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N° 431
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 avril 2018 |
PROPOSITION DE LOI
visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d' Évian , du 2 juillet 1962 jusqu'au 1 er juillet 1964,
PRÉSENTÉE
Par MM. Dominique de LEGGE, Philippe MOUILLER, Charles REVET, Jean-Marie MORISSET, Bruno RETAILLEAU, Gérard LONGUET, Alain JOYANDET, Philippe BAS, Jean-Marc BOYER, Mme Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, MM. Jérôme BASCHER, Olivier PACCAUD, Mmes Pascale GRUNY, Florence LASSARADE, MM. Jean-François MAYET, Philippe PAUL, Jean-Raymond HUGONET, Mme Muriel JOURDA, MM. Édouard COURTIAL, François GROSDIDIER, Jean-Noël CARDOUX, Mme Jacky DEROMEDI, M. Philippe DALLIER, Mme Viviane MALET, MM. Pascal ALLIZARD, René-Paul SAVARY, Michel VASPART, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Jean BIZET, Daniel GREMILLET, Jean-Jacques PANUNZI, Mme Brigitte MICOULEAU, M. Christophe PRIOU, Mmes Élisabeth LAMURE, Catherine DEROCHE, M. André REICHARDT, Mmes Catherine DI FOLCO, Frédérique PUISSAT, MM. Henri LEROY, Sébastien MEURANT, Mme Vivette LOPEZ, MM. Alain MILON, Stéphane PIEDNOIR, René DANESI, Antoine LEFÈVRE, Benoît HURÉ, Bruno GILLES, Jean-François RAPIN, Hugues SAURY, Daniel LAURENT, Cyril PELLEVAT, Roger KAROUTCHI, Jean-Pierre LELEUX, Alain DUFAUT, Mmes Corinne IMBERT, Martine BERTHET, Chantal DESEYNE, M. Alain SCHMITZ, Mme Christine LANFRANCHI DORGAL, MM. Ladislas PONIATOWSKI, Bernard FOURNIER, Mme Brigitte LHERBIER, MM. Pierre CUYPERS, François BONHOMME, Louis-Jean de NICOLA•, Mme Esther BENBASSA, MM. Arnaud de BELENET, Philippe BONNECARRÈRE, Mmes Nathalie DELATTRE, Sylvie GOY-CHAVENT, Véronique GUILLOTIN, Josiane COSTES, MM. Stéphane ARTANO, Pierre LOUAULT, Mme Françoise LABORDE, M. Didier MANDELLI, Mme Christine HERZOG, MM. Bernard BONNE, Jean-François LONGEOT, Alain MARC, Jean-Marie BOCKEL, Jackie PIERRE, Mme Claudine KAUFFMANN, MM. Claude KERN, Jean-Claude REQUIER, Mme Nathalie GOULET, MM. Éric GOLD, Franck MENONVILLE, Jacques LE NAY, Jean-Pierre CORBISEZ, Joseph CASTELLI, Mme Françoise FÉRAT, MM. Jean-Marie MIZZON, Laurent DUPLOMB, Mme Jocelyne GUIDEZ, MM. Jean-Pierre MOGA, Jean-Pierre DECOOL, Olivier CADIC, Mme Françoise GATEL, MM. Jean-Marc GABOUTY, Serge BABARY, Bruno SIDO, Guy-Dominique KENNEL, Jean Pierre VOGEL, Mme Anne-Catherine LOISIER, MM. Marc-Philippe DAUBRESSE, Dany WATTEBLED, Loïc HERVÉ, Jean-Marie VANLERENBERGHE, Jean-Paul ÉMORINE, Raymond VALL, Mmes Maryse CARRÈRE, Annick BILLON, MM. Jean-Noël GUÉRINI, Michel CANEVET, Marc LAMÉNIE, Mmes Cécile CUKIERMAN, Élisabeth DOINEAU, MM. Cédric PERRIN, Michel RAISON, Daniel CHASSEING et Emmanuel CAPUS,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi a pour objet de réparer une inégalité persistante entre les militaires français engagés dans les combats en Afrique du Nord entre 1952 et 1964. En effet, si la qualité de combattant a été octroyée aux personnes ayant participé aux « opérations » en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 par la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, les militaires engagés sur le territoire algérien après le 2 juillet 1962 ne sont pas considérés comme des combattants comme les autres.
En 1974, le législateur a ainsi fait le choix de retenir la date du 2 juillet 1962, veille de l'indépendance de l'Algérie, comme date unique de fin d'attribution de la carte du combattant pour l'ensemble des opérations alors considérées comme « les événements d'Afrique du Nord ». Ainsi, les militaires français engagés au Maroc ou en Tunisie après les indépendances de ces pays, survenues respectivement le 2 mars 1956 et le 20 mars 1956, sont fondés à bénéficier de la carte du combattant jusqu'à six ans après ces dates dès lors qu'ils peuvent justifier de quatre mois de présence sur le terrain, ou à se voir attribuer le titre de reconnaissance de la Nation. S'agissant de la guerre d'Algérie, ainsi qualifiée par la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », seul le titre de reconnaissance de la Nation peut être attribué aux militaires engagés après le 2 juillet 1962, la date limite de délivrance de la carte du combattant étant fixée au 2 juillet 1962.
Cette différence de traitement entre militaires est d'autant plus choquante que si la signature des accords d'Évian, le 18 mars 1962, marquait la fin du conflit armé, près de 80 000 militaires français ont continué d'être déployés sur le territoire algérien, conformément aux dispositions des accords. Il restait 305 000 soldats français sur le territoire algérien en juillet 1962, 103 000 en janvier 1963 et près de 50 000 en janvier 1964. Durant cette période, au moins 535 militaires français, appelés et engagés, sont « morts pour la France ».
Il est temps aujourd'hui de mettre un terme à une injustice vis-à-vis de ces soldats et de leurs familles et d'apurer le passé et de reconnaître la mémoire de tous ceux qui sont restés sur le sol d'Algérie après le 2 juillet 1962.
Bien sûr, il y a eu des progrès, et la création de la « carte à cheval » a permis d'octroyer la carte du combattant à près de 11 000 anciens militaires. En effet, l'article 109 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, modifiant l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, a eu pour effet d'étendre le bénéfice de la carte du combattant aux militaires justifiant d'un séjour de quatre mois en Algérie entamé avant le 2 juillet 1962 et s'étant prolongé au-delà sans interruption.
Il faut aujourd'hui franchir une nouvelle étape en permettant à tous les soldats engagés au-delà du 2 juillet 1962 de pouvoir bénéficier de la carte du combattant, dès lors qu'ils satisfont les autres conditions. Cette évolution, soutenue de longue date par une grande majorité d'associations du monde combattant, permettrait de rétablir ces soldats dans leur dignité. La France reconnaît d'ailleurs que ces militaires se trouvaient dans une situation périlleuse, puisqu'ils peuvent obtenir le titre de reconnaissance de la Nation, qui suppose la participation à un conflit.
Bien évidemment, cette extension a un coût, bien faible du reste, que l'on peut estimer à 16 millions d'euros annuel. En effet, alors que 35 000 titres de reconnaissance de la Nation ont été délivrés à des militaires engagés au-delà du 2 juillet 1962, 11 000 « cartes à cheval » ont été attribuées selon les données de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Ainsi, resteraient 24 000 personnes concernées, alors que le montant de la retraite du combattant s'élève aujourd'hui à 674 euros par an (avant revalorisation prévue par le projet de loi de finances 2017).
Si l'Algérie était bien un État indépendant, pourquoi ne pas considérer que les militaires français étaient présents sur le territoire algérien au titre des opérations extérieures (OPEX), leur permettant ainsi de bénéficier des dispositions introduites dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre par l'article 87 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, qui permettent d'accorder la carte du combattant aux militaires ayant servi quatre mois ou plus dans les opérations extérieures (OPEX).
De très nombreuses propositions de loi ont d'ores et déjà été déposées à ce sujet, témoignant de l'accord de l'ensemble des formations politiques sur cette question. C'est une chance pour le Parlement de répondre à une injustice vis-à-vis de ces soldats, qui semblent n'être que les victimes expiatoires d'une guerre mémorielle.
La présente proposition de loi a vocation à recueillir le plus grand consensus au-delà des appartenances politiques pour qu'il soit mis fin à une injustice vis-à-vis de toute cette troisième génération du feu qui a le sentiment de s'être battue pour la France lors d'une opération extérieure, sans bénéficier de notre reconnaissance.
L'article 1 er de la proposition de loi insère un alinéa à l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, afin de faire bénéficier les militaires déployés sur le territoire algérien après le 2 juillet 1962 des dispositions relatives aux soldats engagés en opérations extérieures (OPEX).
L'article 2 gage l'augmentation des charges publiques que cette mesure entraînerait par une augmentation équivalente des droits de consommation sur les produits du tabac.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Après le deuxième alinéa de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les premier et deuxième alinéas du présent article s'appliquent aux militaires ayant participé aux opérations menées sur le territoire algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964. »
Article 2
Les conséquences financières résultant pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.