EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023, les rebelles houthis, soutenus par l'Iran, ont multiplié les attaques en mer Rouge contre des navires civils et militaires, en affirmant agir par solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza.

Ces attaques visent indistinctement des navires de toutes nationalités, y compris des navires français. Elles constituent une grave menace pour la sécurité maritime, le commerce international et l'environnement. Elles mettent en danger des vies humaines. Elles entravent également l'acheminement de l'aide humanitaire au Yémen, pays ravagé par la guerre et la famine.

La mer Rouge est une voie de passage stratégique pour le transport de marchandises, notamment de pétrole, entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Elle représente plus de 10 % du trafic maritime mondial. Le détroit de Bab el-Mandeb, qui relie la mer Rouge au golfe d'Aden, est l'un des quatre points de passage les plus importants de la planète pour les pétroliers.

Depuis mi-novembre 2023, les rebelles houthis ont intensifié leurs attaques contre les navires commerciaux au moyen de drones et de missiles. Un pétrolier, le « Galaxy Leader », a ainsi été capturé à cette période et les 25 membres de son équipage sont toujours retenus en otage par les Houthis.

Après avoir été touché par des missiles lancés par des rebelles yéménites le 18 février 2024, le « Rubymar » a coulé le 2 mars 2024 au large du Yémen. Ce vraquier transportait 22 000 tonnes de phosphates et de sulfate d'ammonium. À ces engrais chimiques qui ont sombré dans la mer Rouge s'ajoutent 200 tonnes de mazout de propulsion et 80 tonnes de gazole.

Ainsi, les Houthis ne représentent pas seulement un danger pour la stabilité de la région et le commerce maritime mondial, ils pourraient également déclencher une catastrophe écologique.

En raison des menaces d'attaque et de détournement qui pèsent sur les navires commerciaux, plusieurs compagnies maritimes, dont la Mediterranean Shipping Company, la CMA CGM, la Maersk, la Hapag-Lloyd ou encore la BP, ont décidé de suspendre ou de détourner leurs navires de la mer Rouge. Sept des dix plus grandes compagnies maritimes du monde n'utilisent plus la mer Rouge, ce qui entraîne des coûts supplémentaires et des retards dans les livraisons.

Un trajet autour de la pointe sud de l'Afrique coûte aux transporteurs un million de dollars supplémentaire par navire, principalement en raison des dépenses de carburant plus élevées et d'un temps de parcours supérieur de 8 à 10 jours. Les coûts mondiaux de transport maritime pour un conteneur typique de 12 mètres ont atteint 3 786 dollars en février 2024, soit une augmentation de 90 % par rapport à l'année précédente, selon l'indice mondial des conteneurs Drewry. Pour le même conteneur voyageant de Shanghai en Chine à Rotterdam aux Pays-Bas, le coût a grimpé de 158 %, atteignant 4 426 dollars.

Le Fonds monétaire international (FMI) estimait en janvier que le nombre de bateaux transitant par le détroit de Bab el-Mandeb, l'entrée de la mer Rouge, au niveau de Djibouti et du Yémen, était en baisse de moitié par rapport à la même période l'année dernière. La route alternative du Cap de Bonne Espérance voit quant à elle sa fréquentation doubler, le nombre de navires commerciaux et de tankers qui l'empruntent ayant respectivement augmenté de 66 % et de 65 %. Certains ports de la pointe sud de l'Afrique sont en situation de tension du fait de l'augmentation inédite du trafic maritime. Par ailleurs, les navires qui viennent se ravitailler dans ces ports africains subissent l'augmentation de 15 % du prix d'un hydrocarbure nécessaire à leur fonctionnement, le combustible de soute, dont la demande a fortement augmenté dans le sud du continent africain.

Autre conséquence de la convergence partielle du trafic maritime mondial vers le Cap de Bonne Espérance : les risques de pollution marine qui s'accroissent à mesure que le nombre de bateaux naviguant dans la zone augmente.

Les répercussions économiques des tensions en mer Rouge se font sentir en particulier sur l'industrie européenne. Plus de 40 % du commerce entre le Vieux Continent et l'Asie transite par la mer Rouge. Ainsi, en Allemagne, l'usine Tesla a été contrainte de fermer quelques jours en raison de problèmes d'approvisionnement. En Belgique, le même problème a touché l'usine Volvo.

Si la navigation en mer Rouge n'est pas sécurisée dans un avenir proche, il est à craindre que de nouvelles répercussions sur notre industrie et notre économie européennes voient le jour, alors qu'elles ont déjà subi les conséquences d'une crise énergétique résultant de la guerre en Ukraine.

Face à cette situation, l'Union européenne a lancé le 19 février 2024 une opération de sécurité en mer Rouge appelée « Aspides » contre les attaques houthies, visant à protéger le transport maritime essentiel à l'économie européenne. Un premier bilan deux mois après son lancement a démontré que cette opération avait déjà permis d'escorter 68 navires et de repousser onze attaques des rebelles houthis. Les États-Unis ont également formé une coalition de 20 pays pour sécuriser la mer Rouge contre les attaques houthies. La France fait partie intégrante de cette coalition et c'est à ce titre qu'elle a déployé, tout comme ses alliés, des navires de guerre en mer Rouge, dont la frégate « Languedoc ». Le but de ces navires est d'intercepter les missiles et les drones lancés par les Houthis et d'escorter les navires commerciaux. Les pays de la coalition, dont la France, ont également condamné les attaques des Houthis et appelé à une désescalade du conflit.

Cette désescalade apparaît d'autant plus nécessaire au vu du caractère protéiforme du conflit qui se déroule en mer Rouge.

En plus de l'épisode de pollution qu'il a créé, le naufrage du « Rubymar » a également endommagé trois câbles sous-marins nécessaires au fonctionnement du trafic internet mondial. Plus de 99 % des données mondiales transitent par le biais de câbles sous-marins. Ceux qui sont enfouis en mer Rouge assurent 17 % du trafic internet mondial, dont une grande partie concerne les communications entre l'Europe et l'Asie.

Ce conflit ne doit pas passer au second plan d'une actualité géopolitique chargée, car il met en péril la paix mondiale et la sécurité internationale.

À ce sujet, les allers-retours du « Behshad » en mer Rouge ont été un sujet d'interrogation pendant de longs mois. Relativement statique depuis 2021, il s'est positionné en janvier 2024 à une centaine de kilomètres du port de Djibouti selon le service de renseignement maritime MariTrace. Cette activité soudaine du « Behshad » faisait planer le soupçon d'un soutien direct de l'Iran aux Houthis, en ce que le navire aurait été positionné de manière à pouvoir alerter les rebelles yéménites sur l'état du trafic maritime.

L'ambassadeur iranien à l'Organisation des Nations unies, M. Amir SAIED IRAVANI, avait déclaré que le « Behshad » avait été déployé en mer Rouge pour lutter contre les activités de piraterie et que ce navire ne fournissait aucun renseignement aux rebelles houthis.

Bien que le navire soit rentré en Iran depuis, les frappes n'ont pas cessé. Le 21 août 2024, les Houthis ont attaqué un nouveau pétrolier, le « Sounion » chargé de 150 000 tonnes de pétrole brut irakien. C'est quatre fois plus que ce que transportait l'« Exxon Valdez » qui avait provoqué en Alaska en 1989 une marée noire sans précédent. Il a été remorqué avec succès en lieu sûr sans aucun déversement de pétrole, mais la perspective d'une catastrophe écologique reste un danger tant que les heurts en mer Rouge n'auront pas cessé.

Par ailleurs, les exactions des Houthis mettent en péril la sécurité régionale comme en témoigne le missile tiré le samedi 28 septembre 2024 sur l'aéroport Ben Gourion, au lendemain de l'élimination par l'armée israélienne d'Hassan NASRALLAH, chef du Hezbollah libanais. Les Houthis ont affirmé que la mort d'Hassan NASRALLAH renforcera leur détermination à attaquer Israël, risquant d'enflammer encore davantage le Proche-Orient, dont le conflit menace plus que jamais de prendre le chemin d'une guerre totale. En réponse, Israël a mené dès le lendemain des frappes aériennes dans l'ouest du Yémen, faisant quatre morts et 33 blessés.

Outre ses conséquences économiques et écologiques effectives et potentielles, le conflit qui se déroule en mer Rouge s'inscrit dans le contexte géopolitique de crise que connaît actuellement le Proche-Orient. Soutenus par l'Iran, les Houthis agissent avec le Hezbollah au sein de « l'Axe de résistance » mené par la République islamique iranienne contre Israël et ses alliés.

Ainsi, face aux risques que présentent ces attaques en mer Rouge, et face au spectre d'un embrasement et d'une généralisation du conflit au Proche-Orient et au-delà, il est urgent de trouver une issue diplomatique à cette situation.

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