N° 238
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 4 mars 2004
Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 mars 2004
PROJET DE LOI
autorisant l'approbation de l' accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis du Mexique en vue de lutter contre l' usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. JEAN-PIERRE RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. DOMINIQUE DE VILLEPIN,
Ministre des affaires étrangères.
( Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Traités et conventions. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Messieurs, Mesdames,
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique ont signé un accord de coopération en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes le 6 octobre 1997 à Paris.
Situé sur la route de la cocaïne, entre la Colombie, premier producteur mondial, et les Etats-Unis, principal consommateur mondial, le Mexique est devenu une plaque tournante en matière de stupéfiants et de substances psychotropes. Cette situation pose un véritable problème de santé publique : la part de la population qui consomme ou a consommé au moins une fois de la drogue ne cesse en effet de croître. De plus, le trafic de drogue est un problème majeur au Mexique dans la mesure où se développent des délinquances liées.
De son côté, la France cherche à lutter de la façon la plus efficace possible contre les stupéfiants et les substances psychotropes. Le Mexique faisant partie du système de redistribution de la drogue vers l'Europe, l'idée d'un accord de coopération entre les deux pays a vu le jour.
Ce projet apparaît dès 1984, année durant laquelle est signée la convention d'assistance mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières par les administrations douanières des deux pays. Cette convention est complétée par un avenant, signé à Mexico le 7 novembre1991, qui vient renforcer la coopération douanière en matière de lutte contre les stupéfiants. Puis, le 30 mars 1990, est signée une lettre d'intention à Mexico par P. Joxe et E. Alvarez del Castillo, relative à la coopération en matière de prévention et de lutte contre le trafic de stupéfiants et la pharmacodépendance. En mai 1995, les ministres des Affaires étrangères français et mexicain signent une déclaration d'intention relative à un accord spécifique de coopération en matière de lutte contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants. Enfin, en avril 1997, la France transmet un projet d'accord au Mexique qui aboutit au mois de septembre suivant au texte final, signé le 6 octobre 1997 à Paris.
Lors de son arrivée au pouvoir au Mexique, le 1 er décembre 1994, l'ancien président Ernesto Zedillo avait fait savoir qu'il souhaitait lancer une « guerre à la drogue » ; c'est dans ce contexte que s'inscrit le présent accord.
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L'accord de coopération entre le Gouvernement français et le Gouvernement des États-Unis du Mexique en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes est de nature assez générale.
Il contient tout d'abord des définitions de certaines notions fondamentales telles que « stupéfiants » et « substances psychotropes » ( article 2 ), ou encore « services nationaux compétents » ( article 3 ).
La coopération entre services s'exerce dans le respect des législations nationales des Parties, ce qui permet de refuser la transmission d'informations couvertes par le secret de l'enquête et de l'instruction ( article 4 ).
L'article 5 rappelle le domaine dans lequel la France et le Mexique entendent coopérer ; il s'agit de la police scientifique et technique. Les mesures concrètes qui peuvent être développées dans le cadre de cette coopération sont :
- l'échange d'informations relatives à la production, l'extraction, la détention, au transport et au commerce illégal de stupéfiants et de substances psychotropes (article 5) ;
- l'échange d'informations relatives au recyclage et au transfert de capitaux provenant du trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ( article 6 ) ;
- l'échange d'informations relatives aux trafics illicites de stupéfiants et de substances psychotropes ( article 11 ) ;
- les services nationaux compétents procèdent également à la demande de l'un d'entre eux à l'échange d'échantillons de produits stupéfiants dans le respect de leur législation nationale (article 11).
Afin de mener une action cohérente et concertée, l'accord prévoit également la possibilité d'échange temporaire de personnel entre les services nationaux compétents ( article 10 ). De plus, la recherche d'une définition commune de stratégies visant à prévenir l'usage illicite et à lutter contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes est promue ( article 8 ). Enfin, il est prévu la mise en place d'un mécanisme d'évaluation de la coopération par le biais d'une réunion d'experts nationaux de façon annuelle ( article 9 ) qui sera également en charge de l'étude des modalités des futures actions en matière de prévention.
D'un point de vue opérationnel, l'accord recommande l'utilisation de « livraisons surveillées » ( article 12 ) : afin d'identifier les acteurs et les filières des différents trafics, les Parties pourront procéder à la surveillance de l'acheminement de stupéfiants et substances psychotropes entre les deux pays. Cette surveillance devrait permettre de démanteler des filières, d'appréhender tous les suspects et cela au stade de l'acheminement.
Les dispositions finales ( article 15 ) prévoient des modalités classiques d'entrée en vigueur et précisent que l'accord est conclu pour une durée illimitée.
Cet accord, d'une portée très générale, a été précédé d'accords plus spécifiques mis en oeuvre depuis lors. En conséquence, il s'avère nécessaire de procéder à l'approbation de ce texte afin d'illustrer notre engagement complet vis à vis du Mexique dans le cadre de nos relations institutionnelles et de notre coopération opérationnelle.
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Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des Affaires étrangères,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis du Mexique en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des Affaires étrangères qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis du Mexique en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, signé à Paris le 6 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 10 mars 2004
Signé : JEAN-PIERRE RAFFARIN
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères,
Signé : DOMINIQUE DE VILLEPIN
ACCORD
de coopération
entre le Gouvernement de la
République française
et le Gouvernement des Etats-Unis du
Mexique
en vue de lutter contre l'usage
et le trafic illicites de
stupéfiants
et de substances psychotropes,
signé à
Paris le 6 octobre 1997
ACCORD
de coopération
entre le Gouvernement de la
République française
et le Gouvernement des Etats-Unis du
Mexique
en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de
stupéfiants
et de substances psychotropes
Le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement des Etats-Unis du
Mexique,
Ci-après nommés
« les Parties »,
Conscients de
ce que l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances
psychotropes constituent un danger pour la santé des peuples qu'il est
de leur devoir de combattre sous toutes leurs
formes ;
Considérant les engagements
souscrits par les deux Etats en tant que Parties à la Convention unique
sur les stupéfiants du 30 mars 1961, à son Protocole du
25 mars 1972, à la Convention sur les substances psychotropes du
21 février 1971, à la Convention des Nations unies contre le
trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du
20 décembre 1988 et à l'Accord de coopération entre
la Communauté européenne et les Etats-Unis du Mexique pour le
contrôle des précurseurs et des substances chimiques
utilisés fréquemment dans la fabrication illicite de
stupéfiants ou de substances psychotropes du 13 décembre
1996 ;
Désireux de développer une
collaboration réciproque accrue et, à cette fin, de conclure un
accord bilatéral pour la prévention de l'usage illicite et la
lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes, compte dûment tenu de leurs régimes constitutionnel,
juridique et administratif,
sont convenus des dispositions
suivantes :
Article 1 er
Les Parties s'engagent à
entreprendre des efforts conjoints et à coopérer pour la
réalisation de leurs programmes en matière de prévention
et de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes.
Les Parties remplissent leurs
obligations au titre du présent Accord dans le respect des principes de
non-ingérence dans les affaires intérieures et de respect de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale des Etats.
Article 2
Aux fins du présent Accord, on entend par stupéfiants et substances psychotropes les substances définies comme telles dans la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 telle qu'amendée par le Protocole du 25 mars 1972, dans la Convention sur les substances psychotropes du 21 février 1971 et dans la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988, toutes conclues dans le cadre des Nations unies.
Article 3
Aux fins du présent Accord, les
Parties entendent par « services nationaux
compétents » les organes officiels administratifs, autres que
les instances judiciaires, chargés, sur le territoire de chacun des
Etats concernés, de la lutte contre l'usage et le trafic illicites de
stupéfiants et de substances psychotropes et de la lutte contre le
blanchiment de capitaux, ainsi que leur
prévention.
Chaque partie contractante
fournit à l'autre, par voie diplomatique, la liste des services
nationaux compétents sur son territoire.
Article 4
Les services nationaux compétents coopèrent dans les domaines et dans les conditions prévus par le présent Accord, dans le respect de leur constitution et de leur législation nationales.
Article 5
Les services nationaux compétents coopèrent mutuellement dans le domaine spécifique de la police technique et scientifique et échangent des informations relatives à la production, à l'extraction, à la fabrication, à la détention, au transport et au commerce illégal de stupéfiants et de substances psychotropes.
Article 6
Les services nationaux compétents
échangent des informations relatives aux enquêtes sur le recyclage
et le transfert de capitaux provenant du trafic illicite de stupéfiants
et de substances psychotropes.
De même, ils se
prêtent l'assistance la plus large afin de prendre mutuellement
connaissance des textes législatifs et réglementaires applicables
sur leur territoire en matière de stupéfiants, des techniques
d'investigation et de formation du personnel.
Article 7
Les informations échangées par les services nationaux compétents ne peuvent être utilisées que dans le cadre de la coopération administrative prévue par le présent Accord. Ces informations bénéficient des mêmes mesures de protection en matière de confidentialité que celles qu'appliquent les Parties à leurs propres informations de même nature d'origine nationale.
Article 8
Les Parties cherchent à définir en commun des stratégies à adopter visant à prévenir l'usage illicite et à lutter contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.
Article 9
Des experts des services nationaux compétents se réunissent, au moins une fois par an, afin d'établir le bilan de leur coopération et d'étudier les modalités de leurs actions futures dans le domaine de la prévention.
Article 10
Les Parties encouragent les échanges de personnel entre les services nationaux compétents visés à l'article 3 pour pouvoir étudier les techniques spécialisées utilisées dans l'autre Etat et améliorer ainsi leur action en matière de prévention de l'usage illicite et de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.
Article 11
Les services nationaux compétents
se communiquent, spontanément ou sur demande, les renseignements dont
elles disposent sur les trafics illicites de stupéfiants et de
substances psychotropes existants ou projetés présentant ou
semblant présenter un intérêt en raison de la provenance,
des quantités, du mode et du circuit d'acheminement de ces produits, des
moyens ou des méthodes nouveaux de fraude ou encore de la
nationalité des individus impliqués dans ces
trafics.
Les services nationaux compétents,
afin de collaborer efficacement sur le plan opérationnel, se
communiquent dans les meilleurs délais les informations utiles relatives
aux trafics en cours ou projetés.
Les
services nationaux compétents procèdent également,
à la demande de l'un d'entre eux, à des échanges
d'échantillons de produits stupéfiants dans le respect de leurs
législations nationales.
Article 12
Les Parties s'engagent à utiliser la méthode des livraisons surveillées, recommandée par la Convention des Nation unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, quand elles le jugent nécessaire et le plus souvent possible, dans le respect de leurs législations respectives.
Article 13
Dans le cadre de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et les Etats-Unis mexicains pour le contrôle des précurseurs et de substances chimiques utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes, les Parties s'entendent pour échanger toutes informations utiles en la matière et pour procéder à des opérations de livraisons surveillées dès qu'elles le jugent nécessaire.
Article 14
Les dispositions du présent Accord n'empêchent pas les Parties de promouvoir d'autres formes de coopération en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, notamment par l'intensification de la collaboration déjà existante dans le cadre des organisations internationales.
Article 15
Chacune des Parties notifiera à
l'autre, par la voie diplomatique, l'accomplissement des procédures
internes requises pour l'entrée en vigueur du présent Accord qui
prendra effet le premier jour du deuxième mois suivant la date de
réception de la dernière
notification.
Toute modification au présent
Accord entrera en vigueur conformément aux dispositions de
l'alinéa premier du présent
article.
Le présent Accord est conclu pour
une durée illimitée ; cependant l'une quelconque des Parties
peut le dénoncer, moyennant notification écrite adressée
à l'autre Partie par voie diplomatique, 3 mois avant la date
à laquelle elle souhaite le voir
s'interrompre.
Fait à Paris le 6 octobre
1997, en deux exemplaires, en langues française et espagnole, les deux
versions faisant également foi.
Pour le Gouvernement
de la République
française :
Hubert Védrine,
Ministre
des affaires étrangères
Pour le Gouvernement
des
Etats-Unis du Mexique :
Jorge Madrazo
Cuellar,
Procureur général
de la
République
TCA 97-147. - Imprimerie des Journaux officiels, Paris
550971470 - 001097
(cf. note 1)
NOTE (S) :
(1) TCA . - Imprimerie des Journaux officiels, Paris