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N° 389
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juin 2008 |
PROJET DE LOI
(URGENCE DÉCLARÉE) ,
instituant un droit d' accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. François FILLON,
Premier ministre
Par M. Xavier DARCOS,
ministre de l'éducation nationale
(Renvoyé à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi reconnaît aux agents de la fonction publique la liberté de cesser leur travail lorsqu'un désaccord les oppose à leur employeur et que les modalités de préavis relatives à l'application du droit de grève ont été respectées. Pour autant, la liberté reconnue à chaque salarié de cesser provisoirement son activité professionnelle doit être respectée au même titre que la liberté de ceux qui souhaitent continuer à travailler.
Tel n'est pourtant pas le cas lorsque l'intensité ou la fréquence des mouvements de grève dans l'éducation nationale conduit à l'interruption des enseignements et, partant, de l'accueil des élèves, contraignant ainsi de nombreux parents à assurer eux-mêmes la garde des plus jeunes de leurs enfants. En proposant d'instaurer par la loi un droit à l'accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles et primaires, y compris en cas de grève, le Président de la République a voulu concilier l'expression de ces deux libertés, la liberté de travailler et la liberté de faire grève.
Le présent projet de loi pose le principe de ce nouveau droit à l'accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles ou élémentaires publiques. En cas de grève importante, sa mise en oeuvre est confiée aux communes qui recevront un financement de l'État, ce dernier assurant lui-même l'accueil des enfants le reste du temps.
Afin de faciliter la mise en place de ce dispositif, le projet de loi instaure une déclaration d'intention de grève qui devra être signifiée, par les enseignants, dans les quarante-huit heures au plus tard qui précèdent le déclenchement d'une grève. Le projet de loi crée par ailleurs un mécanisme de prévention des conflits pour permettre, chaque fois que possible, d'éviter le recours à la grève par la réalisation d'un accord entre les parties.
L'article 1 er crée au titre III du livre premier du code de l'éducation un chapitre III consacré à l'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires. À cet effet, l'intitulé du titre III relatif à l'obligation scolaire et à la gratuité est modifié.
L'article 2 , après avoir posé le principe selon lequel tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique y est accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes, prévoit que dans le cas où les cours ne peuvent lui être dispensés, il doit bénéficier d'un service d'accueil.
À l' article 3 du projet de loi, le I de l'article L. 133-2 du code de l'éducation institue, afin de limiter les risques de grève affectant les écoles publique, une procédure de prévention des conflits concernant les personnes exerçant des fonctions d'enseignement dans ces écoles en créant une obligation de négociation pour les organisations syndicales représentatives de ces personnels.
Son II prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixera les contours de cette procédure de prévention des conflits : notification à l'État des motifs qui pourraient justifier le dépôt d'un préavis de grève, convocation des organisations syndicales représentatives dans un délai de trois jours au plus, période de négociation préalable ne pouvant excéder huit jours et élaboration d'un relevé de conclusions de la négociation préalable qui devra être communiqué aux enseignants du premier degré.
Son III vise à interdire la pratique dite des « préavis glissants ».
L' article 4 institue un service d'accueil des élèves des écoles publiques en cas de grève.
L' article 5 précise les conditions dans lesquelles ce service d'accueil est organisé par la commune. Ainsi, aux fins de permettre l'organisation du service, les personnes qui exercent des fonctions d'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires publiques doivent faire part de leur intention de participer à une grève quarante huit heures à l'avance. Cette information est donnée à l'autorité administrative dont elles relèvent, laquelle communique sans délai au maire le nombre, par école, de personnes exerçant dans la commune et ayant fait cette déclaration. La commune met en place le service d'accueil pendant le temps scolaire obligatoire lorsqu'au moins dix pour cent des personnes enseignant dans les écoles publiques de la commune ont déclaré leur intention de participer à la grève.
L' article 6 prévoit les garanties propres à assurer, pour les personnes auxquelles l'obligation de déclaration préalable est imposée, le respect de leur droit à la vie privée.
L' article 7 permet à la commune d'organiser l'accueil dans les locaux scolaires, dans des conditions dérogatoires à celles prévues par les articles L. 212-15 et L. 216-1 du code de l'éducation relatifs à l'utilisation des locaux scolaires par le maire.
L' article 8 prévoit que l'État verse une contribution financière aux communes au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de l'accueil des élèves. Cette contribution est fonction du nombre d'élèves accueillis. Un décret en précisera le montant et les modalités de versement.
L' article 9 permet aux communes de confier, par convention, l'organisation et la mise en place du service d'accueil à une autre commune ou à un établissement public de coopération intercommunale.
L' article 10 prévoit que les articles du code de l'éducation créés par les articles 2 et 4 à 9 du présent projet de loi entrent en vigueur dès la publication du décret fixant le montant et les modalités de versement de la contribution financière de l'État.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'éducation nationale,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre de l'éducation nationale, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article 1 er
I. - L'intitulé du titre III du livre I er du code de l'éducation est remplacé par l'intitulé suivant :
« TITRE III
« L'OBLIGATION SCOLAIRE, LA GRATUITÉ ET L'ACCUEIL DES « ÉLÈVES DES ÉCOLES MATERNELLES ET ÉLÉMENTAIRES ».
II. - Le titre III du livre I er du code de l'éducation est complété par un chapitre III intitulé :
« CHAPITRE III
« L'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ».
Article 2
Dans le chapitre III du titre III du livre I er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-1. - Tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique est accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes. Lorsque ces enseignements ne peuvent pas être dispensés, il bénéficie d'un service d'accueil. »
Article 3
Dans le chapitre III du titre III du livre I er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-2 . - I. - Afin de prévenir les conflits, le dépôt d'un préavis de grève par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques, ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'État et ces organisations syndicales.
« II. - Les règles d'organisation et de déroulement de cette négociation préalable sont fixées par un décret en Conseil d'État qui détermine notamment :
« 1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l'autorité administrative des motifs pour lesquels elle envisage de déposer un préavis de grève conformément à l'article L. 2512-2 du code du travail ;
« 2° Le délai dans lequel, à compter de cette notification, l'autorité administrative est tenue de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;
« 3° La durée dont l'autorité administrative et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours francs à compter de cette notification ;
« 4° Les informations qui doivent être transmises par l'autorité administrative aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;
« 5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l'autorité administrative se déroule ;
« 6° Les modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable ainsi que les informations qui doivent y figurer ;
« 7° Les conditions dans lesquelles les enseignants du premier degré sont informés des motifs du conflit, de la position de l'autorité administrative, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.
« III. - Lorsqu'un préavis concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques a été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 2512-2 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs qu'à l'issue du délai du préavis en cours et avant que la procédure prévue aux I et II n'ait été mise en oeuvre. »
Article 4
Dans le chapitre III du titre III du livre I er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-3 . - Les enfants scolarisés dans une école maternelle ou élémentaire publique bénéficient, en cas de grève des enseignants, d'un service d'accueil pendant le temps scolaire obligatoire. La commune organise ce service dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 133-4. »
Article 5
Dans le chapitre III du titre III du livre I er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-4 . - Dans le cas où un préavis a été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 2512-2 du code du travail et en vue de la mise en place d'un service d'accueil, toute personne exerçant des fonctions d'enseignement dans une école maternelle ou élémentaire publique informe l'autorité administrative, au moins quarante-huit heures avant de participer à la grève, de son intention d'y prendre part.
« L'autorité administrative communique sans délai au maire, pour chaque école, le nombre de personnes ayant fait cette déclaration et exerçant dans la commune.
« Le maire met en place ce service d'accueil, lorsque le nombre de personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève en application du premier alinéa du présent article est égal ou supérieur à 10 % du nombre des personnes exerçant des fonctions d'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires publiques de la commune. »
Article 6
Dans le chapitre III du titre III du livre I er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-5 . - Les informations issues des déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l'organisation durant la grève du service mentionné à l'article L. 133-4. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d'autres fins ou leur communication à toute autre personne que celles qui doivent en connaître est passible des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
Article 7
Dans le chapitre III du titre III du livre I er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-6 . - La commune peut accueillir les élèves dans les locaux des écoles maternelles et élémentaires publiques y compris lorsque ceux-ci continuent d'être utilisés en partie pour les besoins de l'enseignement. »
Article 8
Dans le chapitre III du titre III du livre I er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-7 . - L'État verse une contribution financière à chaque commune qui a mis en place le service d'accueil au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de cet accueil.
« Cette contribution est fonction du nombre d'élèves accueillis. Son montant et les modalités de son versement sont fixés par décret. »
Article 9
Dans le chapitre III du titre III du livre I er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-8 . - La commune peut confier par convention à une autre commune ou à un établissement public de coopération intercommunale l'organisation du service d'accueil. »
Article 10
Les articles L. 133-1 et L. 133-3 à L. 133-8 du code de l'éducation entrent en vigueur à compter de la publication du décret prévu à l'article L. 133-7 du même code.
Fait à Paris, le 11 juin 2008
Signé : FRANÇOIS FILLON
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'éducation nationale,
Signé : XAVIER DARCOS