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N° 510
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 avril 2013 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à ce que le règlement intérieur des entreprises puisse proscrire aux salariés en contact avec la clientèle ou le public le port ostensible de signes religieux , communautaristes , politiques ou autres ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Inscrit dans la Constitution, le principe de laïcité impose une stricte neutralité de l'État et des personnes publiques à l'égard des religions. Par contre, dans le domaine privé stricto sensu (domicile...) chacun peut exprimer ses croyances comme il l'entend. Enfin, d'autres espaces ont un caractère juridiquement privé tout en étant occupés par de nombreuses personnes qui s'y côtoient.
Dans ces domaines que l'on peut qualifier de semi-privés, la liberté des uns, y compris la liberté religieuse, doit s'arrêter là où commence celle des autres. En particulier l'affichage trop ostensible de croyances religieuses, d'appartenances communautaristes ou d'opinions politiques peut heurter l'entourage.
Cette question concerne tout particulièrement les lieux de travail pour les rapports entre employés et plus encore pour les rapports des employés avec le public. Certaines formes de prosélytisme peuvent créer des tensions entre les salariés d'une même entreprise ou nuire à l'entreprise dans ses rapports avec l'extérieur.
Le problème vient d'être posé avec acuité par un arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2013 concernant la crèche « Baby Loup ». Dans cet arrêt, la Cour a estimé que « le principe de laïcité instauré par l'article 1 er de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ».
La Cour de cassation a donc estimé que le règlement intérieur de l'entreprise interdisant le port par les employés de signes religieux ou communautaristes, alors même qu'ils sont en contact avec le public ou avec des petits enfants, était contraire au code du travail. En effet, ce code interdit toute restriction qui ne serait pas justifiée « par la nature de la tâche à accomplir » (article L.1121 du code du travail).
Cet arrêt suscite de nouvelles interrogations sur le nécessaire élargissement du principe de laïcité dans la société française. Un sondage BVA pour Le Parisien paru lundi 25 mars 2013 montre d'ailleurs que « 86 % des personnes interrogées sont favorables à une loi interdisant le port visible de tout signe d'appartenance religieuse ou politique dans les lieux où l'on s'occupe d'enfants (écoles, crèches publiques ou privées) et que 83 % pensent qu'il faut aussi proscrire tout affichage dans les entreprises privées ».
Une interdiction générale du port de tout signe religieux, communautariste, politique ou autre serait probablement contraire à la Constitution. La présente proposition de loi limitera, en conséquence, son champ d'intervention aux salariés dont la prestation de travail est exécutée au contact du public ou de la clientèle. Le code du travail prévoirait ainsi que, dans son règlement intérieur, chaque entreprise peut interdire le port de ces signes par les salariés en contact avec le public ou la clientèle.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le 3° de l'article L. 1321-3 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le règlement intérieur peut interdire le port ostensible de tout signe religieux, communautariste, politique ou autre quand la prestation de travail est exécutée au contact du public ou de la clientèle. »