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N° 675
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 2014 |
PROJET DE LOI
autorisant la ratification du protocole n° 15 portant amendement à la convention de sauvegarde des Droits de l' Homme et des Libertés fondamentales ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. Manuel VALLS,
Premier ministre
Par M. Laurent FABIUS,
ministre des affaires étrangères et du développement international
(Envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-dessous la « convention ») du 4 novembre 1950 a institué une Cour européenne des droits de l'Homme, qui exerce un contrôle du respect par les États parties des droits et libertés garantis par cette convention.
Le processus d'élargissement du Conseil de l'Europe, qui comprend désormais quarante-sept États parties, et l'afflux massif de requêtes individuelles à la fois à l'encontre d'anciens et de nouveaux États membres a nécessité de modifier la structure du contrôle juridictionnel (protocole n° 11 à la convention entré en vigueur le 11 novembre 1998) ainsi que les conditions de l'exercice de ce contrôle (protocole n° 14 à la convention entré en vigueur le 1 er juin 2010), afin de permettre à la Cour européenne des droits de l'Homme de faire face efficacement au nombre croissant de requêtes dont elle est saisie.
Le protocole n° 15, dont la rédaction a été décidée par les quarante-sept États parties à l'occasion de la Conférence de haut niveau tenue à Brighton les 18-20 avril 2012, poursuit l'objectif d'assurer un contrôle juridictionnel effectif du respect des droits et libertés garantis par la convention. Il a été ouvert à la signature le 24 juin 2013 (à ce jour vingt-trois États parties l'ont signé).
L' article 1 er de ce protocole modifie le préambule de la convention en introduisant un nouveau paragraphe comportant des références aux principes de subsidiarité et de marge d'appréciation des États. Cette disposition nouvelle a pour objet de rappeler que les États parties à la convention sont les premiers garants des droits et libertés définis par la convention et qu'ils disposent à cette fin d'une certaine marge d'appréciation qui s'exerce in fine sous le contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme.
L' article 2 du protocole modifie les articles 21 et 23 de la convention relatifs aux conditions d'âge des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme. Actuellement, les juges de la Cour européenne des droits de l'Homme ne peuvent exercer leurs fonctions au-delà de l'âge de soixante-dix ans. L'article 2 du protocole supprime cette limite d'âge et prévoit désormais que les candidats aux postes de juges de la Cour européenne des droits de l'homme sont âgés de moins de soixante-cinq ans. Cette modification vise à permettre à des juges hautement qualifiés d'exercer leurs fonctions durant l'intégralité de leur mandat de neuf ans non renouvelable et d'assurer ainsi une longévité et une cohérence dans la composition de la Cour. L'entrée en vigueur de ces dispositions a été organisée par l'article 8, paragraphe 1 du protocole.
L' article 3 du protocole modifie l'article 30 de la convention. Il supprime la possibilité pour une Partie à une affaire portée devant la Cour européenne des droits de l'Homme, c'est-à-dire l'État ou le requérant, de s'opposer à un renvoi de cette affaire en Grande chambre par une chambre de la Cour, lorsque cette dernière estime que l'affaire à trancher soulève une question grave d'interprétation de la convention ou si la solution à une question peut conduire à une contradiction avec la jurisprudence de la Cour. Cette disposition vise à contribuer à la cohérence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. La Cour a, pour sa part, modifié son règlement intérieur (article 72, paragraphe 2) de manière à ce que les chambres soient tenues de se dessaisir en faveur de la Grande chambre lorsqu'elles envisagent de prendre une décision en contradiction avec la jurisprudence de la Cour. Aux termes de l'article 8, paragraphe 2, ces dispositions nouvelles ne pourront pas s'appliquer aux affaires dans lesquelles une des Parties s'était déjà opposé, avant l'entrée en vigueur du protocole, à un renvoi devant la Grande chambre.
L' article 4 du protocole amende l'article 35, paragraphe 1 de la convention en réduisant de six à quatre mois le délai suivant la date de la décision interne définitive dans lequel une requête doit être introduite devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Cette mesure, qui fait suite à une proposition formulée par la Cour, prend en compte le développement des technologies et les délais internes en vigueur dans les États membres pour introduire des recours devant les juridictions supérieures. Afin de préserver les droits des requérants, l'entrée en vigueur de cette disposition a été spécialement aménagée par l'article 8, paragraphe 3 du protocole.
L' article 5 du protocole modifie l'article 35, paragraphe 3, alinéa b , qui prévoit l'irrecevabilité d'une requête en l'absence de préjudice important. La condition actuelle que l'affaire ait été dûment examinée par un tribunal interne est ainsi supprimée. Cette modification est destinée à donner un plus grand effet à l'adage de minimis non curat praetor , afin d'éviter que la Cour ne soit encombrée d'affaires de peu d'importance.
Les articles 7 et 8 sont relatifs aux dispositions d'entrée en vigueur du protocole. Le principe posé par l'article 7 est que le protocole entre en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après que l'ensemble des États parties a signé et ratifié le protocole. L'article 8 du protocole prévoit des dispositions spécifiques d'entrée en vigueur des articles 2, 3 et 4 du présent protocole qui ont été mentionnées ci-dessus.
Les articles 6 , 7 et 9 du protocole comportent les clauses habituelles traditionnellement insérées dans les traités préparés au sein du Conseil de l'Europe.
Telles sont les principales observations qu'appelle le protocole n° 15 portant amendement à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce texte amende le système de contrôle de la convention et modifie les conditions de recevabilité des requêtes devant la Cour. Il comporte donc des dispositions modifiant substantiellement un traité relatif à une organisation internationale et porte sur les droits civiques et les garanties fondamentales relevant du domaine de la loi. La ratification du protocole n° 15 doit donc être autorisée par le Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 15 portant amendement à la convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée la ratification du protocole n° 15 portant amendement à la convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, signé à Strasbourg le 24 juin 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 2 juillet 2014
Signé : MANUEL VALLS
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères et du développement international,
Signé : LAURENT FABIUS