Compensation des distorsions de concurrence supportées par les buralistes dans les régions frontalières
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N° 18
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 14 octobre 2003
PROPOSITION DE LOI
tendant à
compenser
les
distorsions
de
concurrence
supportées par les
buralistes
dans les régions
frontalières
,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Tabac. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Grâce à l'Europe, les frontières qui étaient
autrefois des obstacles pour le développement local deviennent des lieux
privilégiés d'échange et de coopération. Cependant,
la libre circulation des biens et des personnes devrait avoir pour corollaire
une harmonisation de la fiscalité et des charges sociales. Hélas,
ce n'est pas le cas et des déséquilibres graves finissent par se
créer.
L'exemple le plus fragrant est celui du tabac. L'augmentation
considérable des taxes sur les cigarettes en France a eu un contrecoup
immédiat sur les buralistes frontaliers. Certains ont subi une chute de
plus de 50 % de leur chiffre d'affaires. Pire, des réseaux de
trafiquants se sont ensuite créés dans les régions en
cause. Une telle situation est injuste car les lois de la concurrence exigent
que chaque professionnel puisse se battre à armes égales.
• À long terme, la solution sera d'instaurer une Europe sociale et
fiscale où sans être uniformes, les règles seraient
encadrées dans un écart maximal.
• À court terme, il est indispensable de prévoir des
abattements de fiscalité dans les régions frontalières
où les écarts sont trop importants par rapport aux pays voisins.
I.- Pour une solidarité avec les buralistes frontaliers
La
lutte contre les effets nocifs du tabagisme en termes de santé publique
est nécessaire. À cette fin, le gouvernement a
décidé d'augmenter le prix du tabac et des cigarettes, en
procédant à des hausses importantes de la fiscalité. Ces
hausses répétées finissent néanmoins par
déstabiliser l'activité des débitants de tabac
situés dans les régions frontalières. En effet,
l'importance des écarts de prix avec des États voisins pratiquant
une fiscalité moins élevée incite les fumeurs frontaliers
à aller s'y approvisionner.
Afin d'assurer la stabilité de l'activité économique des
débitants de tabac des régions frontalières, il est donc
nécessaire d'introduire des dispositions compensatoires leur permettant
de supporter les écarts de fiscalité. Cette solidarité est
d'autant plus indispensable que les débitants de tabac, en vertu de
l'article 568 du code général des impôts, sont les
préposés de l'administration, la loi leur confiant le monopole de
la vente au détail des tabacs manufacturés.
Certes, tous les départements frontaliers ne sont pas concernés.
Ainsi par le passé, le Nord et le Pas-de-Calais ont connu une croissance
importante de la vente de cigarettes car le prix de vente des cigarettes y
était très inférieur à celui pratiqué au
Royaume-Uni. C'est pourquoi, il convient de préciser que seules
bénéficieraient des mesures spécifiques d'aide, les
régions frontalières de France continentale dans lesquelles le
prix moyen de vente des cigarettes est supérieur d'au moins 25 %
à celui pratiqué dans l'État voisin.
II.- L'exemple de la Corse
Il
existe déjà dans notre législation des dispositions
dérogatoires au profit de certaines parties du territoire
national ; la Corse en est un exemple. Les buralistes de Corse sont
assujettis à des taxes réduites et perçoivent des marges
sensiblement plus élevées sans qu'un motif précis et
incontestable le justifie. Pourquoi les buralistes frontaliers qui eux, sont
victimes d'une véritable distorsion de concurrence ne
bénéficieraient-ils pas d'un régime au moins aussi
favorable ?
• Ainsi, l'article 570 du code général des impôts
prévoit que chaque débitant de tabac a une remise dont les taux
sont fixés par arrêté. Le taux de cette remise est, depuis
le 21 septembre 1976, de 8 % en France continentale. Par contre, il est
nettement plus élevé dans les départements de Corse
(11,80 % depuis le 2 septembre 1996).
• En outre, l'article 575 E bis du code général des
impôts contient des dispositions dérogatoires au droit commun en
matière de fiscalité des tabacs vendus en Corse. Ainsi, le taux
du droit de consommation sur les cigarettes en France continentale est de 62 %
mais il est seulement de 34,5 % en Corse.
L'Union européenne a entériné ces dérogations au
droit commun qui s'appliquent au profit de la Corse. Elle a toutefois
exigé qu'à échéance de cinq ans, l'écart
soit réduit. À long terme, le prix des cigarettes en Corse serait
alors relevé à 75 % de leur prix en France continentale, ce qui
restera malgré tout un avantage considérable.
III.- Les mesures proposées
La
présente proposition de loi tend :
• D'une part, à faire bénéficier les buralistes des
régions frontalières de la marge bénéficiaire
applicable en Corse (11,8 % au lieu de 8 %),
• D'autre part, à appliquer dans les régions
frontalières, les mêmes abattements fiscaux pour les tabacs et
cigarettes que ceux en vigueur en Corse.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi qu'il vous est
demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
Après la première phrase du 3
°
du I de
l'article 570 du code général des impôts, il est
inséré une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, les buralistes des régions frontalières de
France continentale où le prix moyen de vente des cigarettes
dépasse de plus de 25 % celui pratiqué dans l'État voisin
bénéficient d'une remise dont le taux est identique à
celui en vigueur dans la région Corse ».
Article 2
Après l'article 575 E
bis
du code
général des impôts, il est inséré un article
575 E
ter
ainsi rédigé :
«
Article 575 E
ter.- Les dispositions des I et II de
l'article 575 E
bis
concernant la fiscalité des tabacs
dans la région Corse sont également applicables dans les
régions frontalières de France continentale où le prix
moyen de vente des cigarettes dépasse de plus de 25 % celui
pratiqué dans l'État voisin ».
Article 3
La perte de recettes résultant de la présente proposition de loi est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.