EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2008, le CépiDc de l' Inserm a recensé 3 095 morts d'enfants de moins d'un an en France, soit un taux de mortalité de 3,7 pour 1000 naissances. En 2015, ce même taux de mortalité infantile en France métropolitaine était de 3,5 décès pour 1 000 naissances, selon les données de l'Insee. De la naissance au premier anniversaire, le risque de décéder est aujourd'hui de l'ordre de 30 pour 10 000, et les décès avant 1 an sont concentrés juste après la naissance. Passé le premier anniversaire, la probabilité de décéder diminue progressivement pour atteindre un minimum vers l'âge de 10 ans. Entre 5 et 14 ans, le risque annuel est d'un enfant sur 10 000. Il augmente fortement à l'adolescence, jusqu'à atteindre 2 pour 10 000 chez les filles et 5 pour 10 000 chez les garçons à 20 ans. Au final, ce sont près de 5 000 décès d'enfants de moins de 1 an à 20 ans que l'on dénombre ainsi en France chaque année.
Il n'en demeure pas moins que même si le risque de mortalité pendant l'enfance est faible en France, la perte d'un enfant y est peu soutenue par les pouvoirs publics. Notre politique familiale accompagne les événements heureux et programmés, mais les situations douloureuses et souvent imprévues comme celle du décès d'un mineur ne sont pas suffisamment reconnues.
Or comme le rappelle le réseau francophone des soins palliatifs pédiatriques, « La mort d'un enfant est un drame, le plus affreux des drames pour ses parents qui ont, le plus souvent, le sentiment de perdre la meilleure partie d'eux-mêmes. C'est un arrachement, comme une amputation. Ils le vivent avec un profond sentiment d'injustice et une culpabilité sans fond. Tous les deuils importants entraînent des bouleversements et des transformations ; la mort de l'enfant plonge dans le non-sens. »
Il est donc temps de prendre en compte la douleur des familles mais aussi l'impact économique et social de la disparition de l'enfant. Des propositions formulées par le monde associatif, à l'image de Méningites France - association Audrey, pourraient ainsi aider les parents concernés et rompre leur isolement dans la gestion du décès de leur enfant.
En cas de décès d'un enfant mineur ouvrant droit à des prestations, celui-ci serait considéré comme à charge jusqu'à trois mois après son décès. Tel est l'objet de l' article 1 er .
Ce dispositif s'appliquerait à toutes les prestations générales d'entretien de l'enfant, et uniquement à elles. Le délai de trois mois serait donc étendu aux prestations visées par le titre 2 du livre consacré aux prestations familiales : allocations familiales, complément familial et allocation de soutien familial.
Ce dispositif viserait quant à lui 46 % des prestations familiales, sachant que s'y ajouteraient les dispositions relatives à la prestation d'accueil du jeune enfant. Seules les prestations à affectation spéciale (allocation d'éducation de l'enfant handicapé, allocation journalière de présence parentale, allocation de rentrée scolaire...) et la partie non visée actuellement de la prestation d'accueil du jeune enfant (prime de naissance ou d'adoption et complément mode de garde) ne feraient pas l'objet d'un traitement particulier, soit moins de 40 % des prestations familiales.
L'accompagnement des parents endeuillés passe aussi par une facilitation des démarches de déclaration du décès. L' article 2 vise à la transmission automatique de l'avis de décès d'un enfant mineur aux services d'action sociale des caisses d'allocations familiales. La ville d'Angers a expérimenté cette transmission automatique il y a plusieurs années. Elle a été rejointe par d'autres communes volontaires. Les résultats sont extrêmement positifs. Cette obligation de transmission faciliterait les démarches des familles, durement éprouvées par le deuil d'un enfant et permettrait un meilleur accompagnement par les services des caisses d'allocations familiales.
Nous vous proposons donc d'insérer un nouvel alinéa à l'article 78 du code civil, qui attribue la responsabilité de l'édiction des actes de décès à l'officier d'état civil, pour prévoir l'obligation d'informer les organismes de versement des prestations familiales des décès de mineurs.
L' article 3 repose sur la création d'un fonds de solidarité au deuil de l'enfant pour acquitter les frais d'obsèques des enfants mineurs, sous conditions de ressources, dans le cadre d'un fonds dédié.
L'intention d'une prise en charge des frais d'obsèques des enfants mineurs va ici plus loin que la gratuité déjà prévue par le code général des collectivités territoriales (CGCT), c'est la raison pour laquelle nous créons une nouvelle prestation à affectation spéciale : la prestation de solidarité au deuil de l'enfant mineur.
Cette nouvelle prestation serait soumise à des conditions de ressources. Pour éviter que le traitement de la demande de la famille ne retarde les obsèques, cette prestation serait versée après l'acquittement des frais funéraires, sur la base de la transmission aux organismes chargés du versement des prestations familiales des pièces justificatives. Pour autant, afin d'éviter que ne pèse sur la collectivité une charge trop importante et le remboursement de dépenses somptuaires, il est proposé de fixer un montant maximal à cette prestation.
Enfin, l' article 4 , et dernière proposition, concerne l'impact économique du deuil souvent oublié. Il pose la consécration du principe de gratuité de la renégociation des crédits en cas de décès d'un enfant mineur. Il s'agit d'éviter des frais supplémentaires coûteux.
Cette gratuité serait étendue en cas de remboursement anticipé, pour permettre aux parents soit de racheter leur crédit pour bénéficier de conditions financières plus favorables, soit de se séparer d'engagements étroitement liés à l'enfant mineur décédé.
L'ensemble de ces mesures plaide pour un meilleur accompagnement des familles dans la douleur de la disparition d'un enfant. Il s'agit par ces mesures pratiques et techniques de mieux prendre en compte et de reconnaître l'impact social et économique si particulier du deuil de l'enfant, et d'enlever un peu de douleur à la douleur.
Tels sont les objectifs de la présente proposition de loi.