N° 176
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 janvier 1999 |
PROJET DE LOI
autorisant la ratification du deuxième protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes , fait à Bruxelles le 19 juin 1997 ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. LIONEL JOSPIN
Premier ministre,
par M. HUBERT VÉDRINE
ministre des affaires étrangères.
(Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Traités et conventions. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le Conseil de l'Union européenne, en application de l'article K.3 paragraphe 2 point c) du traité sur l'Union européenne, a établi, le 19 juin 1997, le deuxième protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signé le même jour par les représentants des Etats membres de l'Union européenne.
Ce deuxième protocole vise à établir une incrimination de blanchiment de capitaux liés au produit des comportements de fraude et de corruption active et passive définis par la convention et le premier protocole, un régime de responsabilité des personnes morales, des règles relatives à la confiscation des instruments et produits des comportements incriminés, et des règles de coopération avec la Commission.
Il vient compléter la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes établie le 26 juillet 1995 et son premier protocole établi le 27 septembre 1996, dans la mesure où ces intérêts financiers peuvent être lésés par des actes (fraude et corruption) commis pour le compte de personnes morales ou le produit de ces actes faire l'objet d'opérations de blanchiment.
Le Conseil de l'Union européenne, dont le travail s'est trouvé fractionné du fait des objectifs fixés par chaque pays assurant la Présidence pour une durée de 6 mois, a, par ce second protocole, achevé une étape importante de son programme de travail destiné à appeler les Etats membres à une lutte commune pour la protection des intérêts financiers des Communautés.
L'article premier est un article de définitions des termes utilisés dans le protocole.
Le terme «Convention» renvoie à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, établie le 26 juillet 1995 ; le terme «fraude», aux comportements visés à l'article 1er de cette convention ; les termes «corruption passive» et «corruption active», aux comportements visés respectivement aux articles 2 et 3 du protocole du 27 septembre 1996, c'est-à-dire aux comportements de corruption portant atteinte ou susceptibles de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes.
La définition du terme «personne morale» est renvoyée au droit interne des Etats membres, mais exclut l'Etat et les entités publiques agissant dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique.
L'expression «blanchiment de capitaux» est définie au regard du contenu de la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991. Le blanchiment se trouve ici limité à celui du produit des cas graves de fraude (c'est-à-dire, aux termes de l'article 2 de la convention du 26 juillet 1995, ceux portant sur un montant de plus de 50 000 «écus») et des comportements de corruption active et passive.
L'obligation d'incrimination du blanchiment de capitaux est posée à l'article 2.
Pour la première fois dans un instrument international dépourvu de réserves, un régime de responsabilité des personnes morales est introduit à l'article 3 .
Afin de rallier l'adhésion de pays suivant des traditions juridiques différentes, la nature juridique de cette responsabilité n'a pas été précisée : pénale en France, elle pourra être administrative en Allemagne. En raison de l'opposition de l'Autriche à la reconnaissance d'un tel principe de responsabilité, une disposition spéciale a été envisagée pour ce pays à l'article 18 paragraphe 2, pour une durée transitoire.
Pour la même raison, la notion de «personne morale» n'est pas définie, mais les conditions d'engagement de cette responsabilité sont posées dans cet article : la responsabilité de la personne morale se trouve engagée lorsqu'une infraction est commise pour le compte de cette personne morale par une personne exerçant un pouvoir de direction en son sein. Ce pouvoir de direction résulte de circonstances matérielles caractérisées soit par un pouvoir de représentation de la personne morale, soit par un pouvoir de décision engageant la personne morale, soit par un pouvoir de contrôle interne à la personne morale.
Les actes de complicité des infractions visées et, s'agissant de la fraude, ceux de tentative, peuvent également être imputés aux personnes morales, de même (paragraphe 2) que les infractions rendues possibles par un défaut de surveillance commis par une personne susceptible d'engager la responsabilité de la personne morale.
Enfin, conformément au droit français, la responsabilité des personnes morales n'exclut pas que puisse être recherchée celle des personnes physiques auteurs matériels des infractions concernées (paragraphe 3).
Les sanctions (
article 4
) susceptibles
d'être prononcées à l'encontre des personnes morales ne
sont pas qualifiées de «pénales», mais la formule
utilisée dans la convention du 26 juillet 1995, comme dans le
protocole du
27 septembre 1996, de «sanctions effectives,
proportionnées et dissuasives» est reprise.
La sanction principale est l'amende, et, compte tenu de la spécificité des «personnes morales», une liste de sanctions complémentaires est proposée.
S'agissant des comportements de «négligence» induits par le défaut de surveillance ou de contrôle ayant rendu possible la commission d'une infraction (envisagés à l'article 3 paragraphe 2), chaque Etat membre reste libre de qualifier le régime de responsabilité et de déterminer les sanctions ou mesures applicables.
L'article 5 prévoit la confiscation des instruments et du produit de la fraude, de la corruption active et passive et du blanchiment provenant de ces infractions. Les modalités de cette confiscation et le sort des biens saisis ou confisqués sont renvoyés au droit national. La préservation des droits des tiers de bonne foi, inscrite dans les textes internationaux depuis la convention de Vienne du 19 décembre 1988 sur le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (article 5 paragraphe 8 de cette convention), est reprise ici.
L'article 5 paragraphe 3 de la convention du 26 juillet 1995 relatif à l'extradition est étendu à l'entraide judiciaire ( article 6) , reprenant le principe établi entre Etats Schengen par l'article 50 paragraphe 1 de la convention d'application de l'Accord de Schengen, signée le 19 juin 1990, quant à l'impossibilité d'invoquer comme refus d'entraide le motif que l'infraction visée constitue une infraction en matière de taxes ou de droits de douane.
Les articles 7 à 11 relatifs à la coopération avec la Commission viennent compléter le dispositif de l'article 6 de la convention du 26 juillet 1995. Le rappel de cette coopération est effectué au paragraphe 1 de l'article 7. Si la lutte contre la fraude et la corruption portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés sont de la seule compétence des Etats, cet article évoque les possibilités d'assistance technique et opérationnelle que peut apporter la Commission à la coordination des enquêtes menées par les autorités nationales compétentes des Etats membres. La rédaction du premier paragraphe de cet article est inspirée du 2ème alinéa de l'article 209.A du traité sur l'Union européenne.
Le paragraphe suivant de l'article 7 développe les conditions d'échange d'informations entre les Etats membres et la Commission et rappelle les exigences posées par les législations des Etats membres quant au respect du secret de l'instruction et de la protection des données.
S'agissant de ce dernier aspect, des règles spécifiques s'appliquant à la Commission sont développées aux articles 8 à 11.
Il faut souligner que l'entrée en vigueur de l'article 7 paragraphe 2 se trouve subordonnée à la mise en oeuvre par les instances communautaires d'un régime de protection des données applicable à la Commission et, en particulier, à la création de l'autorité de contrôle évoquée à l'article 11.
Un tel régime de protection des données a déjà été instauré dans d'autres conventions du 3ème pilier traitant de l'échange d'informations : convention «Europol» portant création d'un Office européen de police établie le 26 juillet 1995 ; convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes, également établie le 26 juillet 1995.
Le protocole reprend, pour les appliquer au blanchiment (article 12 paragraphe 1), les principes relatifs à la responsabilité pénale des chefs d'entreprise (article 3 de la convention), à l'extradition (article 5 de la convention, et notamment l'application du principe « aut dedere, aut judicare »), et à la coopération entre Etats membres (article 6 de la convention).
Le paragraphe 2 du même article rend également applicable au protocole les règles de compétence posées par l'article 4 de la convention. Les déclarations effectuées par les Etats membres (dont la France) sur les conditions de mise en oeuvre des poursuites visant les infractions commises à l'étranger par un ressortissant conservent leur valeur et n'ont pas à être renouvelées ici.
De même, sont reprises les dispositions relatives à l'application du principe « ne bis in idem » (article 7 de la convention), à la liberté pour les Etats membres d'envisager des dispositions plus répressives que celles du protocole (article 9 de la convention), et à la communication d'informations à la Commission (article 10 de la convention).
Une compétence est reconnue à la Cour de justice ( article 13 ) pour connaître des différends entre Etats membres sur l'interprétation du protocole. Cette disposition est calquée sur celles des articles 8 de la convention du 26 juillet 1995 et du protocole du 27 septembre 1996.
Une compétence lui est également reconnue sur certains articles du protocole pour connaître des différends entre Etats membres et Commission lorsque ceux-ci n'ont pu être réglés par voie de négociation à l'expiration d'une période de six mois. Il s'agit de l'article 2 relatif à la définition du «blanchiment» tel qu'il se trouve envisagé à l'article 1. e), des articles 7, 8, 10 et 12 paragraphe 2, 4ème tiret, relatifs à la communication d'informations par un Etat membre à la Commission et à l'usage fait par celle-ci des informations communiquées.
En outre, le protocole du 29 novembre 1996 concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes s'applique au présent protocole (paragraphe 3). Les déclarations déposées par les Etats membres (dont la France, qui entend réserver la possibilité de demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur le seul renvoi de ses juridictions suprêmes) s'appliquent et n'ont pas à être renouvelées ici.
L'article 14 soumet la responsabilité non contractuelle de la Commission au régime instauré par le traité de l'Union européenne (article 215 du traité). La réparation des dommages incombant à la Communauté relève de la compétence de la Cour de justice (article 178 du traité).
Les recours individuels ( article 15 ) des personnes physiques ou morales à l'égard des décisions de la Commission quant au traitement des données les concernant relèvent également de la compétence de la Cour de justice, et plus particulièrement de son tribunal de première instance (article 168.A du traité). Les recours doivent être formés dans les deux mois de la publication ou de la notification de la décision qui concerne directement et individuellement l'intéressé (article 173, cinquième alinéa).
Si le recours est fondé, la Cour de justice déclare nulle et non avenue la décision contestée (article 174, premier alinéa).
L'arrêt de la Cour s'impose à la Commission (article 176, premier alinéa) dont la responsabilité non contractuelle peut être recherchée (article 176, deuxième alinéa). Le recours formé n'est pas suspensif (article 185), mais la Cour de justice peut prescrire des mesures provisoires (article 186).
Les dispositions finales du protocole (
articles 16
à 19
) sont calquées sur celles de la convention du 26
juillet 1995 et du protocole du
27 septembre 1996.
Le protocole entrera en vigueur quatre-vingt-dix jours après que le dernier Etat de l'Union aura accompli les formalités de ratification qui lui incombent. De même que le premier protocole, il ne pourra entrer en vigueur avant la convention elle-même (article 16, paragraphes 1 à 3). Un quatrième paragraphe a été rajouté pour subordonner l'entrée en vigueur de l'article 7, paragraphe 2, relatif à l'échange d'informations entre Etats membres et Commission, à la publication par les Communautés européennes des règles relatives à la protection des données s'imposant à ses institutions (article 9) et à la mise en place d'une autorité indépendante de contrôle (article 11).
Le protocole est ouvert à l'adhésion de tout Etat qui deviendrait membre de l'Union ( article 17 ).
Une réserve à durée limitée dans le temps est ouverte aux Etats membres par l'article 18 (paragraphe 1), permettant aux Etats de limiter l'incrimination de blanchiment de capitaux liés au produit de la corruption active et passive aux seuls cas graves. Cette réserve, valable cinq ans, ne peut être prorogée qu'une seule fois pour une nouvelle durée de cinq ans.
Cette limitation dans le temps est justifiée en ce que le premier protocole ne définit pas le concept de gravité évoqué ici.
Une autre possibilité de réserve a été introduite (paragraphe 2 du même article) pour répondre à une opposition de l'Autriche à la reconnaissance d'un principe de responsabilité applicable aux personnes morales. Cette possibilité spécifique de réserve n'aura, si elle est utilisée par l'Autriche, qu'une durée maximale de cinq ans.
Aucune autre réserve, en dehors de celles visées à l'article 12, paragraphe 2, premier tiret, relatif aux règles de compétence, et deuxième tiret, relatif à l'application du principe « ne bis in idem », se rapportant aux articles 4 et 7 de la convention, n'est admise (paragraphe 3).
Le dépositaire du protocole est le Secrétaire général du Conseil de l'Union européenne ( article 19 ).
Telles sont les principales observations qu'appelle le deuxième protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 19 juin 1997 qui, comportant des dispositions relevant du domaine de la loi, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant la ratification du deuxième protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 19 juin 1997, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée la ratification du deuxième protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 19 juin 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 27 janvier 1999
Signé : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères,
Signé : HUBERT VÉDRINE
DEUXIÈME PROTOCOLE
établi sur la base de
l'article K. 3
du traité sur l'Union
européenne
à la convention relative
à la protection
des intérêts financiers
des Communautés
européennes,
fait à Bruxelles le 19 juin 1997
DEUXIÈME PROTOCOLE
établi sur la base de
l'article K. 3
du traité sur l'Union européenne à
la convention relative
à la protection des intérêts
financiers des Communautés européennes
Les hautes Parties contractantes au
présent protocole, Etats membres de l'Union
européenne,
Se référant
à l'acte du Conseil de l'Union européenne du 19 juin
1997 ;
Désireuses de faire en sorte que
leurs législations pénales contribuent de manière efficace
à la protection des intérêts financiers des
Communautés
européennes ;
Reconnaissant l'importance
de la convention relative à la protection des intérêts
financiers des Communautés européennes, du 26 juillet 1995,
pour la lutte contre la fraude touchant les recettes et les dépenses
communautaires ;
Reconnaissant l'importance du
protocole du 27 septembre 1996 à ladite convention pour la lutte contre
la corruption portant atteinte ou risquant de porter atteinte aux
intérêts financiers des Communautés
européennes ;
Conscientes du fait que
les intérêts financiers des Communautés européennes
peuvent être lésés ou menacés par des actes commis
au nom de personnes morales et des actes visant au blanchiment de
capitaux ;
Convaincues de la
nécessité d'adapter, le cas échéant, les
législations nationales, de telle sorte qu'elles prévoient que
les personnes morales puissent être tenues pour responsables d'actes de
fraude ou de corruption active et de blanchiment de capitaux commis pour leur
compte, qui portent atteinte ou risquent de porter atteinte aux
intérêts financiers des Communautés
européennes ;
Convaincues de la
nécessité d'adapter les législations nationales, le cas
échéant, de manière à incriminer les actes visant
au blanchiment du produit de la fraude ou de la corruption, qui portent
atteinte ou risquent de porter atteinte aux intérêts financiers
des Communautés européennes, et à rendre possible la
confiscation du produit de cette fraude et de cette
corruption ;
Convaincues de la
nécessité d'adapter, le cas échéant, les
législations nationales, afin d'empêcher que l'entraide soit
refusée uniquement parce que les infractions visées par le
présent protocole concernent ou sont considérées comme des
infractions en matière de taxes ou de droits de
douane ;
Constatant que la coopération
entre les Etats membres est déjà couverte par la convention
relative à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes, du 26 juillet 1995, mais qu'il est
nécessaire, sans préjudice des obligations qui découlent
du droit communautaire, de prévoir dans une disposition
appropriée la coopération entre les Etats membres et la
Commission dans le but de garantir une action efficace contre la fraude, la
corruption active et passive, et le blanchiment de capitaux qui leur est
lié, portant atteinte ou susceptibles de porter atteinte aux
intérêts financiers des Communautés européennes, y
compris les échanges d'informations entre les Etats membres et la
Commission ;
Considérant qu'il est
nécessaire, pour encourager et faciliter les échanges
d'informations, de veiller à une protection adéquate des
données à caractère
personnel ;
Considérant que les
échanges d'informations ne doivent pas entraver les investigations en
cours et qu'il est donc nécessaire de prévoir la protection du
secret de l'instruction ;
Considérant
qu'il y a lieu d'établir des dispositions appropriées concernant
la compétence de la Cour de justice des Communautés
européennes ;
Considérant enfin
qu'il convient de rendre les dispositions pertinentes de la convention relative
à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes, du 26 juillet 1995, applicables
à certains actes visés par le présent
protocole,
conviennent des dispositions qui suivent :
Article 1
er
Définitions
Aux fins du présent protocole, on
entend
par :
a)
« Convention »,
la convention établie sur la base de l'article K. 3 du
traité sur l'Union européenne, relative à la protection
des intérêts financiers des Communautés européennes,
du 26 juillet 1995 (cf. note 1)
;
b)
« Fraude »,
les comportements visés à l'article 1
er
de la
convention ;
c)
« Corruption
passive », les comportements visés à l'article 2
du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du
traité sur l'Union européenne, à la convention relative
à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes, du 27 septembre 1996 (cf. note 2)
;
« Corruption active »,
les comportements visés à l'article 3 du même
protocole ;
d)
« Personne
morale », toute entité ayant ce statut en vertu du droit
national applicable, exception faite des Etats ou des autres entités
publiques dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique et
des organisations internationales
publiques ;
e)
« Blanchiment
de capitaux », les comportements tels qu'ils sont définis
à l'article 1
er
, troisième tiret, de la directive
n
o
91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à
la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du
blanchiment de capitaux (cf. note 3) liés au produit de la fraude, du
moins dans les cas graves, et de la corruption active et passive.
Article 2
Blanchiment de capitaux
Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que le blanchiment de capitaux soit érigé en infraction pénale.
Article 3
Responsabilité des personnes
morales
1. Chaque Etat membre prend
les mesures nécessaires pour assurer que les personnes morales puissent
être tenues pour responsables d'un fait de fraude, de corruption active
et de blanchiment de capitaux commis pour leur compte par toute personne,
agissant soit individuellement, soit en tant que membre d'un organe de la
personne morale, qui exerce un pouvoir de direction en son sein, sur les bases
suivantes :
- un pouvoir de
représentation de la personne morale,
ou
- une autorité pour prendre des
décisions au nom de la personne morale,
ou
- une autorité pour exercer un
contrôle au sein de la personne morale,
ainsi que de la participation
à la commission de ce fait de fraude, de corruption active ou de
blanchiment de capitaux en qualité de complice ou d'instigateur, ou de
la tentative de commission de ce fait de
fraude.
2. Abstraction faite des cas
déjà prévus au paragraphe 1, chaque Etat membre prend les
mesures nécessaires pour assurer qu'une personne morale puisse
être tenue pour responsable lorsque le défaut de surveillance ou
de contrôle de la part d'une personne visée au paragraphe 1 a
rendu possible la commission d'un fait de fraude, de corruption active ou de
blanchiment de capitaux pour le compte de ladite personne morale par une
personne soumise à son
autorité.
3. La
responsabilité de la personne morale en vertu des paragraphes 1
et 2 n'exclut pas les poursuites pénales contre les personnes
physiques auteurs, instigateurs ou complices du fait de fraude, de corruption
active ou de blanchiment de capitaux.
Article 4
Sanctions à l'encontre des personnes
morales
1. Chaque Etat membre prend
les mesures nécessaires pour assurer qu'une personne morale
déclarée responsable au sens de l'article 3,
paragraphe 1, soit passible de sanctions effectives, proportionnées
et dissuasives, qui incluent des amendes pénales ou non pénales
et éventuellement d'autres sanctions,
notamment :
a)
Des mesures
d'exclusion du bénéfice d'un avantage ou d'une aide
publique ;
b)
Des mesures
d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une activité
commerciale ;
c)
Un
placement sous surveillance
judiciaire ;
d)
Une mesure
judiciaire de dissolution.
2. Chaque Etat
membre prend les mesures nécessaires pour assurer qu'une personne morale
déclarée responsable au sens de l'article 3,
paragraphe 2, soit passible de sanctions ou mesures effectives,
proportionnées et dissuasives.
Article 5
Confiscation
Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour permettre la saisie et, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi, la confiscation ou le retrait des instruments et du produit de la fraude, de la corruption active et passive et du blanchiment de capitaux, ou des biens dont la valeur correspond à ce produit. Les instruments, produits ou biens saisis ou confisqués sont traités par l'Etat membre conformément à son droit national.
Article 6
Infractions en matière de taxes
et
de droits de douane
Un Etat membre ne peut refuser l'entraide judiciaire en cas de fraude, de corruption active et passive et de blanchiment de capitaux au seul motif qu'il s'agit d'une infraction en matière de taxes et de droits de douane ou de faits considérés comme tels.
Article 7
Coopération avec la Commission
des
Communautés européennes
1. Les Etats membres
collaborent mutuellement avec la Commission dans le domaine de la lutte contre
la fraude, la corruption active et passive et le blanchiment de
capitaux.
A cette fin, la Commission prête
toute l'assistance technique et opérationnelle nécessaire afin de
faciliter la coordination des investigations engagées par les
autorités nationales
compétentes.
2. Les
autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger
des éléments d'information avec la Commission aux fins de
faciliter l'établissement des faits et d'assurer une action efficace
contre la fraude, la corruption active et passive et le blanchiment de
capitaux. La Commission et les autorités nationales compétentes
tiennent compte, pour chaque cas spécifique, des exigences du secret de
l'instruction et de la protection des données. A cette fin, lorsqu'un
Etat membre fournit des informations à la Commission, il est en droit de
fixer des conditions spécifiques régissant l'utilisation de ces
informations par la Commission comme par tout autre Etat membre auquel ces
informations pourraient être transmises.
Article 8
Responsabilité de la Commission
en
matière de protection de données
La Commission veille à assurer, dans le cadre de l'échange d'éléments d'information conformément à l'article 7, paragraphe 2, et pour ce qui est du traitement des données à caractère personnel, un niveau de protection équivalent au niveau de protection prévu par la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (cf. note 4) .
Article 9
Publication des règles en
matière de protection des données
Les règles adoptées en vertu des obligations visées à l'article 8 sont publiées au Journal officiel des Communautés européennes.
Article 10
Communication de données à
d'autres Etats membres
et à des pays tiers
1. Sous réserve de
conditions prévues à l'article 7, paragraphe 2, la
Commission peut communiquer à tout autre Etat membre des données
à caractère personnel qu'elle a obtenues d'un Etat membre dans
l'exercice de ses fonctions conformément à l'article 7. La
Commission informe l'Etat membre qui a fourni ces informations de cette
communication.
2. La Commission peut,
dans les mêmes conditions, communiquer à tout pays tiers des
données à caractère personnel qu'elle a obtenues d'un Etat
membre dans l'exercice de ses fonctions conformément à
l'article 7, pour autant que l'Etat membre qui a fourni les informations
ait autorisé cette communication.
Article 11
Autorité de contrôle
Toute autorité désignée ou créée aux fins d'exercer la fonction du contrôle indépendant de la protection des données à l'égard de données à caractère personnel détenues par la Commission, conformément à ses fonctions en vertu du traité instituant la Communauté européenne, est compétente pour exercer la même fonction à l'égard des données à caractère personnel détenues par la Commission en vertu du présent protocole.
Article 12
Relation avec la convention
1. Les dispositions des
articles 3, 5 et 6 de la convention s'appliquent aussi aux comportements
visés à l'article 2 du présent
protocole.
2. Les dispositions
ci-après de la convention s'appliquent aussi au présent
protocole :
- l'article 4,
étant entendu que, sauf indication contraire fournie lors de la
notification prévue à l'article 16, paragraphe 2, du
présent protocole, toute déclaration au sens de l'article 4,
paragraphe 2, de la convention vaut également pour le
présent
protocole ;
- l'article 7,
étant entendu que le principe
ne bis in idem
s'applique
également aux personnes morales et que, sauf indication contraire
fournie lors de la notification prévue à l'article 16,
paragraphe 2, du présent protocole, toute déclaration au
sens de l'article 7, paragraphe 2, de la convention vaut
également pour le présent
protocole ;
- l'article
9 ;
- l'article 10.
Article 13
Cour de justice
1. Tout différend entre
Etats membres relatif à l'interprétation ou à
l'application du présent protocole doit, dans une première
étape, être examiné au sein du Conseil selon la
procédure prévue au titre VI du traité sur l'Union
européenne, en vue d'une solution.
A
l'expiration d'un délai de six mois, si aucune solution n'a pu
être trouvée, la Cour de justice peut être saisie par une
partie au différend.
2. Tout
différend entre un ou plusieurs Etats membres et la Commission, relatif
à l'application de l'article 2 en liaison avec
l'article 1
er
sous
e,
ainsi que des
articles 7, 8 et 10 et de l'article 12, paragraphe 2,
quatrième tiret, du présent protocole, qui n'a pu être
réglé par voie de négociation, peut être soumis
à la Cour de justice à l'expiration d'une période de six
mois à partir de la date à laquelle l'une des parties a
notifié à l'autre l'existence d'un
litige.
3. Le protocole établi sur
la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union
européenne, concernant l'interprétation, à titre
préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés
européennes, de la convention relative à la protection des
intérêts financiers des Communautés européennes, du
29 novembre 1996 (cf. note 5) , s'applique au présent protocole,
étant entendu qu'une déclaration faite par un Etat membre,
conformément à l'article 2 de ce protocole, vaut aussi
à l'égard du présent protocole sauf si l'Etat membre
concerné fait une déclaration en sens contraire lors de la
notification visée à l'article 16, paragraphe 2, du
présent protocole.
Article 14
Responsabilité non
contractuelle
Aux fins du présent protocole, la responsabilité non contractuelle de la Communauté est régie par l'article 215, deuxième alinéa, du traité instituant la Communauté européenne. L'article 178 dudit traité est applicable.
Article 15
Contrôle juridictionnel
1. La Cour de justice est
compétente pour se prononcer sur les recours formés par toute
personne physique ou morale contre une décision de la Commission qui lui
est adressée ou qui la concerne directement et individuellement, pour
violation de l'article 8 ou de toute règle adoptée en
application dudit article, ou détournement de
pouvoir.
2. L'article 168 A,
paragraphes 1 et 2, l'article 173, cinquième
alinéa, l'article 174, premier alinéa, l'article 176,
premier et deuxième alinéa, les articles 185 et 186 du
traité instituant la Communauté européenne, ainsi que le
statut de la Cour de justice de la Communauté européenne, sont
applicables,
mutatis mutandis.
Article 16
Entrée en vigueur
1. Le présent protocole
est soumis à l'adoption des Etats membres selon leurs règles
constitutionnelles respectives.
2. Les
Etats membres notifient au secrétaire général du Conseil
de l'Union européenne l'accomplissement des procédures requises
par leurs règles constitutionnelles respectives pour l'adoption du
présent protocole.
3. Le
présent protocole entre en vigueur quatre-vingt-dix jours après
la notification prévue au paragraphe 2 par l'Etat, membre de
l'Union européenne à la date de l'adoption par le Conseil de
l'acte établissant le présent protocole, qui procède le
dernier à cette formalité. Toutefois, si la convention n'est pas
entrée en vigueur à cette date, le protocole entre en vigueur
à la date d'entrée en vigueur de la
convention.
4. Cependant, l'application
de l'article 7, paragraphe 2, est suspendue si, et aussi longtemps
que, l'institution compétente des Communautés européennes
ne remplit pas l'obligation de publier les règles relatives à la
protection des données qui lui incombent en vertu de l'article 9,
ou que les termes de l'article 11 concernant l'autorité de
contrôle n'ont pas été respectés.
Article 17
Adhésion de nouveaux Etats
membres
1. Le présent protocole
est ouvert à l'adhésion de tout Etat qui devient membre de
l'Union européenne.
2. Le texte du
présent protocole dans la langue de l'Etat adhérent,
établi par le Conseil de l'Union européenne, fait
foi.
3. Les instruments d'adhésion
sont déposés auprès du
dépositaire.
4. Le présent
protocole entre en vigueur à l'égard de tout Etat qui y
adhère quatre-vingt-dix jours après le dépôt de son
instrument d'adhésion ou à la date d'entrée en vigueur de
ce protocole, si celui-ci n'est pas encore entré en vigueur au moment de
l'expiration de ladite période de quatre-vingt-dix jours.
Article 18
Réserves
1. Chaque Etat membre peut se
réserver le droit d'ériger en infraction pénale le
blanchiment de capitaux liés au produit de la corruption active et
passive, uniquement dans les cas graves de corruption active et passive. Tout
Etat membre qui fait usage de cette faculté en informe le
dépositaire en précisant la portée de sa réserve,
au moment où il procède à la notification visée
à l'article 16, paragraphe 2. Cette réserve est valable
pendant une période de cinq ans à compter de ladite
notification. Elle peut être prorogée une seule fois pour une
période de cinq ans.
2. La
République d'Autriche peut, lorsqu'elle procède à la
notification prévue à l'article 16, paragraphe 2,
déclarer qu'elle ne sera pas liée par les articles 3
et 4. Cette déclaration cessera d'avoir des effets cinq ans
après la date d'adoption de l'acte établissant le présent
protocole.
3. Aucune autre réserve
n'est admise, à l'exception de celles prévues à
l'article 12, paragraphe 2, premier et deuxième tiret.
Article 19
Dépositaire
1. Le secrétaire
général du Conseil de l'Union européenne est
dépositaire du présent
protocole.
2. Le dépositaire
publie au
Journal officiel des Communautés européennes
l'état des adoptions et adhésions, les déclarations et les
réserves, ainsi que toute autre notification relative au présent
protocole.
Fait à Bruxelles, le 19 juin
1997, en un exemplaire unique, en langues allemande, anglaise, danoise,
espagnole, finnoise, française, grecque, irlandaise, italienne,
néerlandaise, portugaise et suédoise, chacun de ces textes
faisant également foi, exemplaire qui est déposé dans les
archives du secrétariat général du Conseil de l'Union
européenne.
DÉCLARATION CONJOINTE
AU SUJET DE L'ARTICLE 13,
PARAGRAPHE 2
Les Etats membres déclarent que la
référence à l'article 7 du protocole, qui figure
à l'article 13, paragraphe 2, s'applique uniquement à
la coopération entre la Commission, d'une part, et les Etats membres,
d'autre part, et n'affecte pas la marge d'appréciation dont disposent
les Etats membres pour ce qui est de fournir des informations au cours
d'enquêtes
criminelles.
TCA 97-117. - Imprimerie des Journaux officiels, Paris
550971170 - 000797
(cf. note 6)
NOTE (S) :
(1) Journal officiel n o C 316 du 27 novembre 1995, page 49.
(2) Journal officiel n o C 313 du 23 octobre 1996, page 2.
(3) Journal officiel n o L 166 du 28 juin 1991, page 77.
(4) Journal officiel n o L 281 du 23 novembre 1995, page 31.
(5) Journal officiel n o C 151 du 20 mai 1997, page 1.
(6) TCA . - Imprimerie des Journaux officiels, Paris