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N° 94
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 novembre 2017 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé ,
PRÉSENTÉE
Par M. Roland COURTEAU,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans un pays attaché aux valeurs de la démocratie tel que la France, une attention toute particulière doit être portée aux modalités de scrutin. Chaque élection doit conserver sa raison d'être essentielle : offrir un moyen d'expression privilégié aux citoyens et refléter l'opinion de toute une population.
La présente proposition de loi, loin de traiter d'une simple question de procédure électorale, conduit à s'interroger sur l'acte de vote lui-même et sa signification dans une démocratie moderne.
La reconnaissance du vote blanc est une revendication ancienne, en témoignent les multiples propositions de loi déposées, en ce sens, au fil des décennies. Au-delà des enceintes parlementaires, le débat sur la prise en compte et la valeur conférée aux bulletins blancs s'est exprimé avec fréquence et constance.
Il importe que cette forme de participation soit pleinement reconnue. Au contraire de l'abstentionniste, l'électeur qui estime devoir exprimer son insatisfaction face aux alternatives qui lui sont proposées ou qui souhaite émettre un signe de protestation en décidant de ne voter pour aucun candidat, accomplit, par le vote blanc, un acte réfléchi et exprime une opinion. Ce n'est donc pas la marque d'un désintérêt ou d'une indifférence à la chose publique. Un tel électeur fait l'effort de se déplacer, le jour du vote ; il accomplit ainsi son devoir civique et montre qu'il entend participer à la vie démocratique.
Plus encore, le vote blanc est porteur de l'expression d'un malaise démocratique et signe d'une désaffection d'une partie de l'électorat à l'égard de l'offre politique qui lui est proposée. La reconnaissance du vote blanc tendrait à réduire le taux d'abstention et à limiter le vote « sanction », qui consiste à voter pour un parti afin d'en sanctionner un autre, en privant le second de son soutien. Dès lors, les résultats du scrutin refléteraient mieux la réalité de l'opinion publique.
La loi n° 2014-172 du 21 février 2014 « visant à reconnaître le vote blanc aux élections » est supposée avoir reconnu le vote blanc, mais les innovations effectivement réalisées sont timides, voire anecdotiques.
Désormais, les bulletins blancs ne sont plus comptabilisés avec les bulletins nuls, c'est-à-dire ceux que le code électoral considère comme non valables. Concrètement, cela signifie que le vote blanc et le vote nul ne sont plus mélangés : le premier fait l'objet d'un décompte spécifique à l'échelon du bureau de vote et le nombre total de bulletins blancs est répertorié dans les résultats du scrutin. Il s'agit simplement d'autoriser l'identification du vote blanc au sein des votes considérés comme anormaux.
Si le vote blanc n'est plus un vote nul, il n'est toujours pas un vote qui compte. Il n'y aura de véritable innovation que si l'on comptabilise les votes blancs pour la détermination des suffrages exprimés. Une telle réforme donnerait à la voix de l'électeur manifestant sa volonté de ne pas choisir parmi l'offre politique qui lui est proposée une valeur équivalente à celle de l'électeur ordinaire.
La seconde innovation de la loi tient à l'élargissement de la définition du vote blanc. Désormais, l'électeur pourra également voter blanc en déposant dans l'urne une enveloppe réglementaire vide.
Là encore, la loi a manqué sa cible. Il n'est, en effet, pas prévu que des bulletins blancs soient mis à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote, comme le sont les bulletins officiels.
Le maintien du statu quo sur ce point est, en outre, problématique sur le plan de l'égalité car il pérennise une discrimination entre les électeurs qui votent par le biais d'une machine à voter et les autres . Selon l'article L. 57-1 du code électoral, « les machines à voter doivent [...] permettre l'enregistrement d'un vote blanc » .
Pour toutes ces raisons, il importe que le vote blanc, expression de l'opinion d'un citoyen, soit comptabilisé parmi les suffrages exprimés ( article 1 ) et que des bulletins blancs soient mis à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote ( article 2 et 3 ).
Les collectivités d'outre-mer de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ainsi que la Nouvelle-Calédonie sont régies, en matière de droit électoral, par le principe de spécialité législative. Aussi, toute modification législative doit, pour y être rendue applicable, comporter une mention expresse à cette fin ( articles 4 et 5 ).
Tel est le sens de la présente proposition de loi.
Enfin, il ne serait pas compréhensible que l'élection qui compte le plus aux yeux des français, celle du président de la République, ne suive pas des règles semblables. Une proposition de loi constitutionnelle est donc déposée en ce sens.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Les trois dernières phrases de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 65 du code électoral sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées : « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et entrent en compte pour la détermination du nombre de suffrages exprimés. Sont considérés comme des bulletins blancs, les bulletins vierges de tout motif ou indication et les enveloppes vides. »
Article 2
Après le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire doit veiller à ce que des bulletins blancs, de format et de couleur identiques à ceux des candidats, soient à la disposition des électeurs. »
Article 3
À l'article L. 69 du même code, après les mots : « des enveloppes », sont insérés les mots : « et des bulletins blancs ».
Article 4
Au premier alinéa des articles L. 388 et L. 428 et au second alinéa de l'article L. 438 du même code, la référence : « la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats » est remplacée par la référence : « loi n° ... du ... tendant à reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé ».
Article 5
La présente loi est applicable à la Nouvelle Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.