EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi a pour objectif de renforcer la protection de l'enfant à travers diverses dispositions du code civil et du code de l'action sociale et de la famille concernant :
- le projet pour l'enfant ;
- la possibilité pour un mineur d'être reçu par un juge.
I. Renforcer le projet pour l'enfant
La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant a créé le projet pour l'enfant (PPE) qui est un document unique visant à garantir son développement physique, psychique, affectif, intellectuel et social. Ce document accompagne le mineur tout au long de son parcours au titre de la protection de l'enfance.
Le PPE est construit en cohérence avec les objectifs fixés dans la décision administrative ou judiciaire le concernant. Dans une approche pluridisciplinaire, ce document détermine la nature et les objectifs des interventions menées en direction du mineur, de ses parents et de son environnement.
Le parcours des enfants placés à l'A.S.E (aide sociale à l'enfance) mérite toute notre attention. 60 % des enfants placés ont redoublé au moins une fois et 39 % d'entre eux dès l'école primaire. Nombreux sont ceux qui quittent les bancs de l'école à la fin de la scolarité obligatoire sans pour autant se lancer dans la vie professionnelle : à 16 ans 15,8 % des enfants confiés ne sont plus scolarisés contre 5,8 % en population générale. Le parcours scolaire de l'enfant est souvent négligé. La rupture scolaire doit être évitée autant que faire se peut : le décrochage scolaire du jeune protégé fait souvent suite aux changements d'école liés aux placements répétés. Il faut intégrer au sein du PPE un volet scolaire, c'est le sens de l'article 1 er .
Les dispositions n'apportent aucune précision lorsque la famille est en total désaccord avec la démarche ou la mise en oeuvre du projet pour l'enfant. Cela ne signifie pas pour autant que les professionnels doivent abandonner la mise en place du PPE. Au contraire le désaccord doit être exprimé et peut, le cas échéant, servir pour le bien fondé de la saisine du procureur de la République au titre de l'article 375 du code civil lorsqu'un enfant est en situation de danger. C'est le sens de l'article 2 de la proposition de loi.
Tout changement d'objectifs ou de modalités d'actions doit faire l'objet d'une mise à jour du PPE. La transmission de ces changements doit pouvoir être assurée à l'ensemble des cosignataires et des professionnels concernés afin de garantir la continuité des actions et de prévenir les ruptures de parcours.
La loi de 2016 étant peu précise sur ce point et sujette à interprétation, les articles 3 et 4 de la proposition de loi viennent préciser que le PPE est mis à jour chaque année avec les personnes responsables ou intéressées à son élaboration.
En raison de son importance, et afin d'en garder une trace, l'article 5 propose que le PPE soit conservé et archivé par le conseil départemental au sein du dossier de l'enfant.
II. Élargir les prérogatives du juge sur les auditions des enfants
Le rôle du juge est prépondérant dans la protection des enfants, souvent au coeur de tensions familiales.
Aujourd'hui, l'article 388-1 du code civil autorise le juge à auditionner le mineur, capable de discernement, dans les procédures le concernant. Cette proposition de loi préconise d'élargir la compétence du juge, pour qu'il puisse recevoir tout enfant sans nécessairement l'auditionner dès lors qu'une procédure le concerne. En effet, rien ne peut remplacer un contact visuel du juge avec l'enfant pour établir un échange humain.
Le juge devrait pouvoir recevoir tout enfant, même si ce dernier n'a pas encore ou n'a pas le discernement exigé par la loi.
Grâce à cette nouvelle possibilité, le juge pourrait repérer un mal-être nécessitant, s'il le juge opportun, une expertise médicale ou psychologique de l'enfant.
L'article 6 de la présente proposition de loi introduit ainsi la possibilité pour le juge de recevoir tout mineur, même si celui-ci ne possède pas, ou pas encore, la capacité de discernement. Il peut être accompagné de toute personne qu'il juge utile lors de cette rencontre.