EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi est une reprise, avec l'accord de ses auteurs, de la proposition de loi déposée le 30 avril 2024 par les membres du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) à l'Assemblée nationale.

Dans un communiqué publié le 22 avril 2024, le ministère du travail dit « regretter » l'échec, début avril, des négociations entre les partenaires sociaux sur la vie au travail et l'emploi des seniors et annonce qu'il fixera lui-même les nouvelles règles d'assurance chômage qui s'appliqueront à partir du 1er juillet 2024.

Les trois organisations patronales ainsi que trois des organisations syndicales représentatives (CFDT, FO, CFTC) étaient pourtant parvenues à un accord le 10 novembre 2023 sur de nouvelles règles d'indemnisation. Le Gouvernement ne l'avait pas agréé pour cause d'incertitudes sur les économies attendues.

Cette reprise en main par l'État est devenue la règle depuis 2017, portant un coup au paritarisme pourtant originellement au coeur de notre modèle d'assurance chômage. L'une des raisons de ce recul : l'introduction d'un document de cadrage par la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018. Le Gouvernement remet désormais aux organisations d'employeurs et de salariés représentatives une lettre qui définit au préalable le délai pour aboutir à une convention d'assurance-chômage, ainsi que les objectifs de la négociation, dont une « trajectoire financière ».

Toutes les organisations s'accordent à dire que ce document de cadrage contraint fortement leurs négociations et explique en partie leurs échecs.

Une nouvelle réforme d'assurance chômage sera donc entérinée par décret de carence d'ici à juillet prochain, alors que les trois précédentes réformes qui se sont succédé n'ont fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse.

Ces dernières ont durci à chaque fois les conditions d'accès à l'assurance chômage en jouant notamment sur la durée d'affiliation, la durée d'indemnisation et la formule de calcul. La dernière nouveauté a été d'introduire la notion de « contracyclicité » qui module la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi en fonction de l'état de santé du marché de l'emploi. Si le taux de chômage est inférieur à 9 %, et ne progresse pas de plus de 0,8 point sur un trimestre, la durée d'indemnisation est réduite de 25 %.

Par conséquent, actuellement, la durée d'indemnisation maximale est fixée à 18 mois pour le droit commun, contre 24 mois auparavant. Pour les personnes âgées de plus de 55 ans, elle est de 27 mois, contre 36 auparavant.

Le rapport intermédiaire de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) nous donne un premier aperçu des conséquences de la réforme de 2019 : celle-ci a fait diminuer le montant moyen des allocations de 17 % par rapport à 2019 et la durée d'indemnisation de 25 %. Désormais, seuls 36 % des inscrits à France Travail sont indemnisés, niveau qui n'a jamais été aussi faible. 45 % des allocataires sont passés sous le seuil de pauvreté.

La diminution du nombre d'entrées est particulièrement marquée parmi les personnes en intérim et en fin de contrat à durée déterminée (CDD) qui sont les plus impactées. Quant à la reprise d'emploi, elle aboutit rarement à un contrat de long terme, notamment chez les jeunes.

La modification de la formule de calcul de l'allocation chômage entrée en vigueur en octobre 2021 a conduit à des allocations inférieures en moyenne de 16 % au montant moyen des entrants avant 2021.

En parallèle, le Gouvernement s'est lancé dans une réforme de Pôle Emploi devenu France Travail, sans donner les moyens financiers et humains à l'institution de réaliser un vrai accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Aujourd'hui, les pistes mises sur la table par le Gouvernement vont dans le sens d'un nouveau durcissement : diminution de la durée d'indemnisation (jusqu'à 12 mois), alignement de la durée d'indemnisation des seniors sur celle du droit commun, ou encore nouvelle augmentation de la durée d'affiliation pour prétendre à l'indemnisation. Pourtant, il est important de rappeler que le principe de l'assurance chômage est celui d'une assurance contributive où les prestations perçues dépendent en partie des cotisations prélevées.

Concernant les seniors, il convient de reconnaître que la dernière réforme des retraites n'a pas été précédée d'un plan pour l'emploi des seniors et que toutes les mesures les concernant ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Pourtant, ils sont un public vulnérable. Le taux d'emploi des 55-64 ans se situe à 56 % et le taux de chômage augmente au fur et à mesure que les seniors prennent de l'âge. Un an après la promulgation de la réforme, et alors que les partenaires sociaux ont échoué à s'accorder sur ce point, il est à craindre qu'aucun plan d'ampleur ne soit envisagé.

Il faut enfin rappeler qu'en parallèle, le Premier ministre a annoncé la suppression de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) avec le risque de basculement d'un grand nombre de personnes au revenu de solidarité active (RSA).

Si le système d'assurance chômage doit être juste et efficace, il ne peut être envisagé comme le seul instrument de la politique de l'emploi, et encore moins comme une variable d'ajustement budgétaire. Il est avant tout un filet de sécurité en cas d'accident de parcours. Le chômage est un risque qui peut concerner tous les actifs, un jour ou l'autre. L'assurance chômage doit permettre aux personnes qui en bénéficient de retrouver un emploi, le plus rapidement possible, en adéquation avec leurs compétences et volontés.

La condition doit rester celle du caractère incitatif à la reprise d'emploi, ce qui est le cas aujourd'hui. D'ailleurs, il faut rappeler que plus d'un demandeur d'emploi sur deux n'est pas indemnisé.

En parallèle, il faut continuer à lever les freins à l'emploi qui sont nombreux : qu'il s'agisse de la formation, de la mobilité, de la garde d'enfants... L'accompagnement vers l'emploi doit être mieux investi.

Aujourd'hui, notre modèle d'assurance chômage doit être conforté et protégé afin d'éviter un basculement dans la pauvreté, qui éloigne nécessairement du marché du travail, à rebours de l'objectif poursuivi.

Tel est l'objet de cette proposition de loi qui repose sur le paritarisme et le dialogue social en matière d'emploi, et notamment d'emploi des seniors.

Pour cela, l'article 1er réécrit l'article L.5422-2 du code du travail afin qu'une nouvelle réforme unilatérale du Gouvernement par voie réglementaire ne puisse pas conduire à diminuer encore davantage la durée d'indemnisation. Il rappelle que la durée d'indemnisation est égale à la durée d'affiliation et prévoit que la limite supérieure, déterminée par accord des partenaires sociaux, ne puisse pas être inférieure à 18 mois (548 jours calendaires).

L'article 2 supprime le principe de contracyclicité, introduit par la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, qui n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact et dont la logique est déjà remise en cause par le Gouvernement. À la place, l'article 2 prévoit que les règles en matière de durée d'affiliation ne puissent pas aller au-delà de ce qui existe aujourd'hui : soit avoir travaillé au moins 130 jours ou 910 heures (6 mois) au cours des 24 derniers mois ou 36 mois pour les personnes de 53 ans et plus.

Afin de renouer avec le paritarisme originellement au coeur de notre modèle d'assurance chômage, l'article 3 remplace le document de cadrage par un document d'orientation, moins contraignant, en amont des négociations sur l'assurance chômage. Ce document ne fera plus mention d'objectifs d'évolution des règles d'indemnisation. Par ailleurs, l'article supprime la possibilité pour le Gouvernement de modifier les règles d'indemnisation par décret s'il refuse d'agréer un accord trouvé : il ne pourra le faire qu'en cas d'absence d'accord.

Enfin, dans le même objectif de faire confiance au dialogue social pour trouver des solutions adaptées en faveur de l'emploi, l'article 4 propose d'intégrer une négociation sur le maintien en emploi des seniors pour toutes les entreprises de 300 salariés et plus. À défaut d'accord, il est proposé que l'employeur établisse un plan d'action annuel pour favoriser l'emploi des salariés âgés.

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