EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La Commission européenne a présenté, le 14 juillet 2021, le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », qui vise à mettre en oeuvre la « loi européenne sur le climat » 1 ( * ) .
Cette « loi européenne sur le climat », élément phare du pacte vert pour l'Europe, s'inscrit en pleine cohérence avec les objectifs de l'Accord de Paris de 2015. Pour la première fois, un règlement européen fixe un objectif climatique contraignant et ambitieux à l'échelle de l'Union : atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050. Dans ce but, il rehausse de 40 % à 55 % l'objectif de réduction nette des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990, ce qui a donné lieu à de nombreux débats avec certains États membres, notamment la Pologne. Le règlement affirme également la volonté de l'Union d'augmenter les absorptions de gaz à effet de serre par les puits de carbone.
Le graphique qui suit montre l'inflexion de la trajectoire qui résulte du relèvement de l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.
Évolution de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre liée aux scénarios de relèvement de l'objectif de l'Union européenne à l'horizon 2030
Source : Commission européenne, étude d'impact accompagnant la communication relative à un niveau plus élevé d'ambition climatique pour l'Europe, 17 septembre 2020
Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » tire les conséquences opérationnelles de la « loi européenne sur le climat » : il propose ainsi de réviser et d'actualiser la législation de l'Union ainsi que de mettre en place de nouvelles initiatives pour veiller à ce que les politiques de l'Union soient conformes aux objectifs climatiques arrêtés par le Conseil et le Parlement européen.
Il comprend ainsi des propositions législatives et initiatives interdépendantes concernant :
• la révision du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l'UE, y compris son extension au transport maritime, la révision des règles relatives aux émissions de l'aviation et la mise en place d'un système distinct d'échange de quotas d'émission pour le transport routier et les bâtiments ;
• la révision du règlement sur la répartition de l'effort en ce qui concerne les objectifs de réduction des États membres dans les secteurs ne relevant pas du SEQE de l'UE ;
• la révision du règlement relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) ;
• la révision de la directive sur les énergies renouvelables ;
• la refonte de la directive sur l'efficacité énergétique ;
• la révision de la directive sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs ;
• la modification du règlement établissant des normes d'émission de CO2 pour les voitures et les camionnettes ;
• la révision de la directive sur la taxation de l'énergie ;
• le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ;
• l'initiative ReFuelEU Aviation pour l'utilisation de carburants durables dans l'aviation ;
• l'initiative FuelEU Maritime, pour un espace maritime européen vert ;
• le fonds social pour le climat.
La stratégie de l'Union européenne pour les forêts à l'horizon 2030 a été présentée en même temps que ce train de mesures.
Le graphique suivant présente l'architecture d'ensemble du paquet.
Architecture d'ensemble du paquet « Ajustement à l'objectif 55 »
De nouvelles propositions ont été présentées, le 15 décembre 2021, pour compléter ou renforcer les mesures contenues dans le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » :
• la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments ;
• le nouveau cadre européen pour décarboner les marchés du gaz, promouvoir l'hydrogène et réduire les émissions de méthane.
Ø Un paquet qui aura des conséquences majeures et très concrètes
L'impact des nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre aura un impact majeur et très concret sur les ménages et les entreprises, la Commission européenne évoquant une « transformation radicale ».
Cet effort suppose un volume massif d'investissement, ainsi que l'a souligné Mme Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, à l'occasion de la réunion des présidents de la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union européenne (COSAC) au Sénat, le 14 janvier 2022. Elle a ainsi relevé l'importance du plan de relance européen pour financer la transition écologique mais a aussi pointé l'ampleur des besoins complémentaires, estimant que « la transition écologique demandera[it] des investissements supplémentaires de 520 milliards d'euros par an d'ici à 2030 par ailleurs ».
Sur un autre plan et à un échelon national, l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) met en avant l'écart entre les dépenses de l'Etat en faveur du climat au cours des dernières années et celles qui devraient être déployées pour atteindre les nouveaux objectifs : la marche est considérable, comme le montre graphique suivant.
Investissements de l'État favorables au climat : estimation des besoins additionnels futurs
Source : I4CE, Climat : retour sur 10 ans de dépenses de l'État - les défis pour le prochain quinquennat, juin 2021
Ces différents éléments conduisent à souligner les enjeux budgétaires et financiers, ainsi que ceux liés à l'accompagnement de cette transition sur les plans économique, social et territorial.
Ø Un paquet complexe à négocier et au coeur de l'agenda de la présidence française du Conseil de l'Union européenne
L'interdépendance des textes et le caractère transversal du paquet rendent particulièrement complexe la conduite des négociations, engagées sous présidence slovène du Conseil.
Cette interdépendance interne au paquet se double de ramifications externes. Un seul exemple : les ressources liées à l'extension du champ du système d'échange de quotas d'émissions et au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières font partie des nouvelles ressources propres, proposées par la Commission européenne, le 23 décembre 2021.
Ce paquet est au coeur de l'agenda législatif de la présidence française du Conseil, au premier semestre 2022. L'objectif de la présidence française est, en effet, de poursuivre les négociations en vue d'aboutir à des orientations du Conseil en fin de semestre. Le Parlement européen a également pour objectif d'adopter ses positions d'ici l'été 2022. La phase de trilogues pourrait alors débuter sous présidence tchèque du Conseil.
Ø Une démarche coordonnée des commissions compétentes du Sénat
L'importance des enjeux et le calendrier d'examen du paquet ont conduit la commission des affaires européennes, la commission des affaires économiques ainsi que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable à désigner des rapporteurs 2 ( * ) et à mettre en place une démarche de concertation ad hoc afin de permettre au Sénat d'adopter une position avant la suspension des travaux parlementaires, liée à la tenue de l'élection présidentielle, puis des élections législatives.
De nombreuses auditions ont été menées par les rapporteurs et des déplacements à Bruxelles ont été effectués. Des débats, dont les comptes rendus sont disponibles sur le site Internet du Sénat, ont été organisés devant la commission des affaires européennes le 19 janvier, devant la commission des affaires économiques le 25 janvier, puis le 23 février, et devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le 26 janvier, puis le 23 février.
Cette démarche concertée, qui souligne la nécessité d'un engagement politique fort sur ce dossier essentiel, a permis d'aboutir, le 24 février, à une réunion conjointe des trois commissions, à l'issue de laquelle la proposition de résolution européenne qui suit a été déposée.
Cette proposition de résolution européenne affiche un cap clair : ambitieux dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, dans la droite ligne de l'Accord de Paris ; exigeant vis-à-vis de l'Union européenne pour qu'elle assume pleinement son rôle de fer-de-lance de la lutte contre le changement climatique à l'échelle mondiale et qu'elle prenne en compte l'impact de ces mesures sur ses partenaires ; attentif aux conséquences sociales, économiques, financières et territoriales du paquet, qui nécessiteront un accompagnement à la hauteur des enjeux ; réaliste dans ses modalités de mise en oeuvre afin que la transition climatique soit juste, socialement acceptable et conforme à l'intérêt européen.
* 1 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 («loi européenne sur le climat»).
* 2 Pour la commission des affaires européennes : Jean-François Rapin, président de la commission, Marta de Cidrac, Claude Kern, Daniel Gremillet, Pascale Gruny, Jean-Michel Houllegatte, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Dominique de Legge et Didier Marie ; pour la commission des affaires économiques : Dominique Estrosi-Sassone et Daniel Gremillet ; pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : Guillaume Chevrollier et Denise Saint-Pé.