RÉPUBLIQUE FRANÇAISE |
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Ministère de l'Europe et des affaires étrangères |
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TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
Projet de loi
autorisant l'approbation de la Résolution
n° 259 portant modification de l'article 1er
de
l'Accord portant création de la Banque européenne pour la
reconstruction
et le développement afin de permettre
l'élargissement limité et progressif
du champ d'action
géographique de la Banque
à l'Afrique subsaharienne et
à l'Irak
NOR : EAEJ2416403L/Bleue-1
ÉTUDE D'IMPACT
I. Situation de référence
L'Accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD)1(*) a été signé le 29 mai 1990 à Paris dans l'objectif de favoriser le développement d'économies de marché ouvertes et de promouvoir l'initiative privée et entrepreneuriale dans les pays de l'ex-Union des Républiques Socialistes et Soviétiques (URSS) situés en « Europe centrale et orientale », tel que défini à l'article 1er de l'Accord, sous réserve que ceux-ci s'engagent à mettre en pratique « les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de l'économie de marché ». Créée sur la base d'une idée promue par la France, la BERD, dont les opérations ont commencé en 1991, a constitué l'un des principaux soutiens aux économies des pays d'Europe centrale et orientale après l'effondrement du bloc communiste, favorisant l'entrée de plusieurs d'entre eux dans l'Union européenne (UE)2(*).
Opérant sur la base d'une acception extensive de son champ géographique d'opération initial, la Banque a progressivement augmenté le nombre de ses pays bénéficiaires, incluant par exemple des pays du Caucase et, en 2009, la Turquie. Elle a eu comme principal pays d'opération la Fédération de Russie, jusqu'à ce qu'elle cesse d'y entreprendre des investissements nouveaux en réaction à l'invasion de la Crimée en 2014 puis qu'elle lui interdise l'accès à ses ressources par mesure de rétorsion suite au déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022.
La BERD a vu son champ géographique d'opération potentiel faire l'objet de deux extensions, chacune autorisée par un amendement à l'article 1er de l'Accord. Le premier, pour lequel l'unanimité des actionnaires avait été jugé nécessaire, a été approuvé en 2006, a permis à la Banque d'étendre ses opérations à la Mongolie. Le second, approuvé en 2012 dans le sillage du mouvement de contestation dit du « Printemps arabe » lui a donné mandat pour intervenir dans « les pays membres de la partie méridionale et orientale du Bassin méditerranéen », ouvrant la voie au développement des activités de la Banque au Liban, en Tunisie, en Egypte, au Maroc, dans les territoires palestiniens et en Jordanie. Si aucun seuil d'approbation n'avait expressément été défini préalablement au vote des actionnaires, cet amendement a lui aussi été adopté à l'unanimité. Aujourd'hui, la BERD mène des opérations dans 36 pays.
La Banque, qui comptait 39 membres en 1991, en compte aujourd'hui 75. Le capital est partagé entre les 27 États membres de l'UE, la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement (représentant ensemble 54% du capital et des droits de vote), ainsi que des États hors-UE. Parmi ces derniers, se distinguent les États-Unis (10,1%), le Royaume-Uni (8,6%) et le Japon (8,6%). La France est le second actionnaire de la Banque après les Etats-Unis et détient la même part du capital de la Banque (8,6%) que l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon. Les décisions sont, dans la pratique, prises au consensus. Une majorité qualifiée de 66% est nécessaire pour toute décision structurante. Le volume annuel d'investissements de la Banque s'élevait à 13,1 milliards d'euros en 2022 et 20233(*).
La BERD est spécialisée dans le développement de projets de petite ou moyenne taille, en appui au secteur privé, bien qu'elle soutienne également des entités publiques. Les prêts, les prises de participation ainsi que les garanties constituent ses principaux instruments de financement.
II. Historique des négociations
A l'occasion de l'Assemblée annuelle 2019 de la BERD à Sarajevo, les Gouverneurs ont évoqué officiellement pour la première fois par la résolution n°219 la possibilité d'une expansion des opérations de la Banque en Afrique subsaharienne, appelant le Conseil d'administration à conduire des travaux d'analyse à ce sujet. Une première étude de faisabilité4(*) est réalisée la même année puis, l'année suivante, le Cadre stratégique et capitalistique 2021-2025 (Strategic and Capital Framework, SCF) de la BERD5(*)est unanimement adopté par les actionnaires et confirme un intérêt stratégique pour une extension limitée et incrémentale en Afrique subsaharienne dans des pays étroitement liés aux pays d'opération actuels de la Banque. Dans le cadre des travaux d'analyse effectués, des pays d'Afrique subsaharienne sont pré-identifiés au titre de leur proximité économique et géographique avec les pays d'intervention actuels et leur compatibilité de principe avec le mandat et le modèle opérationnel de la Banque ; initialement de dix6(*), leur nombre est finalement ramené à six7(*).
La décision d'entériner l'extension du mandat géographique de la BERD, d'abord envisagée pour 2021, fut finalement repoussée à 2022, priorité ayant été donnée à l'effort de la Banque pour soutenir ses pays d'opération à faire face aux effets de la pandémie de COVID-19.
La question a longtemps divisé, certains actionnaires s'inquiétant initialement qu'une expansion du mandat d'intervention de la Banque se fasse au détriment de son modèle opérationnel et de sa capacité à soutenir ses pays d'opération actuels. Des réticences ont, entre autres, été exprimées par des pays du Groupe des sept (G7), tels que le Canada et le Japon, mais aussi et surtout par des pays d'Europe centrale et orientale (en particulier la Pologne et les pays baltes). Les appréhensions de ces derniers ont été renforcées par le déclenchement de la guerre d'agression de la Russie en Ukraine, qui a rendu urgente une forte mobilisation de la Banque en faveur de l'Ukraine et des pays voisins affectés par les effets du conflit. Dans ce contexte, la question de l'expansion du mandat géographique est restée liée à celle de l'Ukraine. La France a fait preuve de volontarisme sur les deux dossiers. Pour l'Ukraine, elle a été à l'initiative d'un important travail de conciliation entre les actionnaires les plus pressants (Europe de l'Est, Allemagne) et les plus prudents (Etats-Unis, Japon). Pour l'Afrique sub-Saharienne, elle a fait partie des plus forts soutiens, plaidant notamment pour la pertinence du modèle de la BERD pour faire émerger un secteur privé fort en Afrique.
Ainsi, la résolution n°248 adoptée par les Gouverneurs lors de l'Assemblée annuelle 2022 (Marrakech, 10-12 mai)8(*), actant une décision de principe d'un élargissement du mandat géographique de la BERD à l'Afrique subsaharienne, rappelle en préambule que la priorité de la Banque est celle du soutien à l'Ukraine et de ses pays d'opération affectés par la guerre. Par la suite, plusieurs Etats, en particulier la Pologne, ont tenté de rouvrir les discussions et de conditionner une décision ferme à l'obligation d'un signal fort en faveur de l'Ukraine.
C'est finalement lors de l'Assemblée annuelle 2023 à Samarcande que les Gouverneurs de la Banque ont adopté, le 18 mai 2023, la résolution n° 2599(*) modifiant l'article 1er de l'Accord portant création de la BERD pour permettre à la Banque d'élargir de façon limitée et progressive son champ d'opération à l'Afrique subsaharienne et à l'Irak.
III. Objectif de l'amendement proposé
Dans sa version actuelle, l'article 1er de l'accord dispose que l'objet de la BERD est de contribuer « au progrès et à la reconstruction économiques des pays d'Europe centrale et orientale [ainsi qu'en] Mongolie et dans les pays membres de la partie méridionale et orientale du Bassin méditerranéen ». L'extension du champ géographique potentiel des activités de la Banque à l'Afrique subsaharienne exige dès lors d'amender l'article, comme ce fut le cas en 2006 pour la Mongolie et en 2012 pour « les pays membres de la partie méridionale et orientale du Bassin méditerranéen »10(*).
La résolution n°259 adoptée le 18 mai 2023 par le Conseil des Gouverneurs de la BERD propose, en ce sens, une modification de l'article 1er de l'Accord portant création de la BERD afin de permettre l'élargissement limité et progressif du champ d'action géographique de la Banque à l'Afrique subsaharienne et à l'Irak. La définition du terme « Afrique subsaharienne » correspond ici à celle retenue par le Groupe de la Banque mondiale11(*). L'inclusion de l'Irak dans le champ d'intervention de la Banque, telle que prévue dans la résolution n°259, ne nécessite quant à elle pas de modification du texte de l'article 1er dans la mesure où le terme « partie méridionale et orientale du Bassin méditerranéen » s'entendra désormais des pays qui donnent sur la Méditerranée, ainsi que la Jordanie et l'Irak.
Le caractère limité et progressif de l'expansion doit être assuré par les mesures détaillées dans le rapport du Conseil d'administration « Modification de l'article 1er de l'Accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement afin de permettre l'élargissement limité et progressif du champ d'action géographique de la Banque à l'Afrique subsaharienne et à l'Irak » présenté au Conseil des Gouverneurs lors de l'Assemblée annuelle de la Banque à Samarcande (16 au 18 mai 2023).
En vertu de cette disposition, la Banque pourra intégrer parmi ses pays bénéficiaires, en plus de l'Irak, au maximum six pays d'Afrique subsaharienne d'ici 2030 et ne pourra y effectuer aucun investissement avant 2025 ». Six pays d'Afrique subsaharienne (le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Kenya, le Nigéria et le Sénégal) ont été pré-identifiés comme candidats possibles par la Banque, sur la base de leur conformité avec les critères suivants :
(i) « être jugé, sur la base d'une analyse préliminaire, comme étant attaché aux principes de la démocratie multipartite, du pluralisme et de l'économie de marché, tels qu'énoncés à l'article 1, et les appliquer » ;
(ii) « avoir un rapport et des liens particuliers avec les pays d'opérations actuels de la Banque » ;
(iii) « présenter une situation économique et politique propice au déploiement du mandat et du modèle opérationnel de la BERD. » Aucune demande de statut de pays bénéficiaire émanant d'un autre pays d'Afrique subsaharienne ne sera prise en compte jusqu'à 2025.
A partir de 2026, de nouvelles demandes pourront être soumises au Conseil des Gouverneurs, sous réserve que moins de six pays subsahariens soient devenus pays d'opération. Dans ce contexte, toute extension supplémentaire nécessitera un vote affirmatif d'au moins trois quarts du nombre de Gouverneurs, représentant au moins les quatre cinquièmes du nombre total des voix attribuées aux Membres. Il s'agit là d'un renforcement de la règle de double majorité prévue au titre de l'article 1er.
IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de cet amendement
L'amendement emporte des conséquences financières (a.) et économiques (b.) significatives. Il entraîne également des conséquences opérationnelles (c.) ; environnementales (d.) et juridiques (f.) qui méritent d'être mentionnées.
a. Conséquences financières
Lors des discussions préalables à l'élargissement du périmètre d'opération de la BERD, les membres ont tenu à rappeler une double condition à cette extension : d'une part, elle ne devra pas se faire au détriment opérationnel ou financier des pays actuels d'opération, et d'autre part, elle ne saurait mettre en péril l'équilibre économique de la Banque. La garantie a ainsi été donnée qu'aucune nouvelle augmentation de capital ne serait nécessaire pour couvrir le coût de cette extension : le modèle économique robuste de la BERD, basé sur la sélection de projets rentables et l'apport de financements non concessionnels, permet d'envisager un apport financier conséquent à la nouvelle région d'opération dans le cadre des ressources déjà accordées à la Banque par ses actionnaires.
Il convient en outre de rappeler que l'augmentation de capital approuvée le 15 décembre 202312(*) est décorrélée de la future expansion géographique de la Banque. Cette augmentation de quatre milliards d'euros de son capital versé permettra notamment à la Banque de poursuivre son action en Ukraine.
Le présent amendement n'emporte donc aucune conséquence financière pour les actionnaires en général et pour la France en particulier. L'extension du mandat d'opération de la BERD permettra en revanche d'apporter des ressources nouvelles et une expertise précieuse aux pays d'Afrique sub-Saharienne. Elle constituera également pour la Banque une occasion, en s'ouvrant à de nouvelles géographies, de s'implanter dans une zone susceptible de constituer pour elle un relais de croissance dans un scenario où certains pays d'opération historiques devraient, à terme, présenter des besoins moins importants. L'horizon stratégique de long terme de la Banque s'en trouvera élargi.
b. Conséquences économiques
Les conséquences économiques de l'approbation de cet amendement par les membres de la BERD ne concernent par principe que les futurs pays d'opération. La capacité de la Banque à soutenir ses pays d'opération actuels ne devrait pas être entravée dans la mesure où l'expansion sera limitée à un maximum de six pays d'Afrique subsaharienne en plus de l'Irak et aucun investissement dans de nouveaux pays d'opération ne sera envisagé avant 2025.
Les études de faisabilité conduites par la Banque ont toutes repris la classification des potentiels nouveaux membres d'Afrique subsaharienne en trois catégories :
· Les pays de type 1 (Bénin), où l'activité de la Banque est susceptible de croître plus lentement et demeurer modeste sur le long-terme compte tenu des fragilités ;
· Les pays de type 2 (Côte d'Ivoire, Ghana, Sénégal), où l'activité pourrait atteindre un volume modéré ;
· Les pays de type 3 (Kenya, Nigéria), où l'activité présenterait un potentiel de croissance fort et rapide.
Deux scénarios ont été élaborés pour chaque catégorie de pays :
i) un scénario modéré dans lequel les objectifs annuels d'investissements de la BERD par catégorie (respectivement 20 millions, 100 millions et 280 millions d'euros pour les catégories 1, 2 et 3) seraient atteints en sept ans ;
ii) un scénario accéléré dans lequel les objectifs seraient de 20% plus élevés que dans le scénario modéré et où le niveau d'équilibre serait atteint en cinq ans.
Eu égard aux effets de l'entrée en vigueur de l'amendement de l'article 1er à partir de 2025, les pays de la région qui en auront fait la demande et dont la candidature aura été jugée conforme aux principes énoncés dans l'article 1er de l'Accord portant création de la BERD pourront bénéficier de l'action de la BERD. Celle-ci se déclinera selon deux axes : d'une part le financement de projets par le biais de prêts et de participations, et d'autre part le dialogue avec les autorités sur leurs politiques publiques. Selon les propres estimations de la BERD, le volume d'opération qui pourrait être réalisé dans la région, à capital constant et sans mettre en risque les équilibres financiers de la banque, pourrait atteindre, à terme jusqu'à 1,2 milliard d'euros par an au bout de la cinquième année d'opérationnalisation de l'expansion.
La spécificité de l'action de la BERD se situe dans la concentration de ses investissements dans le secteur privé, qui représente aujourd'hui de l'ordre de 75% de son portefeuille. En outre, aux termes de l'article 13 de l'Accord portant création de la BERD, ses investissements doivent respecter trois principes : ils doivent contribuer à la transition vers l'économie de marché, être additionnels - c'est-à-dire ne pas se substituer aux financements privés, ce qui conduit la Banque à développer ses activités dans les domaines où les capitaux privés sont rares - et être individuellement rentables, dans une optique de saine gestion bancaire.
Les principales interventions de la BERD sont traditionnellement réparties entre le soutien au secteur bancaire, le développement durable (projets dans le domaine de l'énergie et des transports notamment) et le développement des investissements privés en général. Dans le cadre de son intervention en Afrique subsaharienne et en Irak, son action sera guidée par le souci de dynamiser le développement des petites et moyennes entreprises (PME) et du secteur privé en général, afin de favoriser la création d'emplois, et de renforcer le secteur financier et les infrastructures locales.
c. Conséquences opérationnelles
L'entrée en vigueur de l'amendement proposé entraînera un développement de l'activité de la BERD dans des pays où elle n'était historiquement pas présente, avec un début des opérations prévu en 2025. La réplication du modèle économique de la BERD, basé sur une forte présence sur le terrain (trente-six bureaux répartis sur sa zone actuelle d'opération), nécessitera d'importants recrutements d'agents et de cadres13(*), avec un souci d'incorporer le plus grand nombre d'agents locaux et de spécialistes des économies de la région. Le modèle opérationnel utilisé en Afrique du Nord et sur le Bassin méditerranéen sera naturellement adapté à un environnement sensiblement différent, et encore instable14(*).
L'approche « graduée » envisagée pour l'intervention dans la région permettra à la Banque de se familiariser avec les particularités locales et d'engager le dialogue avec les acteurs locaux et les futurs clients. Plusieurs missions sur le terrain, nécessaires à l'examen des candidatures des pays, ont en outre déjà été effectuées ou sont en cours. Enfin, la BERD approfondit d'ores et déjà ses relations de travail avec les institutions déjà présentes dans la région et notamment avec la Banque Africaine de Développement.
d. Conséquences environnementales
L'extension du mandat d'opération géographique de la Banque devrait à priori emporter des conséquences globalement positives pour l'environnement et le climat, dans la mesure où elle contribuera au développement des nouveaux pays d'opération tout en accordant une attention particulière à la durabilité des projets. La BERD, l'une des banques multilatérales les plus avancées en matière de « finance climat », vise en effet à promouvoir un développement durable de ses pays bénéficiaires. Selon les informations publiées par la Banque15(*), tous les investissements effectués depuis le 1er janvier 2023 sont alignés sur l'Accord de Paris du 12 décembre 201516(*). En outre, selon les dernières éditions du « Rapport conjoint des banques multilatérales de développement sur la finance climatique »17(*), environ la moitié du portefeuille d'opérations de la Banque répond aux critères de la « finance climat », en faisant ainsi l'une des institutions les plus avancées en la matière.
Pour les secteurs de l'énergie et minier, à fort potentiel de pollution, la BERD a récemment actualisé ses stratégies afin de mieux prendre en compte les considérations environnementales. Ainsi, si la stratégie de la BERD 2024-2028 pour le secteur de l'énergie ne prévoit pas de cessation des financements pour les énergies fossiles dans l'immédiat, des efforts significatifs sont prévus pour intensifier l'engagement déjà fort de la Banque en faveur de la transition énergétique.
e. Conséquences juridiques
Jusqu'à présent, l'Accord portant création de la BERD a fait l'objet de deux amendements visant à étendre le champ d'intervention géographique de la Banque. Approuvé officiellement en 2006, un premier amendement a permis à la BERD d'étendre ses opérations à la Mongolie ; un second amendement, approuvé en 2012, a autorisé une expansion du champ d'intervention de la Banque dans la partie méridionale et orientale du bassin méditerranéen. Aucune modification du droit interne n'avait été nécessaire dans un cas comme dans l'autre. Il en sera de même pour le présent amendement.
En dehors des dispositions devant être prises afin de permettre l'approbation de l'amendement par la Commission européenne et la Banque européenne d'Investissement, en tant que membres actionnaires de la BERD, le droit communautaire ne sera pas impacté. Dès lors qu'il s'agit, pour la France en tant qu'Etat membre de la BERD de donner son consentement à une modification du statut de cette organisation aux fins d'étendre le champ d'intervention géographique de la Banque, le texte est pleinement conforme au droit de l'Union. Une telle mesure relève effectivement de sa compétence nationale. Il est à noter que, par ailleurs, l'Union européenne est également membre de la BERD.
Quant aux conséquences juridiques sur les pays bénéficiaires de l'action de la BERD, il convient de noter que ceux-ci sont tenus de respecter les « principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de l'économie de marché ».
Un quorum est nécessaire pour l'adoption du présent amendement (trois quarts des actionnaires représentant 80% du capital). A raison que ce quorum ne soit pas atteint, quel que soit la ratification de l'accord par la France, la Banque serait alors dans l'incapacité de débuter ses opérations dans les pays concernés par l'expansion
V. État des signatures, ratifications et entrée en vigueur
L'article 56 de l'accord portant création de la Banque prévoit que tout amendement aux statuts soit d'abord approuvé par le Conseil des Gouverneurs. Une fois la résolution approuvée par le Conseil des Gouverneurs, la proposition d'amendement doit être adoptée par un vote de tous les actionnaires de la Banque avec des seuils qui diffèrent en fonction de la nature de l'amendement. En l'espèce, l'amendement n'ayant d'incidence que sur le champ d'action géographique de la Banque et non sur l'objet et les missions de la Banque, ce sont les stipulations du 1 de l'article 56 qui sont applicables et non celles du i) du 2 de ce même article. Par conséquent, l'amendement devra être approuvé par les trois quarts au moins des membres disposant des quatre cinquièmes au moins du nombre total des voix attribuées. A la suite de l'adoption de la résolution n°259 par le Conseil des Gouverneurs de la BERD le 18 mai 2023, l'amendement à l'Accord portant création de la BERD a été soumis à l'approbation de l'ensemble des actionnaires. Au 8 novembre 2024, 41 actionnaires représentant 63,8% du capital ont procédé à la ratification de l'amendement18(*). Pour mémoire, une double majorité des trois quarts des actionnaires (57/75) représentant quatre cinquièmes du capital est requise (l'entrée en vigueur intervenant trois mois après la notification par le Secrétariat général de l'atteinte de ces seuils)19(*).
Une fois l'article 1er amendé, les Gouverneurs seront à nouveau sollicités pour approuver le passage de statut de membre à celui de pays d'opération selon les règles fixées par l'article 1er, à savoir une approbation par deux tiers au moins des membres disposant de trois quarts au moins du nombre total des voix attribuées.
S'agissant de la France, la ratification de cet amendement requiert une procédure d'autorisation parlementaire. Conformément à la jurisprudence combinée du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat, le présent amendement constitue effectivement une modification substantielle de l'accord initial créant la BERD ce qui le fait rentrer dans le champ de l'article 53 de la Constitution20(*).
* 1 L'Accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a été signé le 29 mai 1990 à Paris.
* 2 République Tchèque, Pologne, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Slovaquie, Slovénie, Croatie, Estonie, Lettonie, Lituanie.
* 3 Chiffres fournis par la BERD
* 4 Cette étude de faisabilité évalue les perspectives de croissance de l'activité de la BERD (voir au IV b) de la présente étude d'impact)
* 5 Cadre stratégique et capitalistique 2021-2025, 2020.
* 6 Benin, Burkina Faso, Liberia, Sierra Leone, Côte d'Ivoire, Ethiopie, Ghana, Sénégal, Kenya et Nigeria
* 7 Bénin, Côte d'Ivoire, Ghana, Kenya, Nigéria et Sénégal
* 8 Résolution n°248 « Vers un élargissement limité et progressif du champ d'action géographique de la BERD à l'Afrique subsaharienne et à l'Irak », 11 mai 2022
* 9 Résolution n°259 « modification de l'article 1er de l'accord portant création de la banque européenne pour la reconstruction et le développement afin de permettre l'élargissement limité et progressif du champ d'action géographique de la banque à l'Afrique subsaharienne et à l'Irak », 11 mai 2022
* 10 Les amendements autorisant ces deux extensions successives ont chacun fait l'objet d'une procédure d'autorisation parlementaire (cf notamment Projet de loi autorisant l'approbation des amendements à l'article 1er et à l'article 18 de l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, n° 4219, déposé le 25 janvier 2012).
* 11 Liste des pays d'Afrique subsaharienne retenue par le Groupe de la Banque mondiale.
* 12 Résolution n°265 adoptée le 15 décembre 2023
* 13 De l'ordre d'une dizaine d'agents
* 14 En termes budgétaires, l'ouverture de bureaux et le recrutement d'agents devrait générer des dépenses supplémentaires, rapidement compensées par le financement de projets, lesquels entraîneront des recettes supplémentaires.
* 15 Methodology to determine the Paris Agreement alignment of EBRD investments, décembre 2022.
* 16 Accord de Paris du 12 décembre 2015
* 17 Rapport conjoint des banques multilatérales de développement sur la finance climatique »
* 18 Dans le détail : Albanie, Algérie, Arménie, Autriche, Bénin, BEI, Bulgarie, Commission européenne, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Etats-Unis, Finlande, Géorgie, Allemagne, Hongrie, Islande, Japon, Jordanie, Corée, Kosovo, République kirghize, Liechtenstein, Malte, Monténégro, Maroc, Pays-Bas, Macédoine du Nord, Norvège, Pologne, Roumanie, Serbie, République slovaque, Slovénie, Espagne, Suède, Tunisie, Émirats arabes unis, Royaume-Uni.
* 19 80% au moins de l'actionnariat doit être représenté par les 56 actionnaires qui ratifient.
* 20 Conseil constitutionnel, Décision n°92-308 DC du 9 avril 1992 ; Conseil d'Etat, assemblée générale, avis du 31 octobre 1991, n°350848.