EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a modifié l'article 367 du code de procédure pénale, faisant évoluer, une nouvelle fois, les conditions d'incarcération ou de libération des personnes jugées par la cour d'assises, et plus particulièrement les conditions dans lesquelles l'arrêt rendu par la cour d'assises peut valoir titre de détention.
En effet, lorsqu'une personne est condamnée à une peine ferme privative de liberté, un mandat de dépôt est nécessaire afin de permettre son placement ou son maintien en détention. Il faut donc organiser les cas où une cour d'assises peut délivrer un mandat de dépôt, notamment au regard de la situation de l'accusé au jour de la décision. Lorsque ce dernier est condamné à une peine d'emprisonnement ferme, il est nécessaire d'observer s'il était détenu au moment où l'arrêt est rendu et, le cas échéant, d'observer durant combien de temps il l'a été afin de déterminer si la détention doit être maintenue ou si elle a déjà atteint la durée de la peine prononcée.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 367 du Code de procédure pénale distingue plusieurs cas :
Suivant le premier cas, l'accusé détenu au moment où l'arrêt est rendu est remis en liberté s'il est exempté de peine ou acquitté, condamné à une peine autre qu'une peine ferme privative de liberté, ou condamné à une peine ferme privative de liberté couverte par la détention provisoire ;
Dans le deuxième cas, si l'accusé détenu au moment où l'arrêt est rendu est condamné à une peine de réclusion criminelle - soit plus de dix ans - tant que l'arrêt n'est pas définitif et, le cas échéant, pendant l'instance d'appel, l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée ;
Dans le dernier cas, lorsque l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et qu'il est condamné à une peine d'emprisonnement, la cour d'assises peut, par décision spéciale et motivée, décider de décerner mandat de dépôt, à effet immédiat ou différé, si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.
Toutefois, il a été constaté un oubli dans le texte : le cas où l'accusé détenu au moment où l'arrêt est rendu est condamné à une peine inférieure à la réclusion criminelle, c'est-à-dire moins de dix années. Ce cas précis n'est pas pris en compte par la nouvelle rédaction du code de procédure pénale. Le décret n°2022-246 du 25 février 2022 portant application de l'article 367 du code de procédure pénale est venu combler cette carence de la loi afin d'éviter que certains accusés soient mis en liberté par les juridictions, à défaut de fondement légal pour délivrer un mandat de dépôt.
Il demeure qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, c'est à la loi qu'il revient de fixer « la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ». Ainsi, le recours au décret pour combler la carence de la loi n'est pas licite, car inconstitutionnel.
L'objet de cette proposition de loi, à travers son article unique, est donc de reformuler une partie de l'article 367 du Code de procédure pénale en s'inspirant de la solution retenue par le décret du 25 février 2022. Ainsi, la cour d'assises pourrait, par décision spéciale et motivée, décider de décerner mandat de dépôt, lorsque l'accusé n'est pas détenu lors du prononcé de l'arrêt et est condamné pour crime à une peine d'emprisonnement ferme, mais sans pour autant que la peine prononcée constitue une peine de réclusion criminelle.