Étude d'impact au format PDF (410 Koctets)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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Ministère de l'Europe
et des affaires étrangères
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Projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement
de la République française et le Conseil fédéral suisse
relatif à la coopération bilatérale en matière
d'instruction militaire
NOR : EAEJ1935662L/Bleue-1
ÉTUDE D'IMPACT
I - Situation de référence
La coopération en matière de défense avec la Suisse, fondée sur deux accords intergouvernementaux signés en 1997 et 2003 1 ( * ) , est une coopération mesurée en raison des différences sur le plan stratégique et opérationnel 2 ( * ) , mais de qualité, favorisée par la proximité géographique entre les deux Etats.
Respectant la neutralité suisse 3 ( * ) , cette coopération bilatérale en matière de défense est largement fondée sur l'instruction militaire pour les activités avec l'armée de terre qui comprend l'ensemble des activités d'instruction et de formation, ainsi que les exercices et entraînements, notamment dans les zones transfrontalières alpines, ayant pour but de faire acquérir au personnel militaire ou civil des forces armées les qualités nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
La coopération dans le domaine aérien est également particulièrement développée 4 ( * ) .
Elle comprend des actions de coopération transfrontalière en matière de police du ciel, ainsi que d'entraînement et de formation conjoints de pilotes de chasse 5 ( * ) , en contrepartie de laquelle la Suisse bénéficie de moyens de ravitaillement en vol et de transport tactique de la France.
La conclusion de l'accord intergouvernemental entre la France et la Suisse s'inscrit dans un contexte de refonte du cadre juridique bilatéral en vigueur dans le domaine de la défense. Des amendements significatifs de plusieurs des stipulations des accords de 1997 et 2003, portant sur l'instruction militaire, sont apparus nécessaires du fait de l'évolution de la coopération. Il est en outre pertinent d'inscrire dans un seul et même texte rénové, l'ensemble du cadre juridique de la coopération.
II - Historique des négociations
Initiée à la fin de l'année 2017, l'adoption d'un nouvel accord de coopération en matière de défense visait à éviter l'amendement fastidieux des accords existants, qui aurait nécessité de nombreuses et importantes modifications. En conséquence, la ministre des armées et son homologue suisse sont convenus de refondre le cadre bilatéral de cette coopération en concluant un nouvel accord intergouvernemental, dont la finalité est également d'étendre les champs de la coopération à de nouveaux domaines stratégiques dans le domaine de la défense (tels que la cyberdéfense, le spatial militaire, la protection nucléaire, radiologique, biologique et chimique)et d'abroger les deux accords susmentionnés.
Les négociations de ce projet entre les directions des affaires juridiques du ministère des armées français et du département fédéral de la défense suisse se sont poursuivies durant le premier semestre 2018 et un projet d'accord a été finalisé en juin 2018. Après les consultations interministérielles requises et d'ultimes ajustements à la rentrée, les parties ont donné leur accord sur la version finale du texte qui a été signé le 23 novembre 2018 par les deux ministres au nom de leurs gouvernements respectifs.
III - Objectifs de l'accord
Cet accord, rédigé de manière réciproque, reprend les stipulations classiques des accords de coopération conclus dans le domaine de la défense, tout en tenant compte de la neutralité de la Suisse, au nom de laquelle la Confédération helvétique ne s'engage pas dans les conflits internationaux hormis lorsqu'il s'agit d'opérations humanitaires sous mandat onusien ou dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il fixe ainsi l'ensemble des modalités de la coopération franco-suisse en matière de défense. Il doit permettre de renforcer la coopération entre les forces armées des deux parties en donnant un cadre juridique fiable, exhaustif et modernisé aux activités menées.
Il couvre largement les domaines de coopération en matière de défense 6 ( * ) , notamment l'organisation et le fonctionnement des forces, la formation et l'instruction des membres du personnel des parties, l'encadrement d'exercices et entraînements conjoints dans les installations respectives des Parties, ainsi que la coopération en matière d'armement.
L'accord prévoit notamment l'accomplissement d'activités d'instruction et de formation, la tenue de réunions, de conférences et de programmes d'instruction sur des sujets d'intérêt commun (soutien logistique, armement et équipement militaire, cyberdéfense, etc.), l'accomplissement d'activités dans le domaine du droit international humanitaire, l'envoi d'observateurs dans les exercices ou bien encore l'accomplissement d'activités sportives et culturelles militaires.
Outre les clarifications sur les domaines de coopération, ce nouvel accord précise le statut des membres du personnel français et suisses déployés sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre des activités de coopération, en se référant aux stipulations du SOFA PpP 7 ( * ) (accord sur le statut des forces).
IV - Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord
a. Conséquences juridiques :
§ Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes
Les stipulations de l'accord sont pleinement compatibles avec les engagements pris par la France dans le cadre des Nations unies (articles 2 et 51 de la Charte des Nations unies 8 ( * ) ) et ceux existant dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). En effet, le traité de Washington du 4 avril 1949 9 ( * ) n'exclut pas la possibilité pour un État partie au traité de l'OTAN de conclure des accords avec des États tiers, pour autant qu'ils ne soient pas en contradiction avec ledit traité (article 8) 10 ( * ) . De même, les stipulations sont compatibles avec l'article 42, paragraphe 2 du traité sur l'Union européenne qui dispose que la politique de sécurité et de défense commune « n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres ».
L'accord entre la France et la Suisse précise à son article 4 que la coopération prévue par celui-ci s'inscrit dans le champ de la Convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord et les autres Etats participant au Partenariat pour la Paix sur le statut de leurs forces, dit « SOFA PpP », et à son protocole additionnel du 19 juin 1995 11 ( * ) , à laquelle les deux Etats sont parties. Cette Convention, qui prévoit l'application de celle du 19 juin 1951 entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces 12 ( * ) (SOFA OTAN), fixe le statut des membres du personnel et des personnes à charge présents sur le territoire de la partie d'accueil dans le cadre de l'accord, ainsi que le règlement des demandes d'indemnités en cas de dommages.
Par ailleurs, l'entrée en vigueur de l'accord aura pour effet d'abroger les accords en vigueur signés en 1997 et 2003 ( article 20 ). Le traitement des informations classifiées produites ou échangées dans le cadre de la coopération, s'effectuera conformément à l'accord relatif à l'échange et la protection réciproque des informations classifiées en vigueur avec la Suisse, signé à Soleure le 16 août 2006 13 ( * ) ( article 5 ).
Enfin, l'accord renvoie, pour sa mise en oeuvre, à la conclusion de textes d'application spécifiques (accords, arrangements techniques et documents conjoints de procédure), en particulier pour déterminer les modalités pratiques d'activités de coopération.
§ Articulation avec le droit de l'Union européenne
Les stipulations du présent accord sont conformes au droit de l'Union européenne (UE). Ainsi elles sont compatibles avec le paragraphe 2 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne qui dispose que la politique de sécurité et de défense commune « n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres ». Les Etats membres de l'UE restent compétents pour signer des accords de coopération dans le domaine de la défense avec des Etats tiers. Par ailleurs, le contenu de l'accord est conforme au droit de l'UE et n'a aucun effet, pour la France, sur la mise en oeuvre d'une politique de l'UE en particulier.
• Articulation avec le droit interne
Cet accord ne nécessite aucune modification ou adaptation de l'ordonnancement juridique français, ni l'adoption de dispositions législatives ou règlementaires nouvelles. Il pose le principe du respect de la législation de la partie d'accueil par les personnels de la partie d'envoi présents sur son territoire (article 6).
b. Conséquences économiques, fiscales et financières :
Cet accord offre un socle solide pour le renforcement de la coopération en matière de défense avec la Suisse et soutient l'effort d'interopérabilité entre les forces armées, effort facilité par des capacités militaires reposant sur des systèmes similaires. La réforme en cours de l'armée suisse, qui se traduit notamment par l'augmentation constante du budget alloué à ses forces armées pour améliorer la disponibilité de ses moyens 14 ( * ) , devrait induire de nouveaux investissements, dont une part consacrée au renouvellement de la défense aérienne.
La France concourt ainsi sur deux marchés dans le cadre d'appels d'offres suisses lancés en 2018 pour le nouvel avion de combat et le renouvellement des systèmes de défense sol-air 15 ( * ) . Cela concerne notamment le programme Air2030 relatif au renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien. En matière d'exportations d'armements avec la Suisse en général, les prises de commande de 2009 à 2018 représentent 209,3 M€ (courants). Le dernier contrat majeur d'armement remporté par la France concerne l'acquisition des Mirage IIIS et IIIRS dans les années 1980 (montant : 1450M CHF). Depuis, les principales exportations ont été le système de radars de surveillance et de détection FLORES. Sporadiquement, l'industrie de défense française est retenue pour des appels d'offres de moindre envergure 16 ( * ) .
En matière fiscale et en application de la convention et de son protocole additionnel en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales du 9 septembre 1966 et leurs amendements successifs 17 ( * ) , l'article 14 de l'accord précise que la domiciliation fiscale des membres du personnel et de leurs personnes à charge présents sur le territoire de l'Etat d'accueil est maintenue dans l'Etat d'origine.
D'un point de vue financier enfin, le présent accord n'emporte pas de conséquences notables puisque chaque partie prend à sa charge les frais induits par sa participation aux activités de coopération. Bien que l'accord prévoie la possibilité de mise à disposition d'équipements et de fourniture de prestations à titre gratuit, les dépenses engagées par les parties au titre de la coopération n'ont pas vocation à excéder celles relevant du fonctionnement courant de l'administration. La coopération devrait en conséquence conserver son volume financier actuel, sans peser sur les finances publiques.
Afin d'assurer l'équilibre global des charges entre les parties concernant les prestations et mises à disposition à titre gratuit et les mesures prises par les parties pour faciliter la coopération (article 12), les contributions font l'objet d'un bilan annuel.
c. Conséquences administratives :
La mise en oeuvre de cet accord n'aura pas de conséquence pour l'administration française. Elle n'implique pas d'augmentation des moyens humains ou administratifs, ni de modification de l'organisation du ministère des armées.
V - Etat des signatures et ratifications
L'accord a été signé le 23 novembre 2018 à Paris par la ministre des armées, Florence Parly, et son homologue suisse, Guy Parmelin, chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports.
Les procédures nationales suisses nécessaires à l'entrée en vigueur de cet accord ont été finalisées. Une notification par la voie diplomatique a été adressée en ce sens par les autorités suisses à la France par lettre du 25 février 2019.
VI - Déclarations ou réserves
Sans objet.
* 1 Décret n° 2004-115 du 2 février 2004 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif aux activités communes d'instruction et d'entraînement des armées françaises et de l'armée suisse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000611844&categorieLien=cid
Accord relatif aux activités bilatérales d'entraînement et d'échanges entre l'armée de l'air française et les forces aériennes suisses, signé le 14 mai 1997.
* 2 La Suisse est un Etat neutre, non membre de l'Union européenne, ni de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Elle dispose d'une armée de milice dont la vocation est d'instruire les citoyens souscrits au service militaire à l'emploi des armes qui serviront à assurer la sécurité et la protection du pays.
* 3 Le périmètre de l'accord est circonscrit au cadre de l'entraînement et de l'instruction, et ne couvre ni la planification, ni la préparation, ni l'exécution d'opérations de combat ou d'autres opérations militaires. L'engagement militaire hors du territoire suisse impliquant des actions de combat destinées à l'imposition de la paix étant exclu.
* 4 Décret n° 2005-1104 du 5 septembre 2005 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération en matière de sûreté aérienne contre les menaces aériennes non militaires, signé à Berne le 26 novembre 2004 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000240345&categorieLien=cid
Décret n° 2015-1001 du 18 août 2015 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à l'établissement d'une zone transfrontalière d'entraînement entre la France et la Suisse (ensemble une annexe), signé à Payerne le 25 février 2015 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031056528&categorieLien=id
Décret n° 2013-1062 du 25 novembre 2013 portant publication du traité relatif à l'établissement du bloc d'espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d'Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse, signé à Bruxelles le 2 décembre 2010 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028242947&categorieLien=id
* 5 Deux instructeurs suisses sur aéronefs Pilatus PC-21 sont accueillis à tour de rôle en France sur une période de trois ans entre 2019 et 2021. Trois pilotes français ont également été formés en Suisse.
* 6 Les différents champs de la coopération sont décrits dans l'article 3 de l'accord.
* 7 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000752646&categorieLien=id
* 8 http://www.un.org/fr/charter-united-nations/
* 9 Décret n° 49-1271 du 4 septembre 1949 portant publication du traité de l'Atlantique Nord, signé à Washington ýle 4 avril 1949 ý :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000496238
* 10 http://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_17120.htm : « Article 8 : Chacune des parties déclare qu'aucun des engagements internationaux actuellement en vigueur entre Etats n'est en contradiction avec les dispositions du présent Traité et assume l'obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le Traité ».
* 11 Décret n° 2000-269 du 17 mars 2000 portant publication de la convention entre les États parties au traité de l'Atlantique-Nord et les autres États participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces (ensemble un protocole additionnel), faite à Bruxelles le 19 juin 1995 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000752646&categorieLien=id
* 12 Décret n° 52-1170 du 11 octobre 1952 portant publication de la convention entre les Etats parties au ýtraité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951ý :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000327337
* 13 Décret n° 2007-197 du 13 février 2007 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à l'échange et la protection réciproque des informations classifiées, signé à Soleure le 16 août 2006 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000640885&categorieLien=cid
* 14 Les principaux systèmes militaires suisses arrivent en fin de vie à l'horizon 2025-2035. En conséquence, le Conseil fédéral a décidé une augmentation annuelle du budget de l'armée de 1,4% pendant dix années afin de pouvoir consacrer au total 15 Md CHF à l'acquisition de nouveaux systèmes.
* 15 Les offres de coopération étatique, en accompagnement des prospects RAFALE et SAMP/T ont été remises en janvier et mars 2019. Le choix de Berne n'est cependant pas attendu avant le printemps 2021.
* 16 Le détail par année figure dans le rapport au Parlement sur les exportations d'armement de la France, édition 2019.
* 17 Décret n° 2010-1532 du 10 décembre 2010 portant publication de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 9 septembre 1966 (et son protocole additionnel), modifiée par l'avenant signé à Paris le 3 décembre 1969 et par l'avenant signé à Paris le 22 juillet 1997, signé à Berne le 27 août 2009 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023218006&categorieLien=id
Décret n° 2016-534 du 29 avril 2016 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse modifiant le protocole additionnel à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales, signé à Berne le 25 juin 2014 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032482040&categorieLien=id