Dévolution du nom de famille
N°
205
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 mars 2003
PROPOSITION DE LOI
relative à la dévolution du
nom de famille
,
PRÉSENTÉE
Par M. Henri de RICHEMONT,
Sénateur.
( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
État civil . |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille, dont l'entrée en
vigueur est fixée au 1
er
septembre 2003 permet aux parents de
choisir de donner à leur enfant soit le nom du père, soit celui
de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par
eux. En l'absence de choix, le nom du père s'impose.
Cette loi modifie profondément les principes fondamentaux de
transmission du nom. Son analyse approfondie a révélé
plusieurs lacunes et a mis en exergue des difficultés
d'interprétation qui risquent de nuire à la
sécurité et à la stabilité de l'état civil
et, ce faisant, à l'état des personnes elles-mêmes.
La présente proposition de loi, sans remettre en cause l'ensemble du
dispositif complète celui-ci afin d'apporter des solutions aux
difficultés soulevées.
L'
article 1
er
complète les dispositions de l'article
311-21 du code civil.
En premier lieu, il maintient les possibilités actuelles de transmission
du nom de la mère. En l'état du droit positif, l'enfant naturel
porte le nom de celui de ses parents qui l'a reconnu en premier, autorisant
ainsi la transmission du nom de la mère. Or, la rédaction issue
de la loi du 4 mars 2002 restreint la possibilité pour les mères
non mariées de transmettre leur nom lorsque la filiation sera
établie à l'égard des deux parents au moment de la
déclaration de naissance. En effet, en l'absence de déclaration
conjointe, l'enfant portera automatiquement le nom de son père,
même si la filiation maternelle a été établie en
premier. C'est pourquoi il est proposé de prévoir que lorsque la
filiation est établie de manière différée avant la
déclaration de naissance, l'enfant prend, à défaut de
choix, le nom de celui des parents qui l'a reconnu en premier.
En second lieu, il étend le nouveau dispositif aux Français de
l'étranger. En l'état, la loi est, dans bien des cas,
inapplicable aux Français à l'étranger, dès lors
que la naissance du premier enfant commun ne pourra être
déclarée à l'officier de l'état civil consulaire,
soit en raison des distances, soit en raison de l'opposition du pays à
ce que celui-ci dresse un tel acte.
En outre, la déclaration de choix du nom pourra être
refusée par l'officier de l'état civil étranger en
l'absence de loi locale d'effet équivalent ou de reconnaissance par le
pays d'accueil du principe de droit international privé d'application de
la loi personnelle de l'enfant. Elle sera toujours impossible pour les couples
franco-étrangers dont l'un des conjoints sera ressortissant du pays de
naissance de l'enfant. Il est donc apparu indispensable de prévoir que
les parents pourront effectuer une déclaration de choix lors de la
demande de transcription de l'acte étranger. Toutefois, afin de ne pas
créer un sort trop favorable aux Français de l'étranger et
d'assurer la stabilité du nom, il est souhaitable d'enfermer cette
possibilité dans un délai de trois ans à compter de la
naissance de l'enfant.
L'
article 2
propose une nouvelle rédaction de l'article 311-22.
Il procède ainsi à l'abrogation de la déclaration
prévue à l'article 311-22, qui autorise les personnes nées
après l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 à
ajouter, dans certaines conditions, le nom du parent qui n'a pas
été transmis.
En effet, en permettant à la personne elle-même, et non à
ses parents, de modifier son nom, elle porte atteinte au principe traditionnel
de l'indisponibilité du nom et instaure une différence de
régime entre les personnes, selon que celles-ci seront nées avant
ou après l'entrée en vigueur de la loi, difficilement
justifiable. Dans sa nouvelle rédaction, il ouvre à toutes les
personnes
acquérant la nationalité française,
quelle qu'en soit la modalité, les nouvelles dispositions lorsque leurs
enfants mineurs bénéficient de l'effet collectif.
Le nouvel article 311-23
(article 3)
instaure un principe
général selon lequel le choix du nom ne peut être
exercé qu'une seule fois, alors que la rédaction actuelle
n'interdit pas formellement de revenir sur le choix effectué en
application des articles 311-21, 334-2 ou 334-5.
L'
article 4,
qui est relatif à la légitimation par mariage
poursuit deux objectifs. En premier lieu, en déplaçant les
règles applicables à la dévolution du nom de l'enfant
légitimé à l'article 332-1, il étend celles-ci
à la légitimation par mariage subséquent
ainsi qu'à la légitimation
post nuptias
. En second
lieu, il ferme le choix lors de la légitimation de l'enfant dès
lors que les parents avaient déjà choisi le nom de leur enfant
lors de la déclaration de naissance ou postérieurement. La
modification proposée ne permettra aux parents de choisir le nom de
l'enfant légitimé que si la filiation a été
établie dans les conditions de l'article 334-1 et qu'il n'a pas
été fait usage de la possibilité offerte à
l'article 334-2.
L'
article 5
prévoit un dispositif analogue pour les cas de
légitimation par autorité de justice.
L'
article 6
ouvre aux parents naturels la possibilité de choisir
le nom de l'enfant dans tous les cas où l'article 311-21 n'a pu
s'appliquer. En effet, en l'état de l'article 334-2, cette
faculté n'est ouverte que si la filiation de l'enfant a
été établie de manière différée
à l'égard des deux parents postérieurement à la
déclaration de naissance. Or il est possible que la filiation ait
été établie à l'égard de l'un des parents
antérieurement à la déclaration de naissance et
postérieurement à celle-ci à l'égard de l'autre
parent. Il convenait donc de modifier en ce sens l'article 334-2.
En outre, cette disposition opère un transfert de compétence du
greffier en chef du tribunal de grande instance au profit de l'officier de
l'état civil, afin d'améliorer la lisibilité et la
cohérence du dispositif : désormais, quel que soit leur
moment, les déclarations des parents relatives au choix du nom de
famille seront effectuées à la mairie.
L'
article
7
,
en complétant le premier alinéa de
l'article 363, limite le nombre de noms transmis à l'adopté en la
forme simple. L'intention du législateur était de limiter le
nombre de noms dévolus à une personne.
Or, en cas d'adoption simple par une personne seule, aucune limitation du
nombre de noms conférés à l'adopté n'a
été prévue, de sorte que celui-ci peut, par l'effet de la
loi, porter quatre noms, intégralement transmissibles, lorsque
l'adoptant et/ou l'adopté portent un double nom. En l'état, les
personnes concernées n'auraient d'autre solution que de demander la
simplification de leur nom par la procédure administrative de changement
de nom. Par l'effet de la modification proposée, le nombre de noms
transmis à l'adopté en la forme simple sera limité
à deux.
En outre, le système de dévolution du nom prévu en cas
d'adoption par des époux ne s'avère pas cohérent avec
l'ensemble des autres dispositions. En effet, les époux peuvent choisir
d'ajouter au nom de l'adopté le nom de l'un d'eux, dans la limite d'un
seul nom. Mais en l'absence de choix, l'intégralité du nom du
mari est accolé au nom de l'adopté, pouvant ainsi conduire
à ce que l'adopté ait trois, voire quatre noms si lui-même
porte déjà un nom double. Dans ces cas, le nom de l'adopté
sera désormais issu de l'adjonction à son premier nom du premier
nom de l'époux, afin de limiter à deux le nombre de noms transmis.
L'
article
8
poursuit deux objectifs. D'une part, afin de
clarifier les conditions d'application de la loi dans le temps il
prévoit expressément que la loi ne sera pas applicable aux
enfants nés avant son entrée en vigueur. D'autre part, il
clarifie le dispositif transitoire prévu à l'article 23 de la
loi, en indiquant que seuls les parents peuvent faire une déclaration de
choix et que l'aîné des enfants doit être
âgé de moins de treize ans à la date de
l'entrée en vigueur de la loi, soit le 1er janvier 2005.
L'
article
9
diffère l'entrée en vigueur de la loi
au 1er janvier 2005, afin de permettre aux maires de prendre toutes les
mesures, tant budgétaires que de formation des personnels indispensables
au bon fonctionnement des services d'état civil.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
L'article 311-21 du code civil est modifié comme
suit :
I. - La dernière phrase du premier alinéa de cet article est
ainsi rédigée :
« En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de
l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le
nom de celui de ses parents à l'égard de qui sa filiation est
établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est
établie simultanément à l'égard de l'un et de
l'autre. »
II. - Il est inséré après le premier alinéa de cet
article un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de naissance à l'étranger d'un enfant dont
l'un au moins des parents est Français, les parents qui n'ont pas
usé de la faculté de choix du nom dans les conditions du
précédent alinéa peuvent effectuer une telle
déclaration au plus tard, lors de la demande de transcription de l'acte
dans les trois ans de la naissance de l'enfant. »
Article 2
L'article 311-22 du même code est ainsi
rédigé :
«
Art. 311-22.
- Les dispositions de l'article 311-21 sont
applicables à l'enfant qui devient français en application des
dispositions de
l'article 22-1 dans les conditions fixées
par un décret pris en Conseil d'Etat. »
Article 3
A la
section V du chapitre 1
er
du titre septième du livre premier
du même code, il est inséré après l'article 311-22,
un article 311-23 ainsi rédigé :
«
Art. 311-23.
- La faculté de choix ouverte en
application des articles 311-21, 334-2 et 334-5 ne peut être
exercée qu'une seule fois. »
Article 4
I. - La
dernière phrase de l'article 331 est supprimée.
II. - Le deuxième alinéa de l'article 332-1 est
complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le nom de famille des enfants est déterminé en
application des dispositions des articles 311-21 et 311-23 »
Article 5
A l'article 333-5 du même code, après les mots « à l'article 311-21 » sont insérés les mots « en l'absence de choix préalable sur le fondement de cet article ou de l'article 334-2 »
Article 6
Le
premier alinéa de l'article 334-2 est ainsi rédigé :
« Lorsque le nom de l'enfant naturel n'a pas été
transmis dans les conditions prévues à l'article 311-21, ses
parents peuvent, par déclaration conjointe devant l'officier
d'état civil, choisir pendant sa minorité soit de lui substituer
le nom de famille du parent à l'égard duquel la filiation a
été établie en second lieu , soit d'accoler leurs
deux noms, dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour
chacun d'eux. Mention du changement de nom figurera en marge de l'acte de
naissance. »
Article 7
Le
premier alinéa de l'article 363 du même code est ainsi
rédigé :
« L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à
l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier. Lorsque l'adopté et
l'adoptant, ou l'un d'entre eux portent un double nom de famille, le nom
conféré à l'adopté résulte de l'adjonction
du premier nom de celui-ci au premier nom de l'adoptant. En cas d'adoption par
deux époux, le nom ajouté au premier nom de l'adopté est,
à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme,
dans la limite d'un nom pour chacun d'eux, et à défaut d'accord
entre eux, le premier nom du mari. »
Article 8
Le
premier alinéa de l'article 23 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002
relative au nom de famille est modifié comme suit :
I. - Rédiger ainsi le début de la première phrase :
La présente loi n'est pas applicable aux enfants nés avant la
date de son entrée en vigueur. Toutefois, dans le délai de dix
huit mois suivant cette date, les parents titulaires de l'exercice de
l'autorité parentale...
II. - Les mots : « nés avant cette date », sont
remplacés par les mots : « à cette même
date».
Article 9
Le
premier alinéa de l'article 25 de cette même loi est ainsi
rédigé :
« L'entrée en vigueur de la présente loi est
fixée le 1
er
janvier 2005 ».