EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le livre de M. Victor CASTANET « Les fossoyeurs » a provoqué une véritable déflagration dans notre pays. La financiarisation dans le domaine de la santé et en particulier dans celui des Ehpad est apparue dans toute sa crudité, voire sa sauvagerie. Les financiers se sont ainsi lancés, depuis de nombreuses années, dans une recherche effrénée du profit. Cette recherche de « l'or gris » n'a été possible que parce que l'État n'a pas joué son rôle de protection de nos concitoyens les plus âgés, les plus fragiles.

Au-delà même du scandale ORPEA, on observe la place croissante des groupes privés dans le secteur des EHPAD. Entre 1986 et 2015, le nombre de places en établissements médico-sociaux médicalisés s'est accru de 85 % ; sur la même période, le nombre de places dans le secteur privé lucratif s'est accru de + 560 %.

La prise en charge des personnes âgées est malheureusement de plus en plus un secteur économique comme les autres avec une emprise croissante des fonds de capital investissement. Les cinq plus grands groupes français sont détenus par des fonds de capital investissement. Les pouvoirs publics ont été pris de court par cette financiarisation du secteur. Pour rappel : le fondateur d'ORPEA a plus de 1 milliard d'euros de patrimoine et les plus grands groupes français d'EHPAD privés sont dans le top 500 des plus grandes fortunes françaises.

Certes, depuis le scandale ORPEA et la crise sanitaire de 2019, la recherche de « l'or gris » s'est parfois transformée en « plomb », mais il est plus que jamais nécessaire de réguler les superprofits qui perdurent dans le secteur des Ehpad privés à but lucratif.

Le modèle économique des EHPAD repose en grande partie sur de l'argent public : sommes versées directement aux EHPAD par les Agences Régionales de Santé pour les soins et par les conseils départementaux pour la dépendance.

En France, il n'y a pas de liberté d'installation des EHPAD, l'État agrée l'ouverture de structures en fonction des besoins des populations. Cet agrément est totalement gratuit alors même que les subventions publiques annuelles représentent environ 40 % du chiffre d'affaires des EHPAD privés à but lucratif.

Il est donc totalement logique de taxer les superprofits réalisés par les Ehpad privés lucratifs. Sont assujettis à cette nouvelle taxation les Ehpad privés lucratifs dont la rentabilité financière dépasse un certain seuil. La rentabilité financière est calculée en divisant le résultat net par les capitaux propres d'une entreprise. Elle permet d'apprécier quel bénéfice est dégagé pour chaque euro investi dans une entreprise par les actionnaires.

Le seuil de déclenchement de cette nouvelle taxation des Ehpad privés lucratifs est fixé au taux de 10 % de rentabilité financière. Les données de la Banque de France et de l'INSEE indiquent que la rentabilité financière des PME était en 2021 de 11,5 %, celle des entreprises de taille intermédiaire (ETI) de 8,3 % et celle des grandes entreprises de 11,2 %. Une rentabilité de 10 % peut être considérée comme satisfaisante et suffisante pour des entreprises à vocation sociale.

Pour plus de simplicité, la taxation prend la forme d'une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, impôt dont le taux de droit commun est aujourd'hui fixé à 25 % en application de l'article 219 du code général des impôts.

Cette contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés est progressive avec deux tranches : pour la première tranche, la contribution est égale à 20 % du montant de l'impôt sur les sociétés acquitté par l'Ehpad privé à but lucratif lorsque le résultat net de l'établissement est supérieur à 10 % du montant des capitaux propres de l'entreprise. Ce taux est porté à 30 % en cas de rentabilité supérieure à 15 %.

Le produit de cette contribution additionnelle est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), garantissant ainsi son utilisation pour financer des mesures en faveur des personnes handicapées ou des personnes âgées dépendantes.

Partager cette page