ESPAGNE



La laïcisation des institutions proclamée par la Constitution de 1978 constitue une rupture par rapport au passé , aussi bien récent que plus lointain.

En effet, la période franquiste s'était caractérisée par le monopole religieux de l'Église catholique et par son emprise sur l'ensemble de la société. Auparavant, si l'on excepte le bref épisode de la Seconde République, qui avait instauré la déconfessionnalisation de l'État et la liberté religieuse, depuis le règne des rois catholiques, l'Espagne a toujours constitué une société catholique particulièrement homogène.

La séparation actuelle de l'Église et de l'État n'exclut cependant pas la référence expresse à l'Église catholique dans la Constitution.

Il n'existe aucune statistique sur l'appartenance religieuse, puisque la Constitution empêche que de telles informations soient collectées. On peut cependant estimer que plus de 90 % de la population est baptisée dans la religion catholique.

1) Les dispositions constitutionnelles relatives à la religion

a) L'interdiction de toute discrimination religieuse

Considérée comme un droit fondamental, elle est garantie par l'article 14 de la Constitution : « Les Espagnols sont égaux devant la loi : ils ne peuvent faire l'objet d'aucune discrimination pour des raisons de naissance, de race, de sexe, de religion, d'opinion ou pour n'importe quelle autre raison ou circonstance personnelle ou sociale. »

b) La liberté religieuse

Elle fait l'objet des alinéas 1 et 2 de l'article 16 :

« 1. La liberté idéologique, religieuse et de culte des individus et des communautés est garantie, sans autres limitations, quant à ses manifestations, que celles qui sont nécessaires au maintien de l'ordre public protégé par la loi.

» 2. Nul ne pourra être obligé à déclarer son idéologie, sa religion ou ses croyances. »

En tant que droit fondamental de premier rang, la liberté religieuse jouit d'une garantie renforcée (application directe, suspension impossible en cas de crise, protection judiciaire grâce à une procédure spécifique...).

c) L'enseignement privé

L'article 27 de la Constitution proclame notamment la liberté de l'enseignement, qui ne constitue donc pas un monopole de l'État.

D'après l'article 27-6, « la liberté de créer des établissements d'enseignement, dans le respect des principes constitutionnels, est reconnue aux personnes physiques et morales », tandis que l'article 27-9 prévoit que « les pouvoirs publics aideront les établissements d'enseignement réunissant les conditions établies par la loi ».

d) L'instruction religieuse

Objet de l'article 27 - 3 , elle est facultative pour les élèves, mais l'école publique doit offrir un enseignement religieux à tous les niveaux : « Les pouvoirs publics garantissent le droit des parents à ce que leurs enfants reçoivent la formation religieuse et morale en accord avec leurs propres convictions. »

e) La reconnaissance des cultes

L'article 16 - 3 nie l'existence de toute religion d'État, mais affirme la nécessaire collaboration entre l'État et les différentes communautés religieuses et souligne implicitement la place privilégiée de l'Église catholique : « Aucune confession n'aura le caractère de religion d'État. Les pouvoirs publics tiendront compte des croyances religieuses de la société espagnole et entretiendront de ce fait des relations de coopération avec l'Église catholique et les autres confessions . »

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Tous ces principes constitutionnels sont repris dans la loi organique du 5 juillet 1980 relative à la liberté religieuse .

2) Les relations entre l'État et les communautés religieuses

a) L'Église catholique

Le 4 décembre 1979, l'État espagnol a conclu quatre accords avec le Saint-Siège . Il s'agit de traités internationaux. En vertu de l'article 93 de la Constitution, ils s'imposent donc au législateur.

Portant respectivement sur les questions juridiques , les questions économiques, l'enseignement et les questions culturelles , ainsi que sur l'assistance religieuse aux forces armées et sur le service militaire des membres du clergé, ils constituent en quelque sorte un concordat.

Dès l'article premier, l'accord relatif aux questions juridiques affirme le régime particulier de l'Église catholique : il reconnaît la personnalité morale de la conférence épiscopale, des circonscriptions territoriales de l'Église catholique, ainsi que des ordres, congrégations et institutions qui en jouissaient auparavant.

b) Les autres communautés religieuses

En application de la loi organique de 1980, l'État espagnol peut conclure des accords de coopération avec les communautés religieuses, dans la mesure où elles sont enregistrées par le ministère de la Justice et où elles peuvent justifier de leur enracinement en Espagne.

L'enregistrement des communautés religieuses auprès du ministère de la Justice est lié à la réalité de leurs fins religieuses, de leur implantation en Espagne, ainsi qu'à leurs modalités d'organisation et de fonctionnement. Il confère la personnalité morale. Quant au critère de l'enracinement, il est apprécié de façon discrétionnaire par la commission consultative relative à la liberté religieuse, dont la création est prévue par la loi organique de 1980 et qui est régie par deux textes réglementaires postérieurs. Cette commission réunit :

- des représentants des différents ministères concernés (Justice, Intérieur, Éducation...) ;

- des représentants des principales confessions, désignés par le ministère de la Justice ;

- des spécialistes des questions religieuses.

Les accords avec les communautés religieuses enregistrées doivent être ratifiés par le Parlement. Jusqu'à présent, trois accords de coopération ont été conclus en 1992 : avec la Fédération des églises protestantes , avec la Fédération des communautés juives , et avec les communautés islamiques . Ils établissent les modalités pratiques de la coopération entre les signataires : appartenance des ministres du culte au régime général de sécurité sociale, reconnaissance des effets civils des mariages religieux, droit de créer des aumôneries...

Les communautés religieuses qui n'ont pas conclu d'accord avec l'État fonctionnent comme des associations de droit privé.

3) Le financement des dépenses des communautés religieuses

a) L'Église catholique

La plupart des règles découlent de l'application des quatre accords conclus avec le Saint-Siège, et en particulier de l'accord relatif aux questions économiques.

Cet accord autorise l'Église catholique à recueillir des fonds de ses fidèles. En outre, il prévoit que l'État, tout en respectant le principe de liberté religieuse, assure à l'Église catholique son « soutien économique ». Aux termes de l'accord, ce soutien est à la fois direct et indirect.

L'affectation d'une partie du produit de l'impôt sur le revenu

L'accord relatif aux questions économiques, repris par la loi de finances pour 1988, a introduit un nouveau mécanisme de financement de l'Église catholique.

Depuis 1991, il permet à chaque contribuable d'affecter 0,5239 % de son impôt sur le revenu à l'Église catholique ou à des organisations non gouvernementales , pour leur permettre de financer leurs activités sociales (aide aux personnes âgées, aux toxicomanes, coopération internationale...). Cette fraction de l'impôt sur le revenu n'est attribuée à l'Église catholique que si le contribuable en exprime le souhait explicite. À défaut d'une telle option, elle est affectée aux organismes qui poursuivent des fins sociales. Cette ressource, qui se substitue à la traditionnelle subvention annuelle, permet à l'Église catholique d'être financée uniquement par les personnes qui le désirent, et non pas par tous les contribuables.

Initialement, le pourcentage a été déterminé de telle façon que, en admettant que tous les contribuables choisissent de verser une partie de leur impôt sur le revenu à l'Église catholique, celle-ci reçoive la même somme que celle que l'État lui attribuait auparavant. Il n'a jamais été modifié, et la loi de finances de chaque année comporte une disposition relative à l'affectation d'une partie de l'impôt sur le revenu à l'Église catholique. La formulation en est restée longtemps inchangée. Cependant, la loi de finances pour 2000 l'a modifiée pour tenir compte de la réforme de l'impôt sur le revenu adoptée en 1998. Désormais, la loi de finances précise que les 0,5239 % s'appliquent à la totalité de l'impôt sur le revenu (part nationale et part des communautés autonomes) et que l'application de la nouvelle formule de calcul pour les années 2000, 2001 et 2002 ne doit aboutir ni à un résultat inférieur à celui de l'année précédente, ni supérieur à 24 milliards de pesetas (soit environ 945 millions de FRF).

En attendant que le produit de l'impôt sur le revenu soit définitivement connu, la dotation est versée sous forme d'avances mensuelles , dont le montant est déterminé dans la loi de finances de l'année.

Les subventions indirectes

L'État rémunère les personnes qui assurent les cours d'instruction religieuse obligatoire, ainsi que les aumôniers des forces armées et des prisons.

Les exemptions fiscales

Les biens de l'Église catholique, tout comme les revenus en provenant (loyers par exemple), ne sont assujettis ni à l'impôt sur la fortune, ni à l'impôt sur les successions, ni à l'impôt sur le revenu. Les revenus des collectes ne sont pas imposables.

b) Les autres communautés religieuses

Elles ne bénéficient d'aucune fraction de l'impôt sur le revenu.

En revanche, elles profitent des mêmes subventions indirectes (9( * )) et des mêmes exemptions fiscales que l'Église catholique.

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