EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2020, le Conseil d'État avait jugé que la rémunération des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) employés pendant la pause méridienne était à la charge des communes, plongeant nombre d'entre elles dans le désarroi (CE, 20 novembre 2020, n° 422248).

La loi n° 2024-475 du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, à l'initiative du sénateur Cédric Vial (Les Républicains), a permis de clarifier la situation des accompagnants d'élèves en situation de handicap et remédier à un système administratif kafkaïen aussi complexe à gérer pour les élus que source de désarroi pour les familles concernées. Elle sera mise en oeuvre dès la rentrée scolaire 2024.

En dépit de cette avancée significative, permise par la majorité sénatoriale, l'inclusion des élèves handicapés doit encore être améliorée.

Cette amélioration passe d'abord par l'extension de la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap.

Dans son avis n° 24-03 adressé à l'Assemblée nationale le 29 mars 2024, la Défenseure des droits considère en ce sens que la loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne comporte d'indéniables lacunes. Parmi elles, un point essentiel est occulté, à savoir « la prise en charge par l'État des frais d'accompagnement des élèves en situation de handicap sur l'ensemble des temps périscolaires sans distinction ».

De fait, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées favorise un changement de paradigme en posant le principe de la scolarisation de l'enfant handicapé en milieu ordinaire. En ce sens, l'article L. 111-1 du Code de l'éducation dispose : « L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation [...] veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction ».

Elle a été complétée par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qui vise à renforcer l'école inclusive et préciser l'application, à l'école, de l'égalité des chances.

S'agissant de l'accès des enfants en situation de handicap à l'éducation, le Conseil d'État relève : « le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et [...] le caractère obligatoire de l'instruction s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe à cet égard à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif » (CE, 30 décembre 2020, n° 423549).

Or, pour que l'égalité des chances soit effective, l'accueil des enfants en situation de handicap sur le temps périscolaire ne peut se limiter au seul temps méridien. Il doit s'étendre à tous les temps périscolaires afin que le droit à l'éducation comme à la scolarisation de l'enfant soit pleinement respecté.

Aussi la présente proposition de loi vise-t-elle à compléter le dispositif récemment amélioré en étendant la prise en charge par l'État de l'accompagnement des élèves en situation de handicap à l'ensemble des temps périscolaires.

Cette extension de la prise en charge au temps périscolaire, entendu comme les « heures qui précèdent et suivent la classe durant lesquelles un encadrement est proposé aux enfants scolarisés » (annexe 3 de la circulaire n° 2013-036 du 20 mars 2013, BO n° 12 du 21 mars 2013), se révèle nécessaire au regard de l'augmentation du nombre d'élèves en situation de handicap et des difficultés auxquelles les parents sont confrontés pour la prise en charge de leurs enfants.

De nombreux rapports et enquêtes ont démontré la persistance de ces difficultés pour les parents.

Ainsi en est-il notamment du rapport d'enquête n° 2178 de l'Assemblée nationale du 18 juillet 2019 sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, qui propose de « clarifier la responsabilité du financement de l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur les temps péri- et extra-scolaires en la mettant explicitement à la charge de l'État » (proposition n° 50).

Par ailleurs, le Défenseur des droits relève, dans le cadre de ses recommandations aux pouvoirs publics des évolutions législatives ou réglementaires, qu'en 2021, « 20 % des saisines du Défenseur des droits relatives aux droits de l'enfant relevaient des difficultés d'accès à l'éducation d'enfants en situation de handicap. La plupart de ces saisines concernent l'accompagnement des élèves en milieu scolaire. La Défenseure des droits déplore que l'accompagnement humain proposé via l'accompagnement d'élève en situation de handicap (AESH) ne soit pas suffisant malgré une demande en constante augmentation » (fiche réforme n° 6).

De fait, la prise en charge par l'État du seul temps de la pause méridienne ne saurait suffire à améliorer la situation « préoccupante » des enfants handicapés à l'école, laquelle avait notamment été dénoncée par le précédent Défenseur des droits, M. Jacques Toubon (Avis du Défenseur des droits n° 19-06). Elle ne saurait pas non plus suffire à résoudre le problème des parents - souvent, des mères - contraints à cesser d'exercer leur activité professionnelle parce que la prise en charge par l'école de leur enfant en situation de handicap se limite au temps scolaire.

L'amélioration de l'inclusion des élèves handicapés nécessite, ensuite, de parfaire les processus de notification des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) aux collectivités territoriales.

Au sein de ces maisons départementales des personnes handicapées, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) sont compétentes pour notifier l'aide humaine aux parents ainsi qu'aux organismes concernés. Or, la collectivité territoriale n'est pas destinataire de cette notification ; notification pourtant indispensable à l'organisation du service périscolaire et extrascolaire en amont de la rentrée.

À cela s'ajoute le problème de l'absence d'harmonisation des processus de notification des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), conduisant à des pratiques différenciées d'un département à l'autre. Or, cette difficulté, maintes fois soulevée, entraîne subséquemment une rupture d'égalité manifeste entre les différents territoires et in fine entre les enfants.

Cette proposition de loi a donc également pour objectif d'étendre l'obligation de notification d'aide humaine par les maisons départementales des personnes handicapées aux collectivités territoriales concernées ainsi qu'au ministère de l'Éducation nationale. Elle étend également cette obligation de notification aux établissements scolaires, ce qui s'avère indispensable s'agissant des établissements privés sous contrat, responsables de l'organisation de leur temps périscolaire.

L'article 1er intègre parmi les compétences de l'État dans le cadre de l'administration de l'éducation la prise en charge de l'aide humaine sur l'ensemble des temps périscolaires.

L'article 2 modifie les dispositions spécifiques relatives aux accompagnants des élèves en situation de handicap en prévoyant une prise en charge de ces derniers par l'État pour l'ensemble des temps périscolaires.

L'article 3 complète les dispositions du code de l'éducation relatives à la scolarité des enfants et adolescents en situation de handicap ou présentant une maladie chronique ou de longue durée, en prescrivant une obligation de notification d'aide humaine par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées au ministère de l'Éducation nationale, à la collectivité territoriale comme à l'établissement scolaire concerné pour la gestion du temps périscolaire des enfants en situation de handicap.

L'article 4 constitue le gage financier de cette proposition de loi.

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