Spéculations foncière et immobilière dans la collectivité de Corse (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 453

                  

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 février 2022

PROPOSITION DE LOI

ADOPTÉE PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE


relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre les spéculations foncière et immobilière dans l’île,


TRANSMISE PAR

M. LE PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À

M. LE PRÉSIDENT DU SÉNAT



(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)


L’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi dont la teneur suit :

                                                                                                                                             

Voir les numéros :

Assemblée nationale (15e législature) : 3928, 4034 et T.A. 785.






Proposition de loi relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre les spéculations foncière et immobilière dans l’île


TITRE Ier

Lutter contre les phÉnomÈnes de spÉculations fonciÈre et immobiliÈre en Corse


Article 1er

I. – À titre expérimental et pendant une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’Assemblée de Corse peut, par délibération, délimiter des périmètres dans lesquels peuvent être subordonnées à déclaration préalable, afin de lutter contre les spéculations foncière et immobilière, les aliénations à titre onéreux d’immeubles ou de parties d’immeubles bâtis et non bâtis ou d’ensembles de droits sociaux situés sur tout ou partie de son territoire, dès lors que ces aliénations donnent lieu à une transaction supérieure ou égale à un montant déterminé au mètre carré par un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse.

Est qualifiée d’aliénation à titre onéreux toute opération visant à transférer tout ou partie de la propriété d’un immeuble, que ce transfert prenne la forme d’une vente, d’un échange ou d’un apport en société.

Les acquisitions effectuées par des cohéritiers sur licitation amiable ou judiciaire et les cessions consenties à des parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus, à des cohéritiers ou à leur conjoint survivant ainsi que les actes conclus entre indivisaires en application des articles 815-14, 815-15 et 883 du code civil sont exclus du droit de préemption.

bis (nouveau). – Un droit de préemption sur les aliénations déclarées en application du I peut être exercé, au nom de la collectivité de Corse, par le président du conseil exécutif de Corse, qui peut le déléguer à un établissement public de la collectivité de Corse, dans les conditions fixées par l’Assemblée de Corse.

Pour des motifs d’intérêt général, dans le but de garantir l’exercice effectif du droit au logement des habitants en privilégiant l’accession sociale à la propriété et en favorisant la mixité sociale, d’encourager la construction de logements sociaux, de préserver l’accès aux services publics, de développer les réseaux, les infrastructures et les équipements ou de favoriser l’accueil, le maintien et l’extension des activités économiques, le président du conseil exécutif peut exercer ce droit de préemption, par décision motivée, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration d’intention d’aliéner.

Ce droit de préemption s’applique sans préjudice des droits de préemption mentionnés au titre Ier du livre II du code de l’urbanisme, qui ont un caractère prioritaire.

ter (nouveau). – Chaque aliénation mentionnée au I est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration d’intention d’aliéner faite par le propriétaire auprès de la collectivité de Corse selon les modalités définies à l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme.

À défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé selon les modalités prévues aux articles L. 213-4 à L. 213-7 du même code.

Le silence du titulaire du droit de préemption à l’échéance du délai mentionné au deuxième alinéa du I bis du présent article vaut renonciation à l’exercice de son droit de préemption. L’aliénation peut alors être réalisée aux prix et conditions figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner.



quater (nouveau). – Le titulaire du droit de préemption doit, dans un délai de cinq ans à compter de la prise de possession du bien préempté, engager l’opération en vue de l’affectation du bien permettant d’atteindre l’un des buts mentionnés au deuxième alinéa du I bis, qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption.



Lorsqu’un bien acquis par exercice du droit de préemption n’a pas été affecté dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I quater, les articles L. 213-11 et L. 213-12 du code de l’urbanisme sont applicables.



Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction compétente, les articles L. 213-11-1 et L. 213-12 du même code sont applicables.



quinquies (nouveau). – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse.



II. – Au plus tard trois mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport procédant à son évaluation.


Article 2

Le I de la section III du chapitre Ier du titre Ier de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 1407 quater ainsi rédigé :

« Art. 1407 quater. – I. – L’Assemblée de Corse peut, par délibération, instaurer une taxe annuelle sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale et situés dans des zones déterminées par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Assemblée de Corse, à l’exception des immeubles ou droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du défunt n’a pas été constaté avant son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié.

« Le taux de cette taxe est fixé entre 0,1 % et 1 % de la valeur vénale réelle du bien à laquelle il aurait pu être vendu au 1er janvier de l’année du recouvrement de la taxe, lorsque cette valeur dépasse un montant au mètre carré déterminé par un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse.

« II. – La taxe est due par toute personne, physique ou morale, propriétaire des biens mentionnés au premier alinéa du I, quel que soit le lieu de son domicile fiscal ou de son siège social. Son produit est reversé à la collectivité de Corse.

« III. – L’Assemblée de Corse peut, par délibération, instaurer des exonérations en fonction de critères sociaux.

« Elle peut instaurer une modulation du taux déterminé en application du second alinéa du I, à l’échelle communale, à partir des critères suivants : l’évolution du prix du foncier et de son taux de croissance, les bases locatives, la densité démographique et le taux de résidences secondaires de la commune.

« IV. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse. »


Article 2 bis (nouveau)

Après le I de l’article 1407 ter du code général des impôts, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Dans les communes de Corse, le conseil municipal peut, par une délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A bis, majorer d’un taux compris entre 20 % et 90 % la part lui revenant de la cotisation de taxe d’habitation due au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale.

« Le produit de la majoration mentionnée au premier alinéa du présent I bis est reversé pour moitié à la commune et pour moitié à la collectivité de Corse. »


Article 2 ter (nouveau)

Le I de la section III du chapitre Ier du titre Ier de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 1407 quinquies ainsi rédigé :

« Art. 1407 quinquies. – L’Assemblée de Corse peut, par délibération, instaurer une taxe forfaitaire sur la cession à titre onéreux de biens immobiliers situés dans des zones déterminées par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Assemblée de Corse, à l’exception des immeubles ou droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du défunt n’a pas été constaté avant son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié.

« Cette taxe forfaitaire est assise sur un montant égal au prix de cession du bien défini à l’article 150 VA, diminué du prix d’acquisition stipulé dans les actes et actualisé en fonction du coefficient d’érosion monétaire.

« La taxe est égale à 10 % de ce montant ; elle est due par le cédant.

« Le produit de cette taxe est reversé à la collectivité de Corse.

« Cette taxe n’est pas due en cas de cession de la résidence principale, au sens de l’article 150 U.

« Cette taxe est due en cas de cession de titres sociaux d’une société à prépondérance immobilière avec des biens situés en Corse, au sens de l’article 736.

« L’Assemblée de Corse peut, par délibération, instaurer des exonérations en fonction de critères sociaux.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »


Article 2 quater (nouveau)

Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 331-4, il est inséré un article L. 331-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 331-4-1. – La part territoriale de la taxe d’aménagement versée à la collectivité de Corse est instituée par délibération de l’Assemblée de Corse pour financer l’exercice du droit de préemption mentionné à l’article 1er de la loi        du       relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre les spéculations foncière et immobilière dans l’île.

« Elle est instituée dans les zones déterminées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse et tenant compte des critères suivants : l’évolution du prix du foncier et de son taux de croissance, les bases locatives, la densité démographique et le taux de résidences secondaires de la commune.

« Le produit de la taxe est affecté en section d’investissement du budget de la collectivité de Corse. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 331-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont exonérés de la part territoriale de la collectivité de Corse les constructions et aménagements mentionnés aux 1°, 3°, 7°, 8° et 9° de l’article L. 331-7 du présent code ainsi que les constructions de locaux d’habitation et d’hébergement mentionnés à l’article 278 sexies du code général des impôts. » ;

3° La sous-section 5 de la section 1 du chapitre Ier du titre III du livre III est complétée par un article L. 331-18-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 331-18-1. – Par délibération adoptée avant le 30 novembre, l’Assemblée de Corse fixe le taux de la part territoriale de la taxe d’aménagement applicable dans les zones définies par le décret mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 331-4-1, à compter du 1er janvier de l’année suivante.



« Le taux de la part territoriale de la taxe ne peut excéder 1 % et peut être différent selon les communes.



« La délibération est valable pour une période d’un an. Elle est reconduite de plein droit pour l’année suivante si une nouvelle délibération n’a pas été adoptée dans le délai prévu au premier alinéa du présent article. »


Article 3

Après le II de l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse peut également, compte tenu de la pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires, délimiter des zones communales d’équilibre territorial et social au sein desquelles sont susceptibles d’être prises, dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre, des prescriptions de nature à favoriser l’accession sociale à la propriété, la construction de logements sociaux et les activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles.

« Les activités d’hébergement touristique, autres que les hôtels, les terrains de camping, les chambres d’hôtes et les résidences de tourisme, ainsi que les centres commerciaux définis au I de l’article L. 752-3 du code de commerce sont exclus du champ des activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles mentionnées au premier alinéa du présent II bis. »


Article 3 bis (nouveau)


La première phrase du premier alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation est complétée par les mots : « et de Corse ».


TITRE II

CrÉer un droit d’expÉrimentation lÉgislative relatif À la collectivitÉ de Corse


Article 4

L’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, après les deux occurrences du mot : « dispositions », sont insérés les mots : « législatives ou » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « , dans le respect de l’article 21 de la Constitution, » sont supprimés ;

b) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque année, avant l’ouverture de la session ordinaire de février de l’Assemblée de Corse, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les demandes qui lui ont été adressées sur le fondement du présent II ainsi que les réponses qui leur ont été apportées. » ;

3° Le III est ainsi rédigé :

« III. – Lorsque l’Assemblée de Corse estime que les dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration présentent, pour l’exercice des compétences de la collectivité de Corse, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île, elle peut demander au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant, le cas échéant, des dérogations aux règles en vigueur, en vue de l’adoption ultérieure par le Parlement de dispositions législatives appropriées.

« La demande prévue au premier alinéa du présent III est faite par une délibération motivée de l’Assemblée de Corse, prise à l’initiative du conseil exécutif ou de l’Assemblée de Corse après rapport de ce conseil. Elle est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au représentant de l’État en Corse.



« La loi fixe la nature et la portée de ces expérimentations ainsi que les cas, conditions et délais dans lesquels la collectivité de Corse peut faire application de ces dispositions. Elle fixe également les modalités d’information du Parlement sur leur mise en œuvre.



« Les mesures prises à titre expérimental par la collectivité de Corse cessent de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d’évaluation qui lui est fourni, n’a pas adopté de loi conduisant à leur modification ou à leur pérennisation. »


Article 5


La charge pour la collectivité de Corse est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 4 février 2022.

Le Président,

Signé : Richard FERRAND

Page mise à jour le