EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le pouvoir d'achat demeure la priorité des Français.

Ces dernières années, sous les coups de l'inflation et en l'absence d'une véritable politique salariale, la France s'est « smicardisée ». Alors qu'en 2021, 12 % des travailleurs étaient payés au SMIC, ils sont aujourd'hui 17,3 %. La France compte ainsi, en ce début d'année, 3,1 millions de salariés payés au SMIC dont 58 % de femmes travaillant dans des secteurs économiques essentiels.

Cette France condamnée aux petits salaires, c'est le résultat d'une politique économique sciemment mise en oeuvre par les gouvernements successifs reposant sur l'exonération de cotisations sociales sur les bas revenus et le refus d'indexer l'ensemble des salaires sur l'inflation.

Les prix flambent et la situation devient insupportable pour nos concitoyennes et nos concitoyens qui se voient contraints de débourser des sommes de plus en plus exorbitantes pour subvenir à leurs besoins vitaux tels que l'énergie, les carburants et surtout la nourriture. Avec ces augmentations galopantes, 18 % des ménages vivent continuellement à découvert et 31 % de nos concitoyens sautent des repas parce qu'ils n'ont pas les moyens pour les payer. Cette situation est inacceptable !

Les travailleuses et les travailleurs veulent voir leur pouvoir d'achat augmenter et vivre dignement de leur salaire.

Une inflation qui ampute le pouvoir d'achat de l'ensemble des salariés

Selon une publication du 23 octobre 2024, l'Insee affirme que les salaires ont décroché avec l'inflation ces dernières années. Le salaire net moyen a diminué de - 0,8 % en euros constants en 2023, après -1,0 % en 2022. Toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées par la baisse des salaires réels. Cette baisse est plus prononcée chez les cadres, avec une diminution de 2,8 %. Les ouvriers et les employés ont été un peu mieux protégés, les baisses étant respectivement de 0,3 % et 0,5 %, grâce aux augmentations du SMIC indexées sur l'inflation.

Dans la fonction publique, depuis la fin de l'indexation du point d'indice sur l'inflation, en 1983, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a chuté. Le recrutement, dans des secteurs comme la santé, la protection de l'enfance ou l'enseignement, est de plus en plus difficile face au manque d'attractivité de ces métiers.

Entre 2013 et 2020, le salaire moyen net du secteur public a augmenté deux fois moins que pour le secteur privé. Une part de plus en plus importante des premiers échelons des catégories B et C est rémunérée au SMIC. Les dernières revalorisations (1,5 % en juillet 2023 après 3,5 % en juillet 2022) sont bien en dessous de l'inflation.

Selon la 18ème édition du baromètre de la pauvreté et de la précarité Ipsos/Secours Populaire, deux Français sur cinq disent désormais avoir traversé « une période de grande fragilité financière » au moins à un moment de leur vie. Jamais ce niveau n'a été aussi élevé depuis le pic enregistré en 2013.

Le niveau de difficulté est tel qu'au total, 62 % des Français déclarent avoir connu la pauvreté ou avoir été sur le point de la connaître, soit 4 points de plus qu'en 2023.

Cette fragilité financière touche en premier lieu les catégories populaires. Ainsi, 80 % des ouvriers déclarent « avoir connu la pauvreté ou avoir été sur le point de la connaître », un niveau en progression de 6 points en un an. Parmi les personnes vivant dans les communes rurales, zones où la population est constituée d'une part importante d'ouvriers et d'employés, le niveau monte à 69 %.

L'urgence d'indexer les salaires sur l'inflation

L'inflation n'est pas conjoncturelle mais structurelle : son ampleur impose des mesures structurelles. Même si l'inflation a diminué en 2024 à 2,5 %, après une inflation de 5,2 % en 2022 et 4,9 % en 2023, l'inflation est estimée par la Banque de France à 1,6 % pour l'année 2025.

L'indexation des salaires sur l'inflation garantit les revenus des travailleuses et travailleurs face à la hausse des prix. Ce mécanisme d'échelle mobile des salaires, protecteur et efficace, a déjà existé en France entre 1952 et 1983, lorsqu'il a été abandonné au moment du « tournant de la rigueur ».

L'indexation des salaires sur l'inflation permet au contraire de rehausser la part des salaires dans la valeur ajoutée et de donner de la visibilité aux ménages pour se projeter, non plus survivre, mais vivre. Chez nos voisins européens, comme à Malte, au Luxembourg et en Belgique, l'indexation est actuellement en vigueur. L'exemple belge montre l'efficacité de cette mesure.

La recherche permanente de la baisse du « coût » du travail a ainsi considérablement appauvri les salariés et creusé les inégalités dans la société. L'indexation des salaires est une revendication soutenue extrêmement majoritairement par les Français (selon un sondage IFOP - 87 % des Français sont favorables à l'indexation des salaires sur l'inflation).

Le présent texte ambitionne de mieux répartir la richesse entre le capital et le travail. Les politiques de baisse du « coût du travail » menées depuis plus de 40 ans ont laminé les bases du financement de la sécurité sociale en privilégiant la rémunération du capital contre le développement de l'emploi et des salaires.

Précarisation de l'emploi et pression sur les salaires exigées par la finance qui a mis la main sur les gestions d'entreprises, se sont traduites par un assèchement lent des recettes de cotisations sociales de la sécurité sociale. Ces politiques ont réduit la part des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale. Le prélèvement sur la richesse produite dans l'entreprise, les cotisations sociales, ne représente plus que 50 % des 662 milliards d'euros de recettes.

En revanche, en compensation, ces politiques ont mis à contribution les ménages par la fiscalité. L'impôt sur les revenus des ménages qu'est la CSG représente 120 milliards d'euros aujourd'hui, en plus des 185 milliards d'euros de taxes et impôts sur la consommation des ménages qui sont affectés directement à la sécurité sociale pour compenser les exonérations de cotisations sociales.

La grille mobile des salaires aura ainsi pour objectif de stopper la perte continue de pouvoir d'achat des salariés, dans le privé comme dans le public.

Nous proposons de conditionner les réductions générales de cotisations patronales sur les bas salaires dites « allègements Fillon » au respect de l'augmentation annuelle des salaires, a minima, au niveau de l'inflation constatée. L'objectif est de soutenir les petites et moyennes entreprises en minorant les exonérations de cotisations sociales qui pèsent 27 milliards d'euros chaque année.

Enfin, pour tenir pleinement sa fonction de justice sociale, l'échelle mobile des salaires doit être rétablie pour qu'il n'y ait plus aucun salaire minimal de branches professionnelles en-deçà du SMIC.

C'est pourquoi le rétablissement de l'échelle mobile des salaires doit aller de pair avec une négociation collective annuelle par branche permettant de remettre à niveau l'ensemble des minima de branche. Une telle négociation annuelle devra permettre de corriger, enfin, les inégalités salariales insupportables entre les femmes et les hommes.

Cette proposition de loi prévoit donc 5 articles :

L'article 1er instaure une échelle mobile de tous les salaires dans le secteur privé. Les salaires devront, au minimum, augmenter comme l'indice national des prix à la consommation. Il est en outre proposé de supprimer l'article L. 3231-3 du code du travail, qui prévoit que « sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords ».

L'article 2 instaure, de manière identique, une échelle mobile des traitements de la fonction publique. La hausse du point d'indice est la variable à prendre en compte car elle touche à la fois les fonctionnaires de toutes les catégories mais aussi l'ensemble des contractuels.

L'article 3 vise augmenter la fréquence des négociations collectives concernant les salaires. Aujourd'hui, celles-ci doivent avoir lieu au moins une fois tous les quatre ans. Avec cet article, nous proposons que ces négociations se tiennent au moins une fois par an et que ces négociations permettent d'aligner les minima de branches au moins au niveau du SMIC, hors primes versées par l'employeur.

L'article 4 prévoit la minoration des exonérations de cotisations sociales des entreprises en fonction de l'augmentation annuelle des salaires, au minimum, au niveau de l'inflation.

L'article 5 est l'article de gage.

Partager cette page