressé continuerait à percevoir
une rémunération correspondant à celle de son emploi dans
son corps d'origine_; en revanche, il n'a pas désigné
expressément le payeur-administration de départ ou d'accueil. Il
faut se reporter à l'exposé des motifs du projet de loi portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat pour
voir évoquer le principe de la rémunération par
l'administration d'origine.
Les décrets d'application, comme le décret no 85-986 du 16
septembre 1985 s'agissant de la fonction publique de l'Etat, ont prévu,
dans le cas où l'organisme d'accueil est un organisme public ou
privé d'intérêt général, le remboursement de
la rémunération du fonctionnaire mis à disposition. Mais,
ils ont aussi admis
«_l'exonération partielle ou totale,
temporaire ou permanente_»
de ce remboursement.
Parce qu'elle permet de contourner certaines contraintes budgétaires, la
mise à disposition est trop largement utilisée. Ses conditions
ont par ailleurs été assouplies.
Alors qu'à l'origine elle ne pouvait intervenir qu'à la condition
qu'il n'existe pas dans le service d'accueil de poste budgétaire
correspondant à la fonction à remplir et permettant la nomination
ou le détachement du fonctionnaire, cette exigence a été
supprimée par la loi no 91-715 du 26 juillet 1991 afin de faciliter la
mise à disposition des fonctionnaires au profit des services
extérieurs de l'Etat.
Or, la mise à disposition pose d'évidents problèmes
déontologiques. Le maintien d'une rémunération
extérieure engendre, en effet, une situation de double dépendance
préjudiciable. Il est plus sain et de meilleure gestion que les
organismes bénéficiaires rémunèrent eux-mêmes
les fonctionnaires qui travaillent pour eux.
Elle présente un autre inconvénient, tout aussi grave : elle
méconnaît les décisions et choix du Parlement. Il est
inadmissible que, par cette voie, la représentation nationale, qui a
voté des ressources pour les affecter à une mission
donnée, soit ainsi trompée.
Faut-il rappeler plus généralement que la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 reconnaît aux citoyens le droit
de suivre par eux-mêmes ou leurs représentants l'emploi de la
contribution publique à laquelle ils ont consenti (article 14) et
à la société le droit de demander compte à son
administration (article 15).
Dès lors, il apparaît hautement souhaitable de limiter le recours
au dispositif de la mise à disposition en posant le principe que les
fonctionnaires ne peuvent occuper que des emplois budgétairement
prévus dans les administrations où ils effectuent leur service et
en n'admettant de dérogations à ce principe que sous
réserve de la signature par l'organisme bénéficiaire d'une
mise à disposition d'une convention l'obligeant au remboursement
intégral de la rémunération du ou des fonctionnaires
intéressés.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi que nous vous
demandons de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Les
fonctionnaires des administrations de l'Etat, des régions, des
départements, des communes et de leurs établissements publics
occupent des emplois budgétairement prévus dans les
administrations où ils effectuent leur service.
En vertu de ce principe, leur mise à disposition d'autres
administrations ou services est interdite.
Article 2
Par dérogation au principe posé à l'article 1er, et en cas de nécessité impérative, la mise à disposition des fonctionnaires des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics peut être autorisée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve de la signature, par l'administration ou l'organisme d'accueil, d'une convention l'obligeant au remboursement intégral de la rémunération du ou des fonctionnaires intéressés.