N° 178
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE
1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 janvier
1999
PROJET DE LOI
modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant
création des chèques-vacances,
PRÉSENTÉ
au nom de M. LIONEL JOSPIN
Premier ministre,
par M. JEAN-CLAUDE GAYSSOT
ministre de l'équipement,
des transports et du logement,
et MME MICHELLE DEMESSINE,
secrétaire d'Etat au tourisme.
(Renvoyé à la commission des Affaires sociales,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Tourisme et loisirs.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Aspiration légitime des individus et des familles, les
vacances sont indispensables à l'équilibre de la vie en
société.
C'est un facteur de resserrement des liens
familiaux, de reconstruction de la vie sociale. L'accès aux vacances,
à la culture, aux voyages, à la découverte, à
l'échange, contribue à l'épanouissement de la
personnalité.
C'est à cette aspiration que le
chèque-vacances, en s'adressant aux salariés à revenus
modestes, entend répondre.
Quatre millions de ses
bénéficiaires, soit un million de salariés et leur
famille, peuvent ainsi, au travers d'un système d'épargne
valorisé par la contribution des entreprises et des organismes sociaux,
voir leur budget vacances conforté. Il permet, en outre, l'obtention de
réductions offertes par les prestataires agréés.
Le
chèque-vacances joue également un rôle social à
travers l'utilisation des excédents de gestion qu'il
génère, permettant ainsi de soutenir le développement
d'équipements de tourisme à vocation sociale, y compris la petite
hôtellerie familiale et les campings.
De même, il contribue
à l'organisation de vacances et de loisirs en faveur de populations
défavorisées, et cela en coopération avec des organismes
sociaux ou des associations caritatives.
Mais, au-delà de cette
mission sociale, l'Agence Nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV)
s'inscrit dans d'autres perspectives : développer la consommation
touristique, permettre une meilleure utilisation des équipements
existants et offrir un éventail de prestations suffisamment ouvert pour
que les porteurs aient une large liberté de choix.
Avec 3 milliards
de francs de chèques-vacances utilisés en 1997, l'Agence
Nationale pour les Chèques-Vacances génère 10 milliards de
francs de consommation touristique intérieure et de nombreux emplois
dans les 150 000 entreprises prestataires agréées.
Cette
action de l'Agence Nationale pour les Chèques-Vacances est plus que
jamais nécessaire, alors que 40 % des français, dont plus de la
moitié, pour des raisons financières, ne partent pas en vacances.
Il importe donc de renforcer le rôle social du chèque-vacances
en permettant à des salariés qui, de fait, n'y ont pas
suffisamment, voire pas du tout accès, d'en bénéficier.
C'est, en particulier, le cas de ceux des entreprises de moins de 50
salariés, où l'absence de comités d'entreprises conduit,
de fait, à exclure quelque 7 millions et demi de salariés du
bénéfice du chèque-vacances.
En effet, les
salariés des entreprises de moins de 50 salariés, ne
bénéficient du chèques vacances que pour 3 032 d'entre
eux, à travers 226 conventions signées entre l'ANCV et des
employeurs, pour un montant très faible de 5,5 millions de francs de
chèques-vacances émis dans ces conditions (alors que le chiffre
d'affaires rappelé ci-dessus a été de 3 milliards de
francs en 1997).
C'est pourquoi l'élargissement de l'accès
des salariés des PME, en particulier des entreprises de moins de 50
salariés, au chèque-vacances, constitue l'objectif principal du
présent projet de loi.
Il comporte 4 mesures nouvelles :
-
l'ouverture d'une voie nouvelle, à travers les organismes paritaires
susceptibles d'être créés par accord de branche, ou
territorial ;
- l'extension du chèque-vacances à certaines
professions résultant, dans le nouvel article 5 de l'ordonnance, de la
référence à l'article L. 351-13 du code du travail ;
-
la prise en considération du revenu fiscal de référence,
pour la détermination du plafond de revenus permettant de
bénéficier du chèque-vacances, lorsqu'il est abondé
par l'employeur ;
- une exonération de charges sociales sur la
contribution de l'employeur, limitée aux entreprises de moins de 50
salariés dépourvues de comité d'entreprise ou ne relevant
pas d'un organisme paritaire.
Cette exonération est encadrée
par l'obligation de conclusion d'un accord d'entreprise, de modulation en
faveur des salariés dont les rémunérations sont les plus
faibles, et par l'interdiction de substitution à des
rémunérations en vigueur ou prévues contractuellement.
Ces mesures nouvelles ouvrent la possibilité d'un
élargissement important du public bénéficiaire du
chèque-vacances, en particulier les salariés à revenus
modestes et ceux des PME, sans bouleverser le dispositif actuellement en
vigueur, prévu par l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant
création des chèques-vacances.
En particulier, le
présent projet de loi, maintient la distinction entre l'avantage
consenti par l'employeur et l'aide accordée au titre d'une
activité sociale, par un organisme social, tel que le comité
d'entreprise.
Le projet de loi comporte 5 articles.
L'article 1er met
à jour les références issues du code du travail et permet
d'étendre le bénéfice potentiel du chèque-vacances
à des salariés non couverts jusqu'à présent,
relevant du régime d'assurance-chômage, notamment les ouvriers
dockers occasionnels.
L'article 2 précise les conditions auxquelles
doivent répondre les salariés, pour bénéficier du
chèque-vacances dans le cadre d'un avantage consenti par l'employeur,
quelle que soit la taille de l'entreprise.
Le I de l'article 2
définit le plafond de revenu du foyer fiscal par rapport au revenu
fiscal de référence, selon la formule désormais
utilisée pour les allégements d'impôts sous condition de
revenus.
Le II confirme l'exonération d'impôt sur le revenu
correspondant à cet abondement de l'employeur.
Le III reprend le
contenu du premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance, relatif
à la procédure de concertation avec les institutions
représentatives du personnel.
L'article 3, crée dans
l'ordonnance, un nouvel article 2 bis qui prévoit une exonération
de charges dans les entreprises de moins de 50 salariés, pour les sommes
consacrées par l'employeur à l'abondement de l'épargne des
salariés.
Le I de ce nouvel article 2 bis exonère
l'abondement de l'employeur de charges sociales dans la limite, par
salarié et par an, de 30 % du SMIC apprécié sur une base
mensuelle.
Le II définit des conditions, auxquelles il doit
être satisfait, pour bénéficier de cette exonération
de charges sociales.
Il prévoit, en particulier, qu'un accord
d'entreprise doit être conclu avec un ou plusieurs
délégués syndicaux ou, en absence de représentation
syndicale dans l'entreprise, avec un salarié mandaté dans les
conditions prévues par la loi sur la réduction du temps de
travail.
Cet accord peut également être conclu dans les
conditions prévues aux deux premiers alinéas de l'article
L.132-30 du code du travail.
L'article 4, en coordination avec le II de
l'article 2, abroge le 1er alinéa de l'article 3 de l'ordonnance.
L'article 5 ouvre, à travers les organismes paritaires de gestion
d'activités sociales, une voie nouvelle de délivrance du
chèque-vacances, dont la nature collective est une alternative utile
à la voie individuelle prévue par l'article 2, notamment pour les
petites entreprises de moins de 50 salariés.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'équipement, des transports et du logement et de la secrétaire d'Etat au tourisme,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté au Sénat par le ministre de l'équipement, des transports et du logement et la secrétaire d'Etat au tourisme, qui sont chargés d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article 1er
Le premier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n°
82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances, est
remplacé par l'alinéa suivant :
"Les salariés des
entreprises, sociétés et organismes soumis aux dispositions des
articles L. 223-1, L. 351-12 3° et 4° et L. 351-13 du code du
travail, leur conjoint ainsi que les personnes à leur charge, telles
qu'elles sont définies aux articles 6 et 196 du code
général des impôts, peuvent, avec la contribution de leur
employeur, acquérir des titres nominatifs appelés
"chèques-vacances"."
Article 2
L'article 2 de l'ordonnance du 26 mars 1982 susmentionnée
est remplacé par les dispositions suivantes :
"
Art. 2
.-
I.- Les salariés doivent justifier chaque année, auprès de
leur employeur, que le montant des revenus de leur foyer fiscal de
l'avant-dernière année, tels qu'ils sont définis au V de
l'article 1417 du code général des impôts, n'excède
pas la somme de 86 840 F pour la première part de quotient familial,
majorée de 19 770 F par demi-part supplémentaire. Ces chiffres
sont actualisés chaque année, dans la même proportion que
la limite supérieure de la première tranche du barème de
l'impôt sur le revenu.
" II.- L'avantage résultant de la
contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques vacances
par les salariés est exonéré de l'impôt sur le
revenu, dans la limite du salaire minimum de croissance apprécié
sur une base mensuelle.
" Cette contribution de l'employeur est
exonérée de la taxe sur les salaires prévue à
l'article 231 du code général des impôts.
" Les
chèques vacances sont dispensés du timbre.
" III.-
L'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou,
à défaut, des délégués du personnel ou de
toute autre instance de concertation ayant compétence en matière
d'oeuvres sociales, définit, sous réserve des dispositions du
2° du II de l'article 2
bis
de la présente ordonnance, les
modalités de l'attribution éventuelle de chèques-vacances
à ses salariés qui répondent aux conditions fixées
au présent article. "
Article 3
Il est inséré, après l'article 2 de
l'ordonnance du 26 mars 1982 susmentionnée, un article 2
bis
ainsi rédigé :
"
Art. 2
bis.- I.- Dans les
entreprises de moins de 50 salariés, dépourvues de comité
d'entreprise et qui ne relèvent pas d'un organisme paritaire
mentionné au second alinéa de l'article 6 de la présente
ordonnance, l'avantage résultant de la contribution de l'employeur
à l'acquisition des chèques-vacances par les salariés
satisfaisant à la condition de ressources fixée au I de l'article
2 est exonéré des cotisations et contributions prévues par
la législation du travail et de la sécurité sociale,
à l'exception de la contribution sociale
généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à
exonération, qui ne peut excéder les plafonds fixés au
dernier alinéa de l'article 3, est limité, par salarié et
par an, à 30 % du salaire minimum de croissance apprécié
sur une base mensuelle.
" II.- L'exonération prévue au I
ci-dessus est accordée si :
" 1° La fraction de la valeur des
chèques-vacances prise en charge par l'employeur est plus
élevée pour les salariés dont les
rémunérations sont les plus faibles ;
" 2° Le montant de
la contribution de l'employeur et les modalités de son attribution,
notamment sa modulation définie conformément au 1°
ci-dessus, font l'objet soit d'un accord d'entreprise conclu avec un ou
plusieurs délégués syndicaux ou
délégués du personnel désignés comme
délégués syndicaux, ou, en l'absence d'une telle
représentation syndicale, avec un ou plusieurs salariés
mandatés dans les conditions prévues au III de l'article 3 de la
loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative
à la réduction du temps de travail, soit d'un accord conclu dans
les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l'article L.
132-30 du code du travail ;
" 3° La contribution de l'employeur ne se
substitue à aucun élément faisant partie de la
rémunération versée dans l'entreprise, au sens de
l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ou
prévu pour l'avenir par des stipulations contractuelles individuelles ou
collectives."
Article 4
Le premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance du 26 mars 1982 susmentionnée est abrogé.
Article 5
L'article 6 de l'ordonnance du 26 mars 1982 susmentionnée
est complété par un second alinéa ainsi
rédigé :
" Peuvent également être versées
sous forme de chèques-vacances les aides aux vacances accordées
par tout organisme paritaire de gestion d'une ou plusieurs activités
sociales, dont la création et les principes de fonctionnement sont
prévus par un accord collectif de branche, ou territorial, conclu
conformément aux articles L. 132-1 et suivants du code du travail. "
Fait à Paris, le 27 janvier 1999
Sign é : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'équipement,
des
transports et du logement,
Signé
: JEAN-CLAUDE GAYSSOT
La secrétaire d'Etat au tourisme,
Signé :
MICHELLE DEMESSINE