EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre système judiciaire fait face, depuis plusieurs années, à un engorgement structurel de plus en plus inquiétant. Manque de moyens, accumulation des litiges du quotidien et dégradation des délais d'audiencement, n'ont été qu'accentués par la crise sanitaire de la COVID-19. Pour rattraper le retard accumulé sur des stocks de dossiers, des procédures jugées plus efficaces ont été expérimentées (priorisation des dossiers, multiplication des procédures sans audiences, incitation au recours à la visioconférence etc.). Malheureusement, ces dernières n'ont fait que renforcer l'image d'une justice déshumanisée.

Pourtant, en parallèle, de timides tentatives de développement de procédures de règlement non juridictionnel des différends ont vu le jour en France. Et, la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a notamment permis à tout juge d'enjoindre les parties à un litige à rencontrer un médiateur afin de les inciter à poursuivre une procédure de médiation.

Mais, le recours aux modes alternatifs au procès n'ont cependant pas fait l'objet d'une véritable politique nationale de l'amiable dans notre pays, contrairement à ce l'on a pu observer au Canada, au Royaume-Uni, en Italie, ou en Belgique. Or, la médiation constitue un outil précieux, qui permet non seulement de réduire le nombre de jours d'audiencement (la durée moyenne d'une médiation est de 60 jours tandis qu'un procès devant les tribunaux prend entre 375 et 395 jours en France 1 ( * ) ) mais aussi les besoin matériels et humains nécessaires, le coût des frais de justice supporté par l'Etat ainsi que les coûts économiques et sociaux que peuvent générer une rupture brutale des relations entre individus en conflit. En effet, l'intérêt de la médiation est également de permettre aux justiciables de se réapproprier le procès, d'en devenir des acteurs responsables, de porter eux-mêmes leur parole et d'écouter celle de l'autre, de se comprendre mutuellement, d'aborder l'entièreté du conflit aussi bien dans ses aspects économiques, relationnels, psychologiques que sociaux. Au-delà de l'accord ponctuel qui mettra fin, le cas échéant, au procès soumis au juge, il s'agit également de nouer ou de renouer un lien social entre des parties opposées par un litige et de préserver l'avenir, si elles sont amenées à continuer d'entretenir des relations, qu'elles soient de nature commerciale, familiale, de voisinage ou autre.

Malgré tous ces atouts, la médiation a du mal à trouver sa place dans notre institution judiciaire en raison de plusieurs facteurs analysés notamment dans deux rapports de la cour d'appel de Paris, de juin 2008 et de mars 2021, les raisons essentielles de cette situation tenant à une absence d'institutionnalisation de l'amiable dans les juridictions et à un manque de cohérence du corpus juridique 2 ( * ) . C'est ce dernier écueil que cette proposition de loi entend corriger.

L'article 1 er vise à instituer un cadre de définition générale et souple pour toute procédure de médiation 3 ( * ) , en précisant concrètement le rôle du médiateur 4 ( * ) .

L'article 2 introduit le devoir d' impartialité 5 ( * ) du médiateur et le prémunit de tout risque de conflit d'intérêts.

L'article 3 définit les règles de confidentialité 6 ( * ) dont peuvent bénéficier les parties au cours de la procédure de médiation.

L'article 4 prévoit le contrôle du juge de l'accord des parties issu de la procédure de médiation, aux fins de s'assurer que ce dernier ne contrevienne pas à l'ordre public.

L'article 5 dessine les contours de la réunion d'information 7 ( * ) incitant les parties à entrer en médiation conventionnelle ou judiciaire et à prévoir des sanctions 8 ( * ) pour celles ne déférant pas à cette injonction du juge.

L'article 6 inscrit la nécessité de faire respecter un principe de loyauté dans la démarche de médiation par l'ensemble des parties , et que le médiateur en soit le garant.


* 1 Rapport commandé par le Parlement européen de 2014, « Rebooting the mediation directive : assessing the limited impac of its implementation and proposing measures to increase the number of mediations in the EU ».

* 2 Rapport de la Cour d'appel de Paris de mars 2021, « La promotion et l'encadrement des modes amiables de règlement des différends », p.49.

* 3 Ibid.

* 4 Ibid.

* 5 Ibid.

* 6 Rapport de la Cour d'appel de Paris de mars 2021, « La promotion et l'encadrement des modes amiables de règlement des différends », p.95.

* 7 Rapport de la Cour d'appel de Paris de mars 2021, « La promotion et l'encadrement des modes amiables de règlement des différends », p.106.

* 8 Ibid.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page