Représentation spécifique des chômeurs aux conseils d'administration de l'ANPE et de l'UNEDIC
N° 68
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 novembre 2001
PROPOSITION DE LOI
tendant à assurer une
représentation
spécifique des
chômeurs
aux
conseils
d'administration
de l'
A.N.P.E
et de
l'
U.N.E.D.I.C
.,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean-Louis MASSON,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Chômage. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Trois
millions de chômeurs n'ont pas droit à la parole. Est-il juste
que, dans une démocratie, leur représentation ne soit pas mieux
assurée, alors qu'ils rencontrent d'innombrables difficultés de
tous ordres, économiques, psychologiques, et qu'ils sont un groupe trois
fois plus nombreux que les agriculteurs et presque aussi important que les
fonctionnaires et agents publics ?
Cette injustice commence à faire l'objet d'un débat, la
représentation spécifique des chômeurs apparaissant de plus
en plus comme une nécessité. Les manifestations de chômeurs
pendant l'hiver 1997-98 en sont la preuve.
Certes, les prétextes en défaveur de cette représentation
ne manquent pas :
- Les chômeurs faisant partie du monde du travail, celle-ci serait
superflue, les syndicats se faisant les porte-paroles à la fois des
actifs et des sans-emploi.
- En outre, les chômeurs sont dans une situation transitoire ;
être demandeur d'emploi n'est pas un état permanent et leur
assurer une représentation propre reviendrait à créer une
catégorie artificielle.
- Par ailleurs, les sans-emploi ne seraient pas un groupe social
homogène.
Même si ces prétextes contiennent une apparence de
vérité, ils ne permettent pas d'appréhender la situation
des chômeurs et ils ne sont pas convaincants.
A juste titre, les chômeurs ne se sentent pas suffisamment
représentés par les syndicats, qui sont par nature
l'émanation des salariés, leurs cotisants étant des
personnes ayant un emploi. Or, les intérêts des salariés
actifs ne convergent pas avec ceux des chômeurs : les premiers
souhaitent renforcer la protection dont ils bénéficient et
obtenir une augmentation de leurs revenus alors que les seconds souhaitent
l'instauration d'une véritable solidarité sociale. De plus, les
chômeurs sont peu présents au sein des organisations syndicales et
souvent ils n'ont même plus les moyens d'acquitter leurs cotisations.
La nature transitoire du chômage n'est pas non plus un obstacle à
la représentation de ceux qui en sont victimes d'autant que le
chômage de longue durée est une triste réalité. Par
ailleurs, même les groupes sociaux dont la situation est appelée
à être modifiée dans un avenir relativement proche se sont
dotés d'associations ou de syndicats tels, par exemple, les
étudiants. Enfin, la représentation des chômeurs ne risque
pas, contrairement à certaines allégations, de pérenniser
cette situation ; peu nombreux sont ceux qui souhaitent le rester.
Il est en outre inacceptable que les chômeurs ne soient pas
considérés comme des citoyens à part entière, ce
qui est le cas actuellement puisque, contrairement aux assurés sociaux,
ils n'élisent pas leurs représentants dans les organismes
chargés de la gestion de leurs droits.
Même si les chômeurs ont une faible propension à se
regrouper, il existe actuellement de nombreuses associations dont le but est de
les aider. Très dispersées, souffrant d'un manque réel de
moyens, elles connaissent des succès divers, mais pourraient être
un vecteur de la représentation organisée des travailleurs sans
emploi. Celle-ci étant actuellement anarchique, confuse, il conviendrait
de l'aider, notamment en l'instaurant au sein des conseils d'administration de
l'A.N.P.E. et de l'U.N.E.D.I.C., organismes où les intérêts
des chômeurs sont plus en jeu que ceux des salariés. Le vide
juridique actuel ne peut qu'être porteur d'exclusion accrue, d'autant
plus injustifiée qu'ils ont cotisé à l'assurance
chômage.
Il ne s'agit pas d'opposer les intérêts des chômeurs
à ceux des salariés, ni l'action des associations de demandeurs
d'emploi à celle des syndicats. Par contre, il faut favoriser
l'émergence d'une représentation nouvelle, afin que les
chômeurs puissent affirmer leur identité et retrouver une
réelle participation au débat social. La représentation de
chômeurs aux conseils d'administration de l'A.N.P.E. et de
l'U.N.E.D.I.C., loin de les dresser contre les syndicats, leur permettrait au
contraire d'établir les liens avec ceux-ci et de servir, comme eux,
d'interlocuteurs envers les pouvoirs publics.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, Mesdames,
Messieurs, d'adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
Il est
inséré dans la section IV du chapitre 1
er
du titre
premier du livre III du code du travail, un article L. 311-7-1 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 311-7-1
- Le conseil d'administration de l'Agence
nationale pour l'emploi comprend :
« 1° un président ;
« 2° cinq membres représentant respectivement le ministre
chargé de l'emploi, le ministre chargé de l'éducation
nationale, le ministre chargé du budget, le ministre chargé de
l'industrie, le ministre chargé des collectivités locales ;
« 3° cinq membres représentant les employeurs ;
« 4° cinq membres représentant les salariés ;
« 5° cinq membres représentant les travailleurs sans
emploi.
« Le président est nommé par décret pris sur le
rapport du ministre chargé de l'emploi. Les autres membres du conseil
sont nommés par arrêté du ministre chargé de
l'emploi.
« Les représentants des employeurs et les représentants
des salariés sont désignés par les organisations
d' employeurs et de salariés les plus représentatives au
plan national.
« Les représentants des administrations sont nommés sur
proposition du ministre dont ils dépendent.
« Les représentants des travailleurs sans emploi sont
élus lors d'une consultation organisée chaque année par
l'A.N.P.E. de chaque département, dans des conditions
déterminées par décret.
« Les modalités de fonctionnement du conseil d'administration
sont fixées par décret. »
Article 2
Le
deuxième alinéa de l'article L. 351-21 du code du travail est
complété par la phrase suivante :
« Le ou les organismes mentionnés ci-dessus sont
administrés par un conseil d'administration comprenant un nombre
égal de représentants de travailleurs, d'employeurs et de
travailleurs sans emploi, dont le mode de désignation est prévu
par les accords visés à l'article L. 352-1 du présent
code. »
Article 3
Le
troisième alinéa de l'article L. 351-22 du code du travail est
ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration de l'établissement public
comprend un nombre égal de représentants des travailleurs, des
employeurs et des travailleurs sans emploi, désignés par le
ministre chargé de l'emploi dans des conditions définies par
décret. »