Mode d'élection des juges élus des tribunaux de commerce
Table des matières
N°
221
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 février 2002
A. PROPOSITION DE LOI
relative au
mode d'élection des juges
élus
des tribunaux de commerce
,
PRÉSENTÉE
Par M.
Paul GIROD,
Sénateur.
(
Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le Règlement
).
Justice. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Si l'existence des tribunaux de commerce, composés exclusivement de
juges élus et comportant de nombreux atouts, ne saurait être
remise en cause, force est de constater que
cette institution est
appelée à évoluer afin d'être en mesure d'assurer
pleinement les missions qui lui incombent
.
Le champ de compétence des juridictions commerciales, initialement
circonscrit « aux litiges entre marchands », s'est
progressivement étendu pour englober des domaines aussi vastes que
variés tels que le droit bancaire, le droit cambiaire, le droit de la
concurrence et surtout le droit des procédures collectives (redressement
et liquidation judiciaires).
L'élection constitue le mode de désignation des juges consulaires
maintenu inchangé depuis le XIIIe siècle. Le principe du suffrage
à deux degrés fut acquis lors de la rédaction du code de
commerce en 1807.
L'idée selon laquelle les membres des tribunaux de
commerce sont désignés par les justiciables de ces juridictions
constitue depuis la règle de principe intangible
. La composition du
corps électoral appelé à désigner les juges
élus des tribunaux de commerce regroupant notamment les
commerçants, les chefs d'entreprise, les sociétés
commerciales, les mandataires sociaux, se caractérise depuis le
XIX
ème
siècle par une très grande
stabilité.
La loi n° 87-550 du 16 juillet 1987 a apporté un premier
élargissement à la composition du corps électoral en y
intégrant les cadres exerçant des fonctions de
responsabilité, de direction commerciale, technique et administrative et
employés, soit par les personnes physiques immatriculées au
registre du commerce et des sociétés, soit par les
sociétés commerciales.
En l'état du droit en vigueur, le corps électoral appelé
à désigner les juges élus des tribunaux de commerce se
compose de 30.000 électeurs.
Un nouvel élargissement
du corps électoral des tribunaux
de commerce s'avère désormais indispensable. Plusieurs
facteurs rendent cette évolution nécessaire :
- en premier lieu, un grand nombre de justiciables des tribunaux de commerce,
en particulier les personnes immatriculées au répertoire des
métiers (soit plus de 830.000 personnes dont 500.000 artisans), demeure
à l'heure actuelle encore exclu du corps électoral. Pourtant, en
matière de procédure collective, en vertu de l'article 7 de la
loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à
la liquidation judiciaires devenu l'article L. 621-5 du code de commerce,
«
le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le
débiteur est commerçant ou est immatriculé au
répertoire des métiers
». A cet égard, il
est à noter que près de 15.500 entreprises artisanales ont
été concernées par l'ouverture d'une procédure
collective en 1999 ;
- en deuxième lieu, le corps électoral, qui constitue en grande
partie le vivier de recrutement des candidats appelés à exercer
des fonctions consulaires paraît trop étroit, ce qui
entraîne une insuffisante diversité dans le choix des juges
consulaires (marquée par une surreprésentation des cadres
dirigeants et une sous-représentation des commerçants et des
chefs d'entreprise) ;
- en troisième lieu, les élections consulaires se
caractérisent par une « crise des vocations »
à laquelle l'élargissement pourrait utilement remédier. En
effet, comme le soulignait le rapport aux assises nationales de la
conférence générale des tribunaux de commerce dit
« rapport Nougein » : «
l'appétit
pour la fonction étant fréquemment moins spontané que pour
d'autres mandats, il faut donc le plus souvent que [les] candidatures soient
sollicitées, voire fortement encouragées
».
Cette proposition de loi est le résultat d'une démarche
concertée et fait l'objet d'un consensus avec l'ensemble des
professionnels concernés (juges élus des tribunaux de commerce,
représentants des chambres de métiers...).
Loin de
prétendre à un bouleversement des règles de
recrutement
,
par souci d'équilibre
et
afin d'éviter
toute fragilisation de l'institution consulaire
, elle s'inscrit au
contraire dans une certaine continuité par rapport au système
actuel et maintient le principe de l'élection à deux
degrés tout en proposant néanmoins certaines innovations
indispensables aujourd'hui.
A cet égard, elle tend donc :
- à élargir le corps électoral des tribunaux de commerce
et partant, le champ des personnes éligibles aux fonctions consulaires
à l'ensemble des personnes immatriculées au répertoire des
métiers ;
- à attribuer aux tribunaux de commerce la compétence s'agissant
des litiges entre ces personnes ;
- à modifier le mode de scrutin prévu pour l'élection des
juges consulaires en substituant au mode de scrutin en vigueur (plurinominal
majoritaire) un scrutin de liste proportionnel à un tour paraissant plus
adapté à la situation compte tenu de l'élargissement du
corps électoral. Un tel mode de scrutin paraît s'imposer notamment
afin d'éviter une multiplication et une dispersion des candidatures.
La présente proposition de loi propose donc de modifier les
règles de recrutement des juges consulaires en vigueur afin de renforcer
la légitimité des juges consulaires, d'élargir le vivier
de recrutement des candidats et ainsi d'améliorer le fonctionnement des
juridictions commerciales.
Telles sont les raisons pour lesquelles il vous
est proposé Mesdames, Messieurs, d'adopter la présente
proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après le 3° de l'article L. 411-4 du code de
l'organisation judiciaire, il est inséré un nouvel alinéa
ainsi rédigé :
« 4° Des contestations relatives aux engagements entre
les personnes physiques immatriculées au répertoire des
métiers, ainsi que des contestations entre celles-ci et les
commerçants ou les établissements de crédit, en raison de
leur activité. »
Article 2
L'article L. 413-1 du code de l'organisation judiciaire est ainsi
rédigé :
«
Art. L. 413-1 -
Les membres des tribunaux de commerce
sont élus dans le ressort de chacune de ces juridictions par un
collège composé :
« 1° Des délégués consulaires
désignés conformément aux dispositions prévues au
chapitre III du titre Ier du livre VII du code de commerce;
« 2° Des délégués
représentant les chambres de métiers;
« 3° Des membres en exercice des tribunaux de commerce,
des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers ;
« 4° Des anciens membres des tribunaux de commerce, des
chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers ayant
demandé à être inscrits sur la liste
électorale ;
« Les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3° et
4° peuvent faire partie du collège électoral sous
réserve de remplir les conditions fixées par
l'article L. 2 du code électoral et de ne pas avoir
été condamnées à l'une des peines,
déchéances ou sanctions prévues par les
articles L. 5 et L. 6 du code électoral ou au
chapitre V du titre II du livre VI du code de commerce ou
à une interdiction d'exercer une activité commerciale ou
professionnelle justifiant une immatriculation au répertoire des
métiers.
« Les délégués représentant les
chambres de métiers sont élus pour cinq ans dans la
circonscription de chaque chambre de métiers par un collège
composé des électeurs appelés à élire les
membres des chambres de métiers. Pour l'élection des
délégués représentant les chambres de
métiers, chaque électeur ne dispose que d'une seule voix. Les
électeurs sont répartis dans chaque circonscription
administrative entre quatre catégories professionnelles correspondant
respectivement aux activités concernant l'alimentation, le
bâtiment, la fabrication, les services. Le nombre de sièges de ces
délégués est déterminé compte tenu de
l'importance du corps électoral des chambres de métiers de la
circonscription, du nombre des membres élus de la chambre de
métiers et du nombre de tribunaux de commerce compris dans la
circonscription de cette chambre. Aucune des catégories professionnelles
ne peut disposer d'une représentation supérieure à la
moitié du nombre de sièges. Un décret en Conseil
d'État détermine les conditions dans lesquelles sont
répartis les sièges de délégués
représentant les chambres de métiers.»
Article 3
L'article L. 413-3 du code de l'organisation judiciaire est ainsi
rédigé :
«
Art. L. 413-3 -
Sous réserve des
dispositions de l'article L. 413-4, sont éligibles aux
fonctions de membre d'un tribunal de commerce les personnes âgées
de trente ans au moins inscrites soit sur la liste électorale
dressée dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des
tribunaux de commerce limitrophes en application de l'article L. 713-4 du code
de commerce soit sur la liste électorale dressée dans le ressort
du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux de commerce
limitrophes par la chambre de métiers et justifiant pendant cinq ans au
moins, soit d'une immatriculation au registre du commerce et des
sociétés ou au répertoire des métiers, soit de
l'exercice de la qualité de capitaine au long cours ou de capitaine de
la marine marchande, de pilote lamaneur, de pilote de l'aéronautique
civile.
« Est inéligible aux fonctions de membre d'un tribunal de
commerce toute personne à l'égard de laquelle est ouverte une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaires ou lorsque l'une
des sociétés ou entreprises à laquelle elle appartient ou
qu'elle représente fait l'objet d'une procédure de redressement
ou de liquidation judiciaires en cours. »
Article 4
L'article L. 413-5 du code de l'organisation judiciaire est
complété par les mots suivants :
« président d'une chambre de commerce et d'industrie,
président d'une chambre de métiers ou membre d'un autre tribunal
de commerce. »
Article 5
L'article L. 413-7 du code de l'organisation judiciaire est ainsi
rédigé :
«
Art. L. 413-7 -
L'élection des membres
des tribunaux de commerce a lieu à la représentation
proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans
panachage ni vote préférentiel. Le nombre de candidats
présentés sur chaque liste doit être égal au nombre
de postes à pourvoir.
« Les sièges sont attribués aux candidats
d'après l'ordre des présentations sur chaque liste. Les listes
qui n'ont pas obtenu un nombre de voix au moins égal à 10 %
des suffrages exprimés ne sont pas admises à répartition
des sièges.
« Les candidats venant sur la liste immédiatement
après le dernier candidat élu sont appelés à
remplacer les membres des tribunaux de commerce élus sur cette liste
dont le siège deviendrait vacant pour quelque cause que ce soit. Cette
disposition est applicable en cas d'inéligibilité d'un juge
élu.
« Si plusieurs candidats ont la même moyenne pour
l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste ayant
obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité des
suffrages, le siège est attribué au plus âgé des
candidats susceptibles d'être proclamés élus. »