EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Après l'été 2022 marqué par une succession inédite de canicules et une sécheresse historique, notre pays connaît un déficit pluviométrique hivernal sans précédent nous laissant redouter de nouvelles raréfactions d'eau très précoces et préoccupantes.
Le Plan Eau pour la gestion de la ressource annoncé par le Président de la République, plusieurs fois repoussé n'y suffira pas. Il est temps de proposer des solutions et techniques innovantes au premier rang desquelles la réutilisation des eaux usées traitées ou recyclées peu développée jusqu'à présent en France à hauteur de seulement 1 %.
D'autres pays notamment au Sud de l'Europe contraints depuis longtemps pour cause de pénurie réutilisent ces eaux grises à hauteur de 15 à 20 %. C'est donc techniquement possible et souhaitable de faire de ce processus un outil de gestion durable de l'eau mais à la condition d'en simplifier le pilotage.
La gestion de l'eau relève avant tout et essentiellement du périmètre réglementaire pour des raisons de gestion sanitaire par les pouvoirs publics. Dès lors, la mise en oeuvre de la réutilisation des eaux usées traitées ou recyclées est freinée par des procédures rigides qui ne prennent pas en compte le volontarisme des collectivités territoriales et l'urgence à agir.
Le dernier exemple en date est l'ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l'accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine prise sur habilitation donnée par la loi « DADU » de 2021 afin de transposer la directive du Parlement européen et du Conseil de l'Union Européenne du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine qui liste les cas dans lesquels une eau impropre à la consommation humaine peut être utilisée. L'ensemble des articles listés par le code de la santé publique en matière de sécurité sanitaire de l'eau conduit à des dispositions réglementaires (L. 1322-13).
L'article L. 211-9 du code de l'environnement qui fonde la base légale de l'ensemble des autres usages de l'eau renvoie, lui aussi, à un décret le soin de définir « les usages, autres que ceux prévus par l'article L. 1322-14 du code de la santé publique, pour lesquels l'utilisation d'eaux usées traitées peut être autorisée, et les conditions auxquelles ils sont soumis » .
Par ailleurs, concernant les autorisations administratives, l'article 7 de l'arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts dispose que « toute personne souhaitant réaliser une installation ou procéder à une activité d'utilisation d'eaux usées traitées à des fins d'irrigation de cultures ou d'espaces verts adresse une demande au préfet du département où elle doit être réalisée ».
L'article 8 du même arrêté encadre la forme et la procédure de délivrance de l'arrêté préfectoral et ne prévoit qu'un avis « du Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques » . Si un avis de l'Agence Régionale de Santé (ARS) était bien prévu à l'article 8, il a été supprimé par l'arrêté du 25 juin 2014 qui a réécrit ledit article 8.
Malgré la suppression de l'avis de l'ARS, l'instruction interministérielle du 26 avril 2016 ainsi qu'un document publié par l'ARS du Var en 2018 considèrent que cet avis est toujours nécessaire. L'instruction interministérielle précitée qui est postérieure à la modification de l'arrêté de 2010 s'adresse aux préfets en ces termes : « En application de l'arrêté du 2 août 2010, et en particulier son article 8, il vous appartient d'autoriser, par arrêté préfectoral, après avis sanitaire de l'Agence régionale de santé et avis du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), l'utilisation d'eaux usées traitées à des fins d'irrigation ou d'arrosage » .
Enfin, pour les cas qui ne relèvent pas de l'irrigation, l'avis de l'ARS est clairement explicité et donc nécessaire.
Face à cette réglementation lourde faite de revirements et de disparités d'application, les collectivités territoriales luttent pour avoir l'obtention des autorisations nécessaires à la mise en oeuvre de projets de réutilisation des eaux usées traitées ou recyclées.
Les avis défavorables des ARS étant rendus sans véritable procédure contradictoire ni possibilité de recours en bonne et due forme, les études lancées par les élus, parfois onéreuses et techniques mais nécessaires à la demande d'autorisation, tombent avec in fine un risque de découragement pour mener une politique durable de gestion de l'eau.
Il est donc nécessaire que les pratiques évoluent et que la procédure soit la plus simple possible. Face aux risques de pénurie et de tensions autour de la ressource hydrique, la préparation de dossiers longs à instruire, coûteux en études de faisabilité et soumis à de multiples validations administratives par les ARS et les préfectures ne peut plus se faire sans éclairage juridique et soutien budgétaire.
L'article 1 er acte l'existence d'une procédure d'autorisation simplifiée pour les collectivités territoriales. Il fixe également le principe d'un échange contradictoire permettant, le cas échéant, d'amender les dossiers de demande d'autorisation ne pouvant aboutir en l'état. Il prévoit enfin que les collectivités pétitionnaires reçoivent l'appui technique des ARS pour la constitution des dossiers de demande. Les ARS seraient ainsi amenées à donner un avis, en vertu des dispositions réglementaires existantes, sur des dossiers de demande qu'elles auraient aidé à constituer évitant de fait les avis non motivés.
L'article 2 entend faire en sorte que les projets des collectivités territoriales puissent bénéficier d'aides publiques en inscrivant dans le code général des collectivités territoriales « la réutilisation des eaux usées traitées » dans les projets éligibles à la dotation budgétaire de soutien à l'investissement local (DSIL).
L'article 3 précise le gage de la proposition de loi.