EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'impôt sur les sociétés a été instauré par un décret du 9 décembre 1948. Son taux d'imposition s'élevait alors à 50 %. Depuis, il n'a fait que de diminuer jusqu'à 33% en 1993. A partir de 2019, la réduction du taux d'imposition sur les bénéfices des sociétés s'est poursuivie pour aboutir à un taux de 25% pour les exercices ouverts à compter du 1e janvier 2022.

À partir des années 1970, les baisses d'impôt deviennent un argument politique que ce soit en France mais aussi dans d'autres États. En effet, chaque Homme politique, partant de Valéry Giscard d'Estaing à François Hollande ont justifié les variations du taux d'imposition par des arguments politiques.

Ainsi, depuis sa création en France, la tendance de l'impôt sur les sociétés semble correspondre à l'expression de l'économiste américain Arthur Betz Laffer : « trop d'impôt tue l'impôt ».

Par ailleurs, les recettes issues de l'impôt sur les sociétés représentent 13 % des recettes du budget général de l'État. Cela représente 40 milliards d'euros sur des recettes s'élevant à 293 milliards d'euros. La part de l'impôt sur les sociétés dans les recettes de l'État n'a fait que de croitre alors même que son taux d'imposition diminuait.

À titre de comparaison, le taux moyen mondial est de 24 % et de 21 % en Europe. De même, au sein des États membres de l'Union européenne, la même tendance à l'augmentation des recettes issues de l'impôt sur les sociétés se retrouve. Alors, parallèlement à une diminution continue du taux d'imposition, les recettes résultant de l'impôt sur les sociétés ne font que croitre au sein des recettes totales de l'État.

En plus de cette réduction du taux d'imposition, les politiques publiques tendent à une réduction globale voire à la suppression de plusieurs taxes et impôts au bénéfice des entreprises les plus aisées. Ce fût notamment le cas avec la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF), la baisse des impôts de production tel que la cotisation foncière des entreprises (CFE) ou encore la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cette réduction généralisée des différents impôts a entraîné un accroissement des inégalités entre les entreprises les plus aisées et celles rencontrant plus de difficultés. En effet, les grandes entreprises sont celles qui ont le plus de bénéficié des baisses d'impôts sur les sociétés et impôts de production.

Ces inégalités se sont aggravées avec l'instauration de niches fiscales qui ont permis à certaines activités d'être exonérées de l'impôt sur les sociétés. Alors, en plus d'avoir une diminution continue du taux de cet impôt, les possibilités de s'en exonérer se multiplient. C'est pourquoi il convient d'agir et de trouver des solutions afin de limiter ces niches fiscales.

À concilier avec les enjeux environnementaux et sociétaux actuels, il convient d'une part, de renforcer les conditions d'accès à certaines niches fiscales dites « brunes », ayant un impact négatif sur l'environnement et d'autre part, de faciliter l'accès à des avantages fiscaux plus respectueux des normes environnementales. Il en va de la bonne gestion de l'argent public qui n'est pas sans rappeler l'exigence constitutionnelle de bonne utilisation des deniers publics dégagée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2016-736 DC du 4 août 2016.

Pour toutes ces raisons, l'impôt sur les sociétés doit être orienté afin qu'il constitue une réponse à l'urgence écologique et qu'il permette une meilleure justice sociale.

Le premier chapitre vise dans cette perspective à établir des taux dérogatoires de l'impôt sur les sociétés qui se voit augmenter de 25 à 30 % pour des sociétés ne respectant pas certaines exigences en matière environnementale, d'égalité homme/femme, de personnes en situation de handicap ou encore de responsabilité sociale et sociétale des entreprises. De plus, afin de réduire ces inégalités entre les entreprises aisées et les autres, la mise en place d'une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises semble pertinente.

L'article 1 vise à insérer quatre alinéas augmentant le taux de l'impôt sur les sociétés de 25 à 30% pour certaines activités. Le taux de 30 % s'applique alors à toute société dont l'activité constitue une activité polluante au sens de l'article 266 sexies du code général des douanes. Il s'agit notamment de la réception de différents types de déchets.

Le taux de 30 % s'applique aussi pour les sociétés lorsqu'elles ne respectent pas l'obligation de publication annuelle des écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes au titre de l'article 14 de la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle. En 2020, on ne comptait seulement que 3 femmes sur 120 dirigeants dans les plus grandes entreprises françaises. Ces dispositions visent à inciter les entreprises à avoir une meilleure représentation des femmes dans les postes à hautes responsabilités.

Le taux de 30 % au titre de l'impôt sur les sociétés s'applique également lorsqu'elles n'emploient pas des personnes en situation de handicap à hauteur de 6% de leur effectif total conformément aux articles L5212-1 à L5212-17 du code du travail. Ici, l'objectif est évidemment de lutter contre les inégalités envers les personnes en situation de handicap faisant l'objet de différentes discriminations.

De plus, le taux de 30 % s'appliquerait aux entreprises pratiquant des écarts de salaires trop conséquents, dépassant le rapport de 1 à 30.

Enfin, le taux de 30 % s'applique aux sociétés qui, dans le cadre de leur responsabilité sociale et sociétale, doivent se conformer à avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés.

L'article 2 vise, dans un objectif de réduction des inégalités entre les entreprises les plus aisées et celles rencontrant plus de difficultés, à instaurer une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises. L'épidémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les pratiques spéculatives de certains acteurs économiques et financiers ont déstabilisé la production de certaines matières premières et les flux commerciaux. Cela a conduit à ce que soient générées des situations de pénurie, entraînant une volatilité des prix permettant ainsi à de nombreuses entreprises de réaliser des bénéfices exceptionnels, également appelés « superprofits ». Une contribution additionnelle sur ces bénéfices parait donc pertinente pour réduire les inégalités créées et aggravées par les crises sanitaires et géopolitiques que nous avons traversées et que nous connaissons.

Le second chapitre porte sur le taux de l'impôt sur les sociétés et vise à réduire les niches fiscales qui y sont rattachées. Pour ce faire, il convient soit, de renforcer les conditions d'accès aux avantages fiscaux ayant un impact négatif sur l'environnement (« niches fiscales brunes »), soit, de rendre l'accès à des avantages fiscaux « écologiques » plus facile.

L'article 3 vise la création d'un crédit d'impôt recherche « vert » (CIR « vert »). Le taux est actuellement fixé à 30% pour les dépenses allant jusqu'à 100 millions d'euros et à 5 % pour les dépenses excédant ce solde. Dans le cadre du projet de loi « Industrie verte » visant à encourager l'investissement porté sur l'écologie et des activités non polluantes, une réforme créant un CIR « vert » prend sens. En effet, il viendrait inciter les dépenses de recherche dans le domaine de l'environnement.

En premier lieu, cet article vise à supprimer le taux de 5 % pour les dépenses excédant le solde de 100 millions d'euros. En second lieu, il convient d'orienter les dépenses de recherche et développement vers l'écologie en s'intéressant à des investissements durables au titre de la taxonomie européenne. Le taux de crédit d'impôt s'élèverait alors à 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 40 % pour les petites et moyennes entreprises.

L'article 4 porte sur la déduction exceptionnelle applicable aux poids lourds et aux véhicules utilitaires légers utilisant des énergies propres. Cet article vise à supprimer les gaz naturels correspondant à des énergies fossiles.

Enfin, l'article 5 s'inscrit dans la continuité de l'article précédent en conditionnant l'exonération à l'impôt sur les sociétés des entreprises implantées en zone franche urbaine (ZFU) à des activités économiques durables sur le plan environnemental au titre du règlement européen 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables.