N° 283
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 30 avril 2004
PROPOSITION DE LOI
visant à créer un service civique et citoyen ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Roland COURTEAU et Raymond COURRIÈRE,
Sénateurs.
( Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Société. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La montée de l'individualisme engendre incivilité, violence et dilue le sentiment d'appartenir à la collectivité nationale.
Force est de constater que le lien social s'est distendu et qu'une confusion s'est établie entre droits et devoirs.
Qui ne mesure l'accroissement du désarroi de nos concitoyens ? Qui n'éprouve le sentiment que nos valeurs communes s'érodent, que les solidarités traditionnelles s'affaiblissent ?
Le service militaire tel qu'il existait jusqu'en 1997, était devenu obsolète et très inégalitaire et paraissait désuet à de nombreux appelés. Néanmoins, il permettait un brassage culturel et social, il participait à la cohésion sociale en ce qu'il était un lieu où se transmettaient les valeurs de la République. Enfin, il pouvait donner la possibilité d'acquérir une formation, de se découvrir des talents et des capacités professionnelles.
N'est-il pas temps de mettre davantage les valeurs de la République à l'ordre du jour, face à l'affaiblissement du civisme, et de la citoyenneté ? Apprendre à vivre ensemble et autrement, transcender les individualismes, respecter les différences, s'ouvrir aux autres, constituent les fondamentaux de la vie en collectivité. Et cela passe par le développement du civisme, culture première du citoyen, à laquelle, il faut redonner un élan nouveau .
Ainsi , nous considérons que la République a encore quelque chose à dire. Elle est encore capable de transmettre ses valeurs. Elle peut continuer de porter un projet collectif qui transcende les barrières de classe, de naissance et d'origine.
Quant à la générosité et à l'altruisme, ils ne font pas défaut à la France. Il suffit de regarder ces bénévoles qui s'investissent dans les associations, ces étudiants, ces enseignants qui donnent de leur temps, ces infirmières, ces médecins qui s'engagent dans des opérations de secours aux peuples en détresse. Ce n'est donc pas le peuple qui est coupable d'égoïsme, c'est le modèle de société qu'on lui propose.
Il appartient donc à l'État de faire vivre les valeurs du Pacte Républicain. C'est à lui d'organiser le cadre qui permettra de réinventer un système capable d'inculquer aux jeunes, pour une part au moins, que le civisme est un devoir et la citoyenneté un droit.
Mais l'État ne peut pas tout. Et le citoyen ne peut se réduire à un consommateur de droits ou de prestations. Il doit être un acteur conscient et responsable. « Si les droits qui lui sont reconnus sont inaliénables, les devoirs qu'il lui faut assumer sont imprescriptibles ».
C'est dans cet esprit que nous proposons d'instaurer (Article 1 er ) un service civique et citoyen pour tous les jeunes français, filles et garçons complétant ainsi le rôle de l'École qui reste à amplifier dans son travail d'intégration et d'apprentissage des valeurs républicaines et civiques . « Le service civique peut être un instrument de la bataille culturelle contre les valeurs marchandes et individualistes de notre société. Il doit montrer que les valeurs au fronton de nos mairies sont plus importantes que celles du CAC 40 ».
Ce service civique reposera sur le principe du volontariat et s'effectuera après le baccalauréat ou à l'âge de 18 ans pour ceux des jeunes sortis précocement du système scolaire, ou avant d'entamer des études supérieures ou une carrière professionnelle .
Il sera également ouvert aux non nationaux en situation régulière, ce qui permettra, dans ce cas, d'améliorer l'intégration.
Il comportera deux périodes :
• La première, d'une durée de deux semaines, sera consacrée à une formation théorique, au cours de laquelle seront rappelés les fondamentaux de notre société : les valeurs de la République, la laïcité, le civisme, le respect des autres et de soi, l'égalité entre les hommes et les femmes, mais également quelques règles élémentaires d'hygiène de vie pour lutter contre le SIDA, les MST, l'alcool, le tabac, la drogue, etc. Des cours de culture générale pourront également être dispensés.
Cette première période, sera aussi l'occasion, pour les jeunes, de bénéficier de stages d'initiation pratique, dans des domaines tels que le secourisme, la sécurité civile, la protection de l'environnement, l'éducation, l'action humanitaire, la santé, la restauration du patrimoine....
• La seconde période d'une durée d'un mois , permettra aux jeunes en fonction de leurs intérêts, de leurs goûts et de leurs projets personnels, d'appréhender de manière pratique les matières qui les intéressent, au travers de modules spécialisés, dans des lieux spécifiques : écoles, écoles de police et de gendarmerie, hôpitaux, casernes de l'armée ou de sapeurs pompiers, maisons de retraite, parcs naturels nationaux, régionaux, associations, collectivités territoriales, organismes publics, etc.
Pour des raisons évidentes, les droits et les devoirs des différentes parties (organisme chargé de l'accueil et jeunes) seront clairement définis. Il sera conclu une convention d'engagement, entre le jeune et l'organisme d'accueil, précisant la nature des activités, les obligations, les conditions de prise en charge, les modalités d'affectation, durant la période du service civique.
De plus, la liste des organismes, des associations ou des structures susceptibles d'accueillir ces jeunes, sera dressée, par le représentant de l'État, dans le département.
Le suivi sera effectué par un « référent » dont la mission sera de faire le lien entre les valeurs républicaines et civiques et l'aspect pratique de ces valeurs, dans la quotidienneté. La période du service civique doit constituer « un plus républicain et un apprentissage de la vie citoyenne et non un simple stage supplémentaire... ».
A noter que des initiatives seront à encourager, afin de permettre à ces jeunes d'accomplir leur service civique dans un pays de l'Union Européenne, dans le but de développer le sentiment d'appartenance à l'Europe et à la citoyenneté européenne.
A l'issue de ces deux périodes , une période supplémentaire du service civique de six mois sera proposée à tous les jeunes qui souhaiteraient mettre en place un projet d'engagement. Cette période ouvrira droit, dans des conditions définies par décret, à la validation des acquis de l'expérience. Elle pourra s'effectuer, dans les domaines définis à l'article 2 de la présente proposition de loi.
• Elle offrira à certains, la formation initiale qu'ils n'auront pu avoir au cours de leur scolarité... Pour d'autres, il pourra s'agir d'une première étape vers la vie professionnelle.
• Parce qu'il doit être un véritable creuset d'intégration et un ciment susceptible d'unir la communauté nationale autour de ses valeurs fondatrices, ce service civique volontaire et la période civique supplémentaire bénéficieront de l'aide financière de l'État qui prendra, en charge, notamment, les frais de formation, d'hébergement, de transport et de restauration. Concernant la période civique supplémentaire, nous proposons qu'elle ouvre droit à une indemnité mensuelle non imposable. Les volontaires bénéficieront également des droits aux congés et à la protection sociale.
• Cette période supplémentaire du service civique (article 2) pourra s'effectuer, dans les domaines suivants : actions humanitaires, coopération, solidarité, prévention, éducation, environnement, culture, sport, etc.
• Elle pourrait donner lieu à une formation adaptée au projet d'engagement, y compris à une formation à distance, avec, par exemple, la possibilité de s'inscrire pour un an, à tarif préférentiel à une formation délivrée par le CNED (Centre National d'Enseignement à Distance) ou à une université française. Cette formation sera dispensée par les institutions, organismes ou associations d'affectation ou, par des organismes d'État adaptés, lesquels devront à l'issue de cette période civique fournir aux jeunes qu'ils ont accueillis un soutien personnalisé d'orientation professionnelle et de recherche d'emploi.
• Enfin, les jeunes, ayant accompli le service civique volontaire ( Article 3 ) , recevront le certificat de service civique précisant notamment le contenu et la durée du service réalisé.
• Le temps passé au titre du service civique supplémentaire sera assimilé à une période d'assurance pour l'ouverture et le calcul des droits à la retraite.
De plus, pour l'accès à un emploi de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des entreprises publiques, dont le personnel est soumis à un statut réglementaire, la limite d'âge sera reculée d'un temps égal au temps effectif du service civique. En outre, ce temps de service civique sera pris en compte dans le calcul de l'ancienneté exigée dans les fonctions publiques de l'État, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière ( article 4 ).
Un établissement public de service public sera créé et la mise en oeuvre du dispositif sera assurée par un délégué ministériel (article 5).
Un décret en Conseil d'État ( article 6 ) précisera les modalités d'application du dispositif et notamment les coopérations à mettre en oeuvre avec les collectivités publiques et privées.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Il est créé un service civique pour les jeunes Français, filles et garçons. Les jeunes de nationalité étrangère et en situation régulière, résidant en France pourront y participer.
Le service civique repose sur le principe du volontariat.
Ce service peut être effectué après le passage du baccalauréat ou à la sortie du système scolaire, à compter de l'âge de 18 ans.
Il porte sur deux périodes facultatives consacrées, l'une, à un stage théorique d'une durée de deux semaines et l'autre, d'une durée d'un mois, à une mise en pratique dans des lieux tels que l'école, l'hôpital, la maison de retraite, les établissements sociaux et de santé ou encore les collectivités territoriales et les associations. Cette mise en pratique est l'occasion de confronter à la réalité les apprentissages de base fournis au cours du stage théorique.
Une période civique supplémentaire de six mois est proposée à tous les jeunes qui souhaiteront mettre en place un projet d'engagement. Cette période ouvre droit , dans des conditions définies par décret, à validation des acquis de l'expérience. Elle peut s'effectuer dans les domaines définis à l'article 2 de la présente proposition.
Il est conclu une convention d'engagement entre le jeune et l'organisme d'accueil, précisant la nature des activités, les obligations, les conditions de prise en charge, les modalités d'affectation durant la période du service civique. La liste des organismes et des associations susceptibles d'accueillir ces jeunes sera dressée par le représentant de l'État dans le département.
Le service civique volontaire et la période civique supplémentaire bénéficient de l'aide financière de l'État qui prend en charge notamment les frais de formation, d'hébergement, de transport et de restauration, la période civique supplémentaire ouvre droit à une indemnité mensuelle non imposable. Les volontaires bénéficient également des droits aux congés et à la protection sociale.
Les modalités de financement de l'ensemble du dispositif seront fixées par décret en Conseil d'État.
Article 2
La période supplémentaire du service civique peut s'effectuer notamment dans les domaines suivants : actions humanitaires, coopération, solidarité, prévention, éducation, environnement, culture, sport.
La période civique supplémentaire donne lieu à une formation adaptée au projet d'engagement ; cette formation est dispensée par les institutions, organismes ou associations d'affectation ou par les organismes d'État adaptés.
Les institutions, organismes ou associations d'affectation fournissent aux jeunes qu'ils accueillent, à la fin de la période civique supplémentaire, un soutien personnalisé d'orientation professionnelle et de recherche d'emploi.
Article 3
Les jeunes ayant accompli le service civique volontaire recevront le Certificat de service civique précisant notamment le contenu et la durée du service réalisé.
Le temps du service accompli, au titre du service civique est assimilé à une période d'assurance pour l'ouverture et le calcul des droits à la retraite.
Article 4
Pour l'accès à un emploi de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire, la limite d'âge est reculée d'un temps égal au temps effectif du service civique supplémentaire.
Ce temps effectif de service civique supplémentaire est compté dans le calcul de l'ancienneté de service exigé dans les fonctions publiques de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers.
Article 5
La mise en oeuvre du dispositif est assurée par un délégué interministériel.
Article 6
Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du dispositif et notamment les coopérations à mettre en oeuvre avec les collectivités publiques et privées intéressées.
Article 7
Les conséquences financières entraînées par l'application de la présente loi sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.