EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La crise économique et sociale provoquée par la pandémie de Covid-19 est d'une ampleur telle que notre pays, et plus largement la planète, n'en a pas connu depuis un siècle.
Le Gouvernement est intervenu massivement en soutien à de nombreux secteurs économiques victimes de l'arrêt de toute activité du fait de la politique de confinement généralisé de la population et de la déclaration de l'état d'urgence sanitaire. Il a également déployé une vaste politique de chômage partiel, concernant jusque 12,5 millions de salariés du secteur privé à la fin du mois d'avril, permettant d'éviter de répéter une partie des erreurs commises lors de la réponse à la crise financière de 2008. Pour la seconde fois en moins de 15 ans les plus libéraux ont pu redécouvrir la nécessité de la puissance publique et de l'État interventionniste.
Bien sûr ces actions volontaristes ont un coût et la conséquence immédiate du sauvetage d'une partie de l'économie est une augmentation sans précédent des déficits et de la dette publique. Alors que le Gouvernement a fait le choix de l'endettement à court terme, il revient aujourd'hui à l'ensemble de la représentation nationale de trouver les moyens les plus adaptés de savoir qui devra être mis à contribution pour rembourser cette dette et donc de définir qui va payer la crise sur le long terme.
Les circonstances offrent toujours au marché de se satisfaire : ainsi la terrible pandémie est profitable à certains secteurs : commerce numérique, la communication numérique, certains secteurs de la santé ou encore les pompes funèbres. Ainsi pendant les guerres, le commerce des armes est prospère : que le législateur qui intervient dans le même temps pour secourir les secteurs sinistrés, plutôt que d'implorer des contributions volontaires de ces secteurs profitables, les mette à contribution relève de la justice la plus évidente.
Dans la droite ligne de la proposition du groupe socialiste et républicain de rétablir un impôt de solidarité sur la fortune pour que les plus aisés de nos concitoyens participent selon leurs moyens aux besoins des plus lésés, la présente proposition de loi vise à créer une juste contribution, exceptionnelle, sur les assurances afin qu'elles concourent à la solidarité nationale dans la réponse globale à la pandémie.
La baisse de l'accidentologie et de la sinistralité du fait de la crise est telle qu'il apparaît tout à fait opportun de demander cet effort exceptionnel. Pour la seule assurance auto, le cabinet Addactis estimait à la fin du mois d'avril 2020 que les compagnies d'assurances allaient économiser près d'1,5 milliard d'euros. Ces estimations ont même été revues à la hausse dans une nouvelle étude du 7 mai : la baisse de la sinistralité automobile pourrait atteindre jusqu'à 80 % pendant la période de confinement.
C'est ainsi que, loin de demander l'aumône, le dispositif qui vous est soumis à travers un article unique propose que, à la fin de l'état d'urgence sanitaire, chaque entreprise d'assurance (hors assurance vie) soit mise à contribution à hauteur de 80 % de l'augmentation des résultats d'exploitation réalisés par rapport à la moyenne de ces mêmes résultats des trois années précédentes. Il prévoit bien sûr les modalités de versements, de contrôles et de sanctions.
Parce que les auteurs de la proposition de loi ont pleinement conscience de la possibilité qu'advienne une nouvelle crise sanitaire, ils proposent délibérément un dispositif pérenne, qui ne se limite pas au seul état d'urgence déclaré à la suite de l'épidémie de Covid-19. Ainsi, chaque déclaration d'un nouvel état d'urgence sanitaire - en application de l'actuel chapitre I er bis du titre III du livre I er de la troisième partie du code de la santé publique ou, puisque ce chapitre est à ce jour appelé à devenir caduque le 1 er avril 2021, en application des dispositions qui l'auront relayé - déclenchera le mécanisme de cette contribution exceptionnelle.
En basant son dispositif sur les « sur-bénéfices » engrangés du fait de la crise, les auteurs de la proposition de loi saluent directement les actions menées par plusieurs entreprises d'assurance dont les efforts vendront mécaniquement en réduction de cette assiette : baisses de cotisations, crédits aux assurés, contributions au fonds de solidarité... bien que ces dernières aient été fortement enjointes par le gouvernement.
Cette base fiscale, parce qu'elle est calculée sur une durée qui excède l'application de l'état d'urgence (tout exercice au cours duquel s'appliquera un état d'urgence étant pris en compte dans son intégralité) permet également de tenir compte des « effets rebonds » que connaîtront nécessairement certains secteurs, à commencer par celui de la santé. En effet, les consultations médicales, et par voie de conséquence les prestations, ont été très fortement réduites lors du confinement. Or il s'agit dans de nombreux cas d'actes différés.
Les auteurs de la proposition de loi préconisent, mais il appartiendra aux pouvoirs publics de le décider le moment venu, que l'utilisation des recettes soit pour moitié affectée à des opérations de sauvegardes des entreprises sur le principe du fonds de solidarité créé le 25 mars 2020, et pour moitié au financement de politiques de solidarité envers les plus fragiles et au financement d'associations qui font oeuvre sociale dont les services sont particulièrement demandés dans cette période. Elles doivent pouvoir compter sur l'engagement sans faille de l'État et des collectivités à leurs côtés.
La réponse à la crise sanitaire, économique et sociale ne pourra passer que par plus de solidarité. Cette proposition de loi apporte ainsi une partie de la réponse aux problèmes de financement de cette nécessaire solidarité. Son caractère temporaire et circonstancié fait preuve du pragmatisme qui est demandé à l'ensemble des décideurs dans la période troublée que nous vivons.