EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'agriculture a donné une partie de son âme à la France. Mais elle traverse aujourd'hui une crise sans précédent, et il est devenu urgent de la replacer tout en haut de la stratégie politique française et européenne pour battre en brèche les desseins de ceux qui veulent l'affaiblir.
Au niveau européen, malgré les nombreuses alertes du Sénat, la Commission n'a eu de cesse de remettre en cause la politique agricole commune, diminuant les revenus de nos agriculteurs, leur imposant de ne plus produire sur une partie de leurs terres et menaçant de faire baisser leurs rendements dans le cadre de la stratégie dite de la ferme à la table, alors même que pour la première fois cette année, l'agriculture française ne peut plus nourrir l'ensemble de sa population. Pendant ce temps, les grandes puissances mondiales réarment leur agriculture et investissent massivement dans leur indépendance alimentaire.
Au niveau national, malgré les promesses du Président de la République qui a fait, défait et refait la loi EGALIM, rien n'a changé : la valeur reste toujours aussi mal répartie et la rémunération du producteur reste toujours la variable d'ajustement de la formation du prix. Parallèlement, se pose les défis de la transmission des exploitations quand un agriculteur sur deux sera en âge de partir en retraite en 2030. Avec un niveau insuffisant des retraites agricoles, une réforme urgente, courageuse et ambitieuse s'impose.
Nous devons réparer l'injustice de traitement des retraites agricoles !
Les non-salariés agricoles sont en effet les derniers à calculer leur retraite sur la totalité de leur carrière, bonnes et mauvaises années mêlées. Les salariés et les indépendants non agricoles la calculent sur leurs 25 meilleures années, les fonctionnaires sur leurs 6 derniers mois.
Dans un souci d'équité, la présente proposition de loi vise à faire bénéficier les agriculteurs et leur famille de la règle applicable à la majorité des assurés sociaux. Il s'agit de calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules 25 meilleures années de revenus.
Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales relatif au calcul de la retraite des exploitants agricoles sur leurs 25 meilleures années de revenu a d'ailleurs été publié il y a 10 ans déjà. L'ensemble de la profession au travers de ses syndicats le réclame.
Pour rappel, la France compte à ce jour 1,3 millions de retraités, anciens non-salariés du secteur. Leur niveau de pension moyen reste inférieur à celui de l'ensemble des retraités : fin 2021, tous régimes confondus, y compris les régimes complémentaires, les anciens non-salariés agricoles (chefs, conjoints et aides familiaux) ayant eu une activité agricole ont perçu une pension de 1 150 euros bruts mensuels en moyenne (à comparer avec la moyenne nationale qui dépassait 1 500 euros bruts).
Il s'agit également, par cette proposition de loi, de donner des perspectives aux jeunes qui s'installent. C'est devenu primordial à l'heure où l'agriculture vit un défi démographique majeur. De notre capacité à assurer la relève pour compenser les départs au cours de la prochaine décennie dépendra notre souveraineté alimentaire, la pérennité de nos paysages, la vie de nos territoires ruraux et l'emploi dans les zones les moins denses du pays.
Depuis le 1er novembre 2021, la loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles permet de garantir un niveau minimum de pension à 1035 euros qui représente 85 % du smic net agricole, mais ne résout pas la question des retraités actuels et fait perdurer une injustice de calcul inadmissible.
En 2018, le Gouvernement les avait même privés de cette revalorisation quand il avait bloqué une proposition de loi transpartisane qui visait déjà à porter leur retraite à 85 % du Smic minimum, au motif que cette revalorisation serait discutée lors de la prochaine réforme des retraites mais qui n'est toujours pas intervenue depuis.
Face à une profession qui a tant donné à la France, nous avons une responsabilité : faire en sorte qu'une dure vie de labour ne se transforme pas en pension de misère. Tel est précisément l'objet de cette proposition de loi.