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N° 182
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 décembre 2017 |
PROPOSITION DE LOI
visant à assurer un égal accès de tous les citoyens aux services publics de l' État et de ses opérateurs ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean-Raymond HUGONET, Mmes Laure DARCOS, Christine BONFANTI-DOSSAT, MM. Gilbert BOUCHET, Bernard BONNE, Jean-Marc BOYER, Max BRISSON, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. Alain CHATILLON, Pierre CUYPERS, Mathieu DARNAUD, Marc-Philippe DAUBRESSE, Mme Jacky DEROMEDI, MM. Laurent DUPLOMB, Jean-François HUSSON, Mmes Fabienne KELLER, Christine LANFRANCHI DORGAL, M. Marc LAMÉNIE, Mme Florence LASSARADE, MM. Daniel LAURENT, Jacques GENEST, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Sébastien LEROUX, Gérard LONGUET, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, M. Jean-Marie MORISSET, Mme Brigitte MICOULEAU, MM. Olivier PACCAUD, Cédric PERRIN, Mme Frédérique PUISSAT, MM. Michel RAISON, Charles REVET, Hugues SAURY, Michel SAVIN, Jean Pierre VOGEL et Annie DELMONT-KOROPOULIS,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plus de dix ans, les maires ont dû assumer auprès de leurs concitoyens de nombreuses fermetures ou transferts de services publics décidés par l'État, sans concertation. C'est ainsi que la dernière réforme, engagée dans le cadre du plan préfectures nouvelle génération (PPNG) de 2015, a dépossédé les communes de la délivrance des cartes d'identité qu'elles assumaient gratuitement pour le compte de l'État, et à la satisfaction de leurs administrés.
Cela n'est plus acceptable.
Il n'est plus acceptable d'avoir des « villes martyres » qui voient fermer successivement l'école, le bureau de poste, la trésorerie, la gendarmerie, les services de l'emploi, les cabinets médicaux et des services hospitaliers.
Il n'est plus acceptable que, par l'absence de concertation, plusieurs services publics ferment sur un même territoire et lui fasse perdre son attractivité.
À l'occasion d'une consultation conduite en 2015 par le Sénat auprès de 4 500 élus locaux, deux tiers d'entre eux avaient indiqué que leur commune ou leur groupement de communes avait été touché par au moins une réforme des réseaux territoriaux de l'État. Cet impact avait d'ailleurs été jugé globalement négatif, en termes d'accès aux services publics pour les usagers (75,8 % des répondants), de potentiel économique pour les communes ou les groupements de communes (52 % des répondants), et dans le travail quotidien des agents publics (47,2 % des répondants contre 4 % d'appréciation favorable) 1 ( * ) .
Les maires ne doivent plus être laissés seuls devant de telles situations, sans disposer d'aucune possibilité de réponse.
En effet, si par deux instructions en date du 5 novembre 2015 et du 3 août 2016, le ministre de l'Intérieur a demandé aux représentants de l'État de mettre en oeuvre une « démarche permettant d'anticiper et de coordonner les modifications d'implantations territoriales des services de l'État et de ses opérateurs, et notamment les éventuelles fermetures de sites » et, à cette fin, « d'organiser autant que de besoin une concertation locale avec les élus et organismes concernés », force est de constater que les collectivités territoriales sont encore insuffisamment associées à cette démarche.
Afin de mettre fin à cette situation, une vision globale de l'avenir des services publics doit être développée dans les territoires.
Il est donc proposé de créer une commission départementale pour l'implantation des services publics de l'État et de ses opérateurs dans les territoires.
Cette commission serait co-présidée par le représentant de l'État dans le département et le président du conseil départemental. Elle serait composée d'élus représentant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes.
Les élus seraient désignés par les associations départementales d'élus.
La commission serait saisie pour avis par le représentant de l'État dans le département de toute ouverture, suppression ou transfert d'implantation territoriale de l'État ou de ses opérateurs, avant leur mise en oeuvre. Cet avis serait délivré dans un délai de deux mois.
En cas d'avis négatif de la commission sur un projet de réorganisation, l'administration ou l'opérateur concernés ne pourraient passer outre qu'en justifiant de l'absolue nécessité de la réorganisation proposée.
Afin d'assurer une couverture satisfaisante, la commission serait également appelée à se prononcer sur le projet de schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public et pourrait, dans ce cadre, identifier pour chaque bassin de vie des exigences minimales (que les auteurs du schéma seraient donc invités, sans y être obligés, à consacrer) en termes de présence territoriale de l'État, au regard notamment de la population, des distances et du relief.
Les compétences de la commission seraient exercées dans la limite de celles d'autres commissions existantes ou structures analogues (commission départementale de présence postale territoriale, conseils académiques et départementaux de l'Éducation nationale notamment).
Un rapport serait présenté, chaque année, par le représentant de l'État dans le département et le président du conseil départemental à l'assemblée départementale sur les ouvertures, fermetures et transferts des implantations territoriales des services de l'État ou de ses opérateurs. Il comprendrait une présentation et une cartographie de la présence des services de l'État dans le département.
Le rapport serait adressé au ministre chargé de l'aménagement du territoire et à chacune des communes du département, dans un délai d'un mois après sa présentation à l'assemblée départementale.
Le ministre présenterait, quant à lui, un rapport annuel faisant la synthèse de ces rapports départementaux et offrant ainsi une vision globale de la présence des services de l'État dans les territoires.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Après le chapitre II du titre IV du livre I er de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE II BIS
« Implantation des services de l'État et de ses opérateurs dans le département
« Art. L. 3142-1-1 . - Il est créé dans chaque département une commission départementale pour l'implantation des services publics de l'État et de ses opérateurs.
« Cette commission est présidée par le représentant de l'État dans le département et le président du conseil départemental.
« Elle est composée d'élus représentant les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre désignés par l'association des maires du département. Si, dans le département, il n'existe pas d'association de maires ou s'il en existe plusieurs, les membres de la commission sont élus à la représentation proportionnelle au plus fort reste par deux collèges regroupant respectivement les maires ou les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale.
« La commission départementale pour l'implantation des services publics de l'État et de ses opérateurs du département du Rhône est dénommée " commission départementale-métropolitaine pour l'implantation des services publics de l'État et de ses opérateurs ". Par dérogation à l'alinéa précédent, elle comprend en outre des représentants de la métropole de Lyon désignés par celle-ci.
« Art. L. 3142-1-2 . - La commission départementale pour l'implantation des services publics de l'État et de ses opérateurs émet, à peine de nullité de la décision prise, un avis sur tout projet d'ouverture, de fermeture ou de transfert des implantations territoriales des services de l'État ou de ses opérateurs dans le département.
« Elle émet également un avis sur le projet de schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public mentionné à l'article 26 de loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Cet avis peut notamment comprendre, pour chaque bassin de vie identifié par la commission, des exigences minimales en termes de présence territoriale des services de l'État ou de ses opérateurs, prenant en compte la population, les distances et le relief.
« La commission est saisie des projets par le représentant de l'État dans le département et dispose d'un délai de deux mois à compter de cette saisine pour se prononcer. Son avis tient compte du schéma départemental d'amélioration de d'accessibilité des services au public.
« Lorsque la commission émet un avis négatif sur tout ou partie d'un projet prévu au premier alinéa du présent article, l'administration concernée ne peut passer outre qu'après avoir présenté une nouvelle demande circonstanciée justifiant la nécessité absolue de la réorganisation.
« Art. L. 3142-1-3 . - Un rapport annuel est présenté par le représentant de l'État dans le département et le président du conseil départemental à l'assemblée départementale sur les ouvertures, les fermetures et les transferts des implantations territoriales des services de l'État et de ses opérateurs dans le département. Ce rapport comporte une présentation et une cartographie de ces implantations.
« Dans un délai d'un mois à compter de sa présentation, le rapport est transmis à chaque commune, qui en fait communication au conseil municipal, ainsi qu'au ministre chargé de l'aménagement du territoire.
« Le ministre chargé de l'aménagement du territoire remet au Parlement un rapport annuel établissant la synthèse des rapports transmis en application du précédent alinéa. Ce rapport comporte une présentation et une cartographie des implantations territoriales des services de l'État et de ses opérateurs sur l'ensemble du territoire. »
Article 2
La fin de la première phrase du premier alinéa du II de l'article 26 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est complétée par les mots : « ainsi qu'à la commission départementale pour l'implantation des services publics de l'État et de ses opérateurs qui se prononce dans les conditions prévues par l'article L. 3142-1-2 du code général des collectivités territoriales. »
Article 3
La présente loi s'applique sans préjudice des compétences conférées à des commissions locales dans le cadre de services publics.
Article 4
I. - Le livre V de la sixième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 6500-1 . - Le chapitre II bis du titre IV du livre I er de la troisième partie du présent code est applicable de plein droit en Polynésie française. »
II. - La présente loi s'applique de plein droit en Nouvelle-Calédonie.
* 1 Rapport n°181 Où va l'État territorial ? Le point de vue des collectivités , fait au nom de la délégation aux collectivités et à la décentralisation par M. Éric DOLIGÉ et Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT, p.127.