EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Plus de 1 400 incendies ont été
comptabilisés entre 2010 et 2019 sur les centres de collecte, de tri et
de recyclage. Le Bureau d'Analyse des Risques et Pollutions Industriels
(BARPI)1(*) recense
autant d'accidents en l'espace de trois ans (2016-2019) que sur les quinze
années précédentes. L'accidentologie dans
le secteur des déchets est marquée par la
prépondérance de l'incendie, phénomène
accentué par les fortes chaleurs mais également les explosions
générées par des bouteilles de gaz, sorties de leur
circuit. Dans son inventaire 2023 des incidents et accidents technologiques,
paru
le 14 août 2024, le BARPI constate une augmentation notable du
nombre d'événements concernant les batteries au lithium,
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au total, presque le double de ceux recensés en 2022. 60 % des
événements liés aux batteries concernent les
filières déchets, où elles sont susceptibles de causer des
départs de feu. En parallèle, on constate dans l'espace public,
mais aussi sur les installations de gestion de déchets, la
multiplication de cartouches et bouteilles de protoxyde d'azote
abandonnées et traitées de manière inadéquate.
L'expansion des départs de feu liés aux
batteries au lithium et des explosions et les problèmes de gestion des
cartouches de protoxyde d'azote provoquent de vives réactions des
associations, de l'administration,
des riverains, des collectivités,
des assureurs ainsi que des exploitants d'installations de collecte, de gestion
de déchets et de leurs salariés. Les impacts environnementaux et
sanitaires sont particulièrement visibles et nocifs, en particulier avec
la présence de fumées d'incendie restant dans l'air durant
plusieurs jours. Les incendies et explosions engendrent également des
conséquences économiques pénalisantes. Par exemple, les
coûts des dégâts causés par les incendies dans les
centres de tri et de recyclage peuvent s'élever jusqu'à 1,3
million d'euros2(*) par
installation, voire plusieurs dizaines de millions d'euros selon la
gravité de l'incendie.
S'agissant des incendies, à leur origine se trouvent souvent les batteries lithium, omniprésentes dans notre quotidien depuis leur arrivée sur le marché en 1991. Elles se nichent désormais dans des objets à courte durée de vie et dont la consommation n'est pas toujours indispensable à la qualité de vie de nos concitoyens comme les cartes papier musicales ou les baskets lumineuses. La conception même des produits interroge, puisqu'il est impossible de retirer les batteries pour la majorité des produits commercialisés. Par conséquent, ces produits dorment en quantité chez les particuliers, qui ne savent pas toujours comment les trier et accumulent les appareils électroniques usagés stockés.
Si les acteurs du tri et du recyclage sont bien conscients des sources des départs de feu, il est nécessaire que la répartition des rôles soit mieux définie entre les producteurs de batteries et les industriels de la gestion des déchets et du recyclage. L'accroissement, ces dernières années, des incendies à cause des batteries au lithium augmente la sinistralité du secteur du recyclage. Les industries, en particulier les PME et TPE, en expérimentent l'impact sur leurs capacités d'investissement dans les innovations de tri et de recyclage, ainsi que leur capacité d'accroître la qualité des matières premières issues du recyclage (MPiR).
S'agissant des cartouches de protoxyde d'azote, elles constituent des déchets dangereux pouvant être à l'origine d'atteintes à l'environnement, lorsqu'elles ne sont pas collectées ou traitées selon des méthodes appropriées.
Employé dans la restauration, les services de médecine ou l'industrie, le protoxyde d'azote est de plus en plus utilisé comme drogue de substitution. Au-delà des risques provoqués sur la santé humaine, cette consommation croissante est à l'origine de dépôts sauvages ou d'erreurs de tri particulièrement dommageables. En effet, lorsqu'elles sont jetées dans des corbeilles de rue, avant d'être orientées vers des installations de traitement, les cartouches peuvent provoquer des dégâts considérables, en recrudescence dans les territoires : arrêt des installations - pour un coût de 150 000 euros en moyenne pour une unité de valorisation énergétique (UVE) (source : AMORCE) ; explosion dans les fours des UVE, conduisant à la réalisation de travaux de réparation, jusqu'à 500 000 euros par explosion ; mise en danger de la sécurité des personnels ; perturbation de l'approvisionnement en énergie des usagers raccordés au réseau de chaleur...
Lorsque ces cartouches sont collectées dans le cadre du service public de gestion des déchets (SPGD), les collectivités territoriales compétentes supportent des surcoûts importants, qui ne sont actuellement pris en charge par aucune filière de responsabilité élargie des producteurs (REP), telles que la REP emballages ou la REP sur les déchets dangereux (DDS). L'augmentation vertigineuse du nombre d'accidents recensés et la hausse des coûts de collecte et de traitement par les collectivités appellent donc une réaction déterminée et proportionnée. Tel est le sens de cette proposition de loi visant à appliquer le principe « pollueur payeur » à tous les producteurs de bouteilles et de cartouches de gaz, notamment de protoxyde d'azote.
Dans ce contexte, cette proposition de loi entend apporter des solutions pour prévenir et lutter contre les incendies dans les centres de tri et de recyclage et les atteintes à l'environnement plus généralement et permettre l'atteinte des objectifs environnementaux du gouvernement et assurer ainsi la préservation d'un environnement sain.
L'article 1er prévoit que les éco-organismes, dans le cadre de leur mission de prévention, prennent en charge la prévention et la sensibilisation aux bonnes pratiques de tri permettant de limiter les risques d'incendie lors de la collecte, le tri et le recyclage des déchets, notamment les déchets d'équipements électriques et électroniques. En effet, si les éco-organismes mènent régulièrement des campagnes « positives » sur les objets à trier et recycler, aucune sensibilisation de leur part n'existe pour alerter sur l'importance de collecter les piles et les batteries dans des circuits différenciés. Ainsi, des incendies se multiplient sur des installations non adaptées à recevoir ces batteries, telles que les installations de collecte et de traitement des emballages ménagers ou encore des déchets de jeux et jouets.
L'article 2 prévoit la création d'un fonds visant à répartir la charge économique liée aux erreurs de tri des piles et batteries entre les metteurs en marché, à travers le système de responsabilité élargie du producteur, et les entreprises de gestion de déchets. Ce fonds financé par les producteurs d'équipements électriques et électroniques et de piles et batteries ou les éco-organismes et systèmes individuels agréés aura ainsi pour vocation de prendre en charge la moitié des frais engendrés par les incendies causés par l'inflammation des batteries mal collectées ou impossibles à extraire.
L'article 3 prévoit l'application du principe « pollueur payeur » par l'intégration des cartouches de gaz de protoxyde d'azote au sein de la REP DDS. Cette intégration permettra tout d'abord d'identifier une source de financement de la collecte et du traitement pris en charge par les collectivités territoriales. Elle contribuera également à rendre un éco-organisme responsable de la communication tendant à prévenir l'abandon de cartouches dans des contenants inappropriés (notamment les corbeilles de rue). Elle permettra enfin que toutes les bouteilles et cartouches de gaz soient couvertes par une filière REP, dès lors que les bouteilles de gaz sont à ce jour soit sous la REP Bouteilles de gaz soumises à un mécanisme de consigne ; soit couvertes par la future REP DEIC, qui vise à couvrir les bouteilles de gaz dites « orphelines », qui ne sont pas consignées.
L'article 4 précise que la REP DDS devra prendre en charge les coûts de ramassage et de traitement des dépôts sauvages constitués de bouteilles et de cartouches de gaz.
* 1 Le BARPI dépend du ministère de la Transition écologique, au sein de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR).
* 2 EuRIC - The European Recycling Industries, la Confédération européenne de l'industrie du recyclage