EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Si la loi organique du 14 février 2014 a interdit aux sénateurs et aux députés nationaux et européens de cumuler leurs mandats avec toute fonction exécutive locale, le non-cumul d'une fonction de ministre avec celle de maire ou de président d'une collectivité territoriale n'est pas une obligation légale.
Jusqu'à présent, l'article 23 de la Constitution dispose que les fonctions de membres du Gouvernement sont seulement incompatibles avec l'exercice d'un mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national, de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. Ainsi, rien n'empêche, légalement, un ministre de poursuivre des activités électives en tant que maire ou président d'un Conseil régional ou départemental.
Des règles informelles sont formulées depuis 1997 par les Premiers ministres successifs. Ainsi, Lionel Jospin, dès la formation de son Gouvernement en juin 1997, avait adressé à chacun de ses membres des recommandations personnelles pour qu'il démissionne des fonctions de maire ou de président de conseil général lorsqu'il les exerçait.
Néanmoins, cet usage qualifié de « tacite » depuis des décennies souffre d'exceptions. Des parlementaires s'étonnent régulièrement que la représentation nationale ne puisse disposer d'informations plus précises sur le non-cumul entre les fonctions ministérielles et les fonctions d'élu local, départemental ou régional.
Concrètement, ces dernières années, on constate que tous les membres du Gouvernement n'ont pas, tant s'en faut, appliqué cette " consigne ", ce qui aboutit au paradoxe de voir des ministres, maires de petites communes rurales, démissionner de leur modeste mandat local, alors même que d'autres membres du Gouvernement, et non des moindres, demeurent maires de grandes villes ou présidents de département.
Ces règles ont pourtant déjà été formalisées, notamment dans le cadre d'une « charte de déontologie » lors de la première réunion du Conseil des ministres de Jean-Marc Ayrault en 2012, où chacun était invité à « renoncer aux mandats exécutifs locaux qu'ils peuvent détenir. » En vain, puisque 3 ans plus tard, le Ministre de la Défense devenait président du Conseil régional de la Bretagne, mandat qu'il a exercé jusqu'en 2017.
Fatalement, les mêmes cumuls sont observables depuis l'élection d'Emmanuel Macron qui avait pourtant demandé, à son tour, aux ministres nouvellement nommés de démissionner de leurs fonctions exécutives locales.
Cette interdiction, rendue caduque par ceux-là mêmes qui la formulent depuis 25 ans, était pourtant en adéquation avec les recommandations de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin en 2012. Elle préconisait alors d'interdire le cumul d'une fonction ministérielle avec l'exercice de tout mandat local, jugeant qu'il s'agissait là d'un élément majeur dans la restauration de la confiance des citoyens envers leurs élus et responsables politiques.
Ce rapport permissif des gouvernements au cumul des responsabilités ministérielles et locales est d'autant plus surprenant et contestable que les principaux intéressés concèdent eux-mêmes que de telles pratiques ne sont pas tenables. Gérald Darmanin, alors Ministre en charge des Comptes publics, maire de Tourcoing et vice-président du Conseil régional des Hauts-de-France, expliquait, en 2017, qu'il n'avait « pas vocation à rester président d'un exécutif pendant tout le mandat ministériel. Ce n'est pas possible physiquement. »
Aussi, le non-cumul des mandats étant largement plébiscité par les français, c'est à plus forte raison que ces règles doivent s'appliquer aux membres du Gouvernement. Or, c'est en étant inscrites dans la loi qu'elles deviendront effectives et réellement contraignantes.
Tel est l'objet de l'article unique de cette proposition de loi constitutionnelle qui vise, via modification de l'article 23, à rendre incompatible la fonction de membre du Gouvernement avec des fonctions exécutives locales.