EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les assassinats de Samuel Paty le 16 octobre 2020 et de Dominique Bernard le 13 octobre 2023 ont choqué la France et révélé au grand jour les pressions, menaces et agressions dont les enseignants et les personnels de l'éducation nationale sont victimes au quotidien.
Les travaux de la mission d'information commune lancée par la commission des lois et la commission de la culture, dotée des pouvoirs d'enquête, ont souligné la violence endémique qui sévit dans de nombreux établissements. Les chiffres recueillis à cette occasion en témoignent : deux tiers des établissements secondaires ont déclaré un incident grave au cours de l'année scolaire 2021-2022. Quant aux enseignants, 58 500 déclarent avoir été menacés, 17 200 avoir été bousculés intentionnellement ou victimes de violence et 900 avoir été menacés avec une arme au cours de l'année scolaire 2019-2020. La violence contre les personnels de l'éducation nationale constitue désormais une anormalité dans la normalité. Les témoignages d'enseignants recueillis par la mission soulignent le développement d'un sentiment de peur dans l'exercice de leurs métiers : le passage à l'acte violent par un élève ou un parent d'élève - au-delà des menaces verbales -, que ce soit pour une note attribuée, une remarque faite ou le contenu d'un cours, est désormais perçu comme une éventualité.
Alors que la mission première de l'école, « outre la transmission des connaissances », est, depuis la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, « de faire partager aux élèves les valeurs de la République », les cas de contestations des enseignements augmentent ces dernières années tout comme les cas de remises en cause des principes et des valeurs de la République. Si certains territoires sont plus concernés que d'autres, tous les établissements scolaires peuvent être confrontés à ces difficultés. C'est l'école de la République - creuset de la Nation - qui est attaquée.
Face à ce constat, la mission d'information commune a formulé 38 recommandations pour protéger l'école et ses personnels ainsi que pour restaurer l'autorité de l'institution scolaire. Six d'entre elles sont de nature législative et font l'objet de la présente proposition de loi.
L'article premier vise à recentrer le contenu de l'enseignement moral et civique sur la formation aux valeurs et aux principes de la République, dont la laïcité, ainsi que sur la connaissance des institutions et la compréhension des enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux. Se caractérisant par un programme pléthorique, aux thématiques confuses et disparates - mais qui paradoxalement omet de traiter du fonctionnement de la vie démocratique -, cet enseignement a perdu sa vocation première : apporter un socle commun de connaissances au futur citoyen.
La loi de 2004 sur l'interdiction du port de signes et tenues religieux ostentatoires dans les établissements scolaires publics a permis de clarifier le droit en ce domaine. Ce texte n'a toutefois pas permis de définir un cadre juridique pour toutes les zones grises, notamment les activités organisées par l'école en dehors du temps scolaire. Par cohérence avec l'esprit de la loi de 2004, l'article 2 étend par conséquent l'interdiction du port de signes ou de tenues religieux ostentatoires à toute activité organisée par l'institution scolaire.
L'article 3 vise à renforcer la responsabilisation des parents face aux comportements répétés des enfants qui perturbent le fonctionnement de l'établissement. Tout comme l'assiduité scolaire, le respect du fonctionnement et de la vie collective de l'établissement fait partie des devoirs de l'élève.
L'article 4 rend automatique, dans un délai d'un jour franc, l'octroi de la protection fonctionnelle pour les personnels de l'éducation nationale victimes de violences, menaces ou outrages du fait de leurs fonctions. Les travaux de la mission d'information ont montré que l'administration octroie la protection fonctionnelle dans des délais souvent peu compatibles avec le besoin urgent de protection (29 jours en moyenne en 2022).
L'article 5 permet à l'administration de déposer plainte en lieu et place d'un personnel de l'éducation nationale avec son accord. Cette disposition reprend l'une des mesures du plan de protection des agents publics annoncé par Stanislas Guérini, alors ministre de la transformation et de la fonction publiques en septembre 2023 mais qui n'a toujours pas connu de traduction législative.
L'article 6 prévoit une information de l'autorité académique et du chef d'établissement de la mise en examen ou de la condamnation pour terrorisme d'un élève scolarisé ou ayant vocation à l'être. Il reprend une disposition adoptée par le Sénat dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de François-Noël Buffet instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste.
L'article 7 assure enfin la recevabilité financière de la proposition de loi.