ESPAGNE
La
laïcisation des institutions proclamée par la Constitution de 1978
constitue une rupture par rapport au passé
, aussi bien récent
que plus lointain.
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1) Les dispositions constitutionnelles relatives à la religion
a) L'interdiction de toute discrimination religieuse
Considérée comme un droit fondamental, elle est garantie par l'article 14 de la Constitution : « Les Espagnols sont égaux devant la loi : ils ne peuvent faire l'objet d'aucune discrimination pour des raisons de naissance, de race, de sexe, de religion, d'opinion ou pour n'importe quelle autre raison ou circonstance personnelle ou sociale. »
b) La liberté religieuse
Elle
fait l'objet des alinéas 1 et 2 de
l'article 16 :
«
1. La liberté idéologique, religieuse et de culte
des individus et des communautés est garantie, sans autres limitations,
quant à ses manifestations, que celles qui sont nécessaires au
maintien de l'ordre public protégé par la loi.
»
2. Nul ne pourra être obligé à déclarer
son idéologie, sa religion ou ses croyances.
»
En tant que droit fondamental de premier rang, la liberté religieuse
jouit d'une garantie renforcée (application directe, suspension
impossible en cas de crise, protection judiciaire grâce à une
procédure spécifique...).
c) L'enseignement privé
L'article 27
de la Constitution proclame notamment
la
liberté de l'enseignement, qui ne constitue donc pas un monopole de
l'État.
D'après l'article 27-6, «
la liberté de créer
des établissements d'enseignement, dans le respect des principes
constitutionnels, est reconnue aux personnes physiques et
morales
», tandis que l'article 27-9 prévoit que
«
les pouvoirs publics aideront les établissements
d'enseignement réunissant les conditions établies par la
loi
».
d) L'instruction religieuse
Objet de l'article 27 - 3 , elle est facultative pour les élèves, mais l'école publique doit offrir un enseignement religieux à tous les niveaux : « Les pouvoirs publics garantissent le droit des parents à ce que leurs enfants reçoivent la formation religieuse et morale en accord avec leurs propres convictions. »
e) La reconnaissance des cultes
L'article 16 - 3 nie l'existence de toute religion d'État, mais affirme la nécessaire collaboration entre l'État et les différentes communautés religieuses et souligne implicitement la place privilégiée de l'Église catholique : « Aucune confession n'aura le caractère de religion d'État. Les pouvoirs publics tiendront compte des croyances religieuses de la société espagnole et entretiendront de ce fait des relations de coopération avec l'Église catholique et les autres confessions . »
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Tous ces principes constitutionnels sont repris dans la loi organique du 5 juillet 1980 relative à la liberté religieuse .
2) Les relations entre l'État et les communautés religieuses
a) L'Église catholique
Le
4 décembre 1979, l'État espagnol a conclu quatre accords
avec le Saint-Siège
. Il s'agit de traités internationaux. En
vertu de l'article 93 de la Constitution, ils s'imposent donc au
législateur.
Portant respectivement sur
les questions juridiques
,
les questions
économiques, l'enseignement et les questions culturelles
, ainsi que
sur l'assistance religieuse aux forces armées et sur le service
militaire des membres du clergé, ils constituent en quelque sorte un
concordat.
Dès l'article premier, l'accord relatif aux questions juridiques affirme
le régime particulier de l'Église catholique : il
reconnaît la personnalité morale de la conférence
épiscopale, des circonscriptions territoriales de l'Église
catholique, ainsi que des ordres, congrégations et institutions qui en
jouissaient auparavant.
b) Les autres communautés religieuses
En
application de la loi organique de 1980, l'État espagnol peut conclure
des
accords de coopération
avec les communautés
religieuses, dans la mesure où elles sont enregistrées par le
ministère de la Justice et où elles peuvent justifier de leur
enracinement en Espagne.
L'enregistrement des communautés religieuses auprès du
ministère de la Justice est lié à la réalité
de leurs fins religieuses, de leur implantation en Espagne, ainsi qu'à
leurs modalités d'organisation et de fonctionnement. Il confère
la personnalité morale. Quant au critère de l'enracinement, il
est apprécié de façon discrétionnaire par la
commission consultative relative à la liberté religieuse,
dont la création est prévue par la loi organique de 1980 et
qui est régie par deux textes réglementaires postérieurs.
Cette commission réunit :
- des représentants des différents ministères
concernés (Justice, Intérieur, Éducation...) ;
- des représentants des principales confessions,
désignés par le ministère de la Justice ;
- des spécialistes des questions religieuses.
Les accords avec les communautés religieuses enregistrées doivent
être ratifiés par le Parlement. Jusqu'à présent,
trois accords de coopération ont été conclus
en
1992 : avec la
Fédération des églises
protestantes
, avec la
Fédération des communautés
juives
, et avec les
communautés islamiques
. Ils
établissent les modalités pratiques de la coopération
entre les signataires : appartenance des ministres du culte au
régime général de sécurité sociale,
reconnaissance des effets civils des mariages religieux, droit de créer
des aumôneries...
Les communautés religieuses qui n'ont pas conclu d'accord avec
l'État fonctionnent comme des associations de droit privé.
3) Le financement des dépenses des communautés religieuses
a) L'Église catholique
La
plupart des règles découlent de l'application des quatre accords
conclus avec le Saint-Siège, et en particulier de l'accord relatif aux
questions économiques.
Cet accord autorise l'Église catholique à recueillir des fonds de
ses fidèles. En outre, il prévoit que l'État, tout en
respectant le principe de liberté religieuse, assure à
l'Église catholique son «
soutien
économique
». Aux termes de l'accord, ce soutien est
à la fois direct et indirect.
L'affectation d'une partie du produit de l'impôt sur le revenu
L'accord relatif aux questions économiques, repris par la loi de
finances pour 1988, a introduit un nouveau mécanisme de financement de
l'Église catholique.
Depuis 1991, il permet
à chaque contribuable d'affecter 0,5239 %
de son impôt sur le revenu à l'Église catholique ou
à des organisations non gouvernementales
, pour leur permettre de
financer leurs activités sociales (aide aux personnes
âgées, aux toxicomanes, coopération internationale...).
Cette fraction de l'impôt sur le revenu n'est attribuée à
l'Église catholique que si le contribuable en exprime le souhait
explicite. À défaut d'une telle option, elle est affectée
aux organismes qui poursuivent des fins sociales. Cette ressource, qui se
substitue à la traditionnelle subvention annuelle, permet à
l'Église catholique d'être financée uniquement par les
personnes qui le désirent, et non pas par tous les contribuables.
Initialement, le pourcentage a été déterminé de
telle façon que, en admettant que tous les contribuables choisissent de
verser une partie de leur impôt sur le revenu à l'Église
catholique, celle-ci reçoive la même somme que celle que
l'État lui attribuait auparavant. Il n'a jamais été
modifié, et la loi de finances de chaque année comporte une
disposition relative à l'affectation d'une partie de l'impôt sur
le revenu à l'Église catholique. La formulation en est
restée longtemps inchangée. Cependant, la loi de finances pour
2000 l'a modifiée pour tenir compte de la réforme de
l'impôt sur le revenu adoptée en 1998. Désormais, la loi de
finances précise que les 0,5239 % s'appliquent à la
totalité de l'impôt sur le revenu (part nationale et part des
communautés autonomes) et que l'application de la nouvelle formule de
calcul pour les années 2000, 2001 et 2002 ne doit aboutir ni à un
résultat inférieur à celui de l'année
précédente, ni supérieur à 24 milliards de
pesetas (soit environ 945 millions de FRF).
En attendant que le produit de l'impôt sur le revenu soit
définitivement connu, la dotation est versée sous forme
d'avances mensuelles
, dont le montant est déterminé dans
la loi de finances de l'année.
Les subventions indirectes
L'État rémunère les personnes qui assurent les cours
d'instruction religieuse obligatoire, ainsi que les aumôniers des forces
armées et des prisons.
Les exemptions fiscales
Les biens de l'Église catholique, tout comme les revenus en provenant
(loyers par exemple), ne sont assujettis ni à l'impôt sur la
fortune, ni à l'impôt sur les successions, ni à
l'impôt sur le revenu. Les revenus des collectes ne sont pas
imposables.
b) Les autres communautés religieuses
Elles ne
bénéficient d'aucune fraction de l'impôt sur le revenu.
En revanche, elles profitent des mêmes subventions indirectes
(9(
*
))
et des mêmes exemptions fiscales que
l'Église catholique.