EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plusieurs décennies, l'usage détourné du protoxyde d'azote - plus communément qualifié de « gaz hilarant » ou « proto » - se répand au profit d'une consommation récréative dont la dangerosité est hélas trop connue. Les risques neurologiques, psychiatriques, hématologiques ou cardiovasculaires ont d'ailleurs poussé certains pays à donner à ce gaz le statut de drogue afin de balayer toute forme d'ambiguïté dans sa consommation.
La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) nous avertit régulièrement sur les dangers encourus par les usagers. Certains sont immédiats : asphyxie par manque d'oxygène, perte de connaissance, brûlure par le froid du gaz expulsé, désorientation, vertiges, chutes notamment. D'autres sont liés à des cas de consommations répétées et à intervalles rapprochés et/ou à fortes doses : de sévères troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques ou cardiaques, pertes de mémoire, hallucinations, troubles moteurs, convulsions, détresse respiratoire pouvant provoquer la mort, troubles psychiques (addiction) et atteintes neurologiques pouvant être sévères, dont des paralysies persistantes, peuvent survenir.
Selon les chiffres publiés par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour l'année 2021, le nombre de cas graves déclarés aux centres d'addictovigilance a été multiplié par 3 en un an, passant de 82 cas en 2020 à 265 cas en 2021.
En 2021, 47 % des signalements aux centres d'addictovigilance pour lesquels cette information est disponible mentionnent une consommation quotidienne contre 34 % en 2020, soit une augmentation de + 13 points. Enfin, 80 % des cas déclarés aux centres d'addictovigilance mentionnent des complications neurologiques en 2021.
Initiée par le Sénat, la loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote a constitué un premier pas significatif dans la lutte contre les dangers induits par l'usage détourné de ce gaz dit « hilarant ». Toutefois, les chiffres de l'ANSM restent alarmants et témoignent d'une occultation par cette loi d'une grande partie des consommateurs réguliers.
En effet, la moyenne d'âge des consommateurs est de 22 ans. De surcroît, malgré l'interdiction de vente aux mineurs, la proportion de mineurs parmi les cas rapportés en 2021 reste importante : 11,2 % pour les cas déclarés aux centres d'addictovigilance et 16,6 % pour les cas déclarés aux centres antipoison.
Face à cette situation, plusieurs pays européens ont décidé de prendre des mesures radicales. Depuis le 1er janvier 2023, le gouvernement hollandais a interdit la possession et la vente de protoxyde d'azote. Le gouvernement britannique a annoncé en mars son interdiction.
En France, le texte adopté le 25 mai 2021 par le Parlement pour lutter contre l'usage détourné du protoxyde d'azote et protéger les jeunes ne semble pas faire régresser cette pratique plus en plus répandue. Si, de manière salutaire, cette loi a permis l'interdiction de la vente de gaz hilarant aux mineurs, elle connaît hélas certaines limites au regard des usages actuels.
Aujourd'hui, il est possible d'acheter chez divers revendeurs, allant du magasin de proximité à des fournisseurs en ligne ultra-mondialisés, du protoxyde d'azote sans qu'aucune justification de majorité ne soit requise. Dans les faits, les sanctions et contrôles restent faibles et le protoxyde d'azote peut toujours être acheté en grande quantité et à bas coût, d'autant que ces ventes se réalisent également via les réseaux sociaux, dont la régulation est insuffisante, voire inexistante. C'est pourquoi la loi actuelle doit être renforcée afin de lutter contre l'usage détourné du protoxyde d'azote.
Modifiant les articles L. 3611-1 à L. 3611-3 du code de la santé publique, l'article 1er propose une série de mesures concrètes contre les usages détournés du protoxyde d'azote. Ces dispositions permettraient :
- de sanctionner expressément la consommation détournée du protoxyde d'azote ;
- d'interdire la détention par les mineurs de toute forme de contenant de protoxyde d'azote ;
- de renforcer le quantum de peine en cas de vente de protoxyde d'azote à un mineur ;
- de renforcer significativement l'encadrement de la vente de protoxyde d'azote en la conditionnant à une autorisation administrative, en l'interdisant la nuit et en prévoyant un suivi efficace des produits ;
- de renforcer la prévention des dangers liés à l'usage détourné du protoxyde d'azote à travers l'inscription d'un avertissement sur chaque unité de conditionnement ;
- de sanctionner le dépôt ou l'abandon sur la voie publique de toute forme de contenant de protoxyde d'azote.
L'article 2 propose d'inscrire explicitement l'information sur les dangers liés à l'usage détourné du protoxyde d'azote parmi les sujets devant être abordés à l'occasion des séances de prévention des conduites addictives, organisées dans les collèges et les lycées.