LA NEGOCIATION COLLECTIVE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES (mars 2001)
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Table des matières
- NOTE DE SYNTHÈSE
- ALLEMAGNE
- BELGIQUE
- DANEMARK
- ESPAGNE
- GRANDE-BRETAGNE
- ITALIE
- PAYS-BAS
NOTE DE SYNTHÈSE
En
France, l'État ne détient pas le monopole de la production des
normes sociales. En effet, le préambule de la Constitution de 1946
affirme que tout salarié "
participe, par l'intermédiaire
de ses délégués, à la détermination
collective des conditions de travail
", et l'article L 131-1
du code du travail reconnaît "
le droit des salariés
à la négociation collective de l'ensemble de leurs conditions
d'emploi et de travail et de leurs garanties sociales
".
Reconnue comme source de droit, la négociation collective apparaît
cependant largement régie par la loi.
Le cadre législatif de la négociation collective est en effet
très précis. Ainsi, la loi établit une distinction entre
la convention collective, qui détermine l'ensemble des conditions de
travail et des garanties sociales, et l'accord collectif, qui ne porte que sur
quelques-uns de ces sujets. Elle définit également la
qualité des signataires des conventions et des accords collectifs.
La loi détermine également la valeur juridique des conventions et
accords. Deux procédures, l'extension et l'élargissement, qui
supposent toutes deux l'intervention du ministre du Travail, permettent
d'appliquer une convention ou un accord au-delà de son champ initial,
constitué par les entreprises qui l'ont signé, à titre
individuel ou en tant que membres d'une organisation, ou qui ont y
adhéré.
Par ailleurs, la loi du 13 novembre 1982 oblige à des
négociations périodiques, mais sans imposer d'obligation de
conclure. Au niveau de la branche, la loi prescrit des négociations
quinquennales pour les classifications, et annuelles pour la
détermination des salaires minimaux par catégorie. Les autres
négociations obligatoires portent sur les salaires, la durée et
l'organisation du temps de travail ; elles sont annuelles et ont lieu dans
l'entreprise.
De plus, et de façon traditionnelle, il arrive que la loi
française impose aux partenaires sociaux de négocier sur un point
donné dans un délai déterminé, la menace d'une
nouvelle intervention du législateur les encourageant à conclure.
Toutefois, une évolution semble se dessiner. En 1994, le Conseil
Constitutionnel avait en effet rappelé que "
aucune norme de
valeur constitutionnelle ne
[garantissait]
le principe de la
liberté contractuelle
", l'article 34 de la Constitution
attribuant au législateur le pouvoir de déterminer les principes
fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la
sécurité sociale. En revanche, dans sa décision du
10 juin 1998 relative à la première loi Aubry sur la
réduction du temps de travail, il a affirmé que le
législateur ne pouvait être dispensé "
dans
l'exercice de sa compétence, du respect des principes et règles
de valeur constitutionnelle, en ce qui concerne en particulier les droits et
libertés fondamentales reconnus aux employeurs et aux
salariés
", parmi lesquels "
le droit reconnu aux
travailleurs de participer à la détermination collective des
conditions de travail et à la gestion des entreprises
".
En outre, dans sa décision du 13 janvier 2000 sur la
deuxième loi Aubry, il a décidé de maintenir en vigueur
les accords conclus en application de la première loi Aubry faisant, le
cas échéant, prévaloir leurs clauses sur les dispositions
contraires de la deuxième loi Aubry.
Ceci amène à s'interroger sur la situation chez quelques-uns de
nos voisins européens,
l'Allemagne, la Belgique, le Danemark,
l'Espagne, l'Italie, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas
.
Pour chacun de ces pays, la présente étude définit la
place respective de la loi et de la négociation collective dans le
secteur privé. Elle analyse ensuite les principales
caractéristiques de la négociation collective :
- les différentes catégories d'accords, qu'il s'agisse ou
non d'accords collectifs
stricto sensu
, c'est-à-dire d'accords
conclus avec les syndicats ou avec d'autres partenaires ;
- la qualité des signataires des accords collectifs ;
- leur force obligatoire ;
- les clauses de paix sociale et les mécanismes permettant de
faciliter le renouvellement des accords.
Cette analyse fait apparaître que,
au-delà de leur grande
diversité, qui constitue souvent le reflet de l'histoire sociale de
chaque pays, les systèmes étudiés présentent
quelques points de convergence.
1) La diversité des systèmes étudiés
D'un pays à l'autre, les différences sont assez fortes. Entre le
modèle danois,
qui laisse aux partenaires sociaux le soin
d'organiser le marché du travail par voie conventionnelle, hors de toute
intervention de l'État et
hors de tout
cadre
législatif,
et le système espagnol
, où le droit
à la négociation collective est
garanti
par la
Constitution, mais où les accords collectifs, encadrés par la loi
portant statut
des
salariés, jouent un rôle encore
limité,
toutes les situations
intermédiaires
existent
. Un tel résultat s'explique par l'histoire sociale de
chacun des pays étudiés.
a) Toutes les situations peuvent être décrites à partir
du modèle danois d'autonomie des partenaires sociaux
Le modèle danois reste très influencé par l'accord
historique de 1899 conclu entre les confédérations syndicales
ouvrières et patronales. À partir du principe
énoncé à l'article premier, selon lequel il est
souhaitable que toutes les questions
relatives aux conditions de travail
et aux rémunérations soient résolues par la
négociation
, cet accord, qui n'a été
dénoncé que deux fois depuis 1899, reconnaît, sans les
définir, les prérogatives patronales, affirme le droit des
partenaires sociaux à s'organiser et à mener des conflits
sociaux, et énonce le devoir de paix sociale pendant la durée de
validité des accords collectifs.
Ceci explique le petit nombre de lois sociales danoises et en particulier
l'inexistence d'un cadre législatif régissant les accords
collectifs, ainsi que l'absence de loi déterminant le salaire minimum ou
la durée du travail.
En revanche,
en Allemagne et aux Pays-Bas, où les partenaires
sociaux
disposent également d'un large pouvoir normatif, la loi
encadre la négociation collective
et détermine les
dispositions minimales
en matière de conditions de travail et de
rémunération, les accords collectifs améliorant la plupart
du temps ces minimaux.
En Belgique
, le projet de pacte de solidarité sociale de 1944,
même s'il n'a jamais été ratifié par les
organisations syndicales et patronales, a permis l'élaboration d'un
système très développé de négociation
collective, de concertation et de consultation des partenaires sociaux.
L'activité de négociation se déroule dans un cadre
législatif précis, mais les accords collectifs n'ont pas pour
seul objet de compléter et d'améliorer les dispositions
législatives. En effet,
des pans entiers de la législation
sociale résultent de
la négociation collective
, en
particulier des accords collectifs nationaux interprofessionnels
négociés au sein du Conseil national du travail,
établissement public paritaire créé en 1952. Par exemple,
le statut des délégations syndicales dans l'entreprise a
été ainsi déterminé par la négociation
collective.
En Italie, traditionnellement, les relations individuelles du travail sont
régies
par la loi, tandis que les relations collectives le sont
par la négociation
. Cette situation s'explique par la
méfiance des syndicats à l'égard des pouvoirs publics, qui
a notamment empêché l'adoption de la loi prévue par
l'article 39 de la Constitution. Cette loi aurait doté les
syndicats d'un statut juridique explicite, défini la notion de
représentativité et permis l'extension automatique des accords
collectifs conclus par les syndicats représentatifs.
En revanche,
le système espagnol de relations sociales, de
création récente,
demeure assez encadré par le
législateur
. Ainsi, la loi de 1980 portant statut des
salariés consacre la totalité de l'un de ses titres à la
négociation collective. Elle a été complétée
à plusieurs reprises, en particulier par une loi de 1994 qui a
confié aux partenaires sociaux le soin de négocier sur une
trentaine de sujets auparavant régis par la loi ou par le
règlement.
b) Le cas particulier de la Grande-Bretagne
En Grande-Bretagne, la situation traditionnelle était comparable
à celle qui
prévaut au Danemark
, même si le
contrat de travail, conclu individuellement, a toujours eu un rôle
très important dans la détermination des conditions de travail.
Cependant,
les gouvernements conservateurs
qui se sont
succédé de 1979 à 1997
se sont
efforcés
de donner plus de flexibilité au marché du travail
. Plusieurs
réformes tendant à affaiblir les syndicats ont été
adoptées, et
le champ de la négociation collective s'est
considérablement
réduit
. La réforme
entrée en vigueur le 6 juin 2000 devrait relancer la
négociation collective, puisque, sous certaines conditions, elle oblige
l'employeur à négocier sur les rémunérations, les
horaires et les congés.
2) Les points de convergence
a) L'existence de mécanismes d'extension plus ou moins explicites,
sauf en Grande-Bretagne
De tels dispositifs sont prévus par la loi en Espagne, en Allemagne, en
Belgique et aux Pays-Bas.
En Espagne, les procédures d'extension
stricto sensu
sont
inutiles
, car, aux termes de la loi, les accords collectifs signés
par les organisations représentatives lient tous les salariés et
tous les employeurs inclus dans leur champ d'application, quelle que soit
l'appartenance syndicale des uns et des autres. Cependant,
le ministre du
Travail peut
étendre le champ d'application d'un accord collectif
à des entreprises ou des
secteurs similaires
, en particulier
lorsque les partenaires sociaux y rencontrent une
réelle
difficulté à négocier
.
En Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, des mécanismes d'extension
sont
explicitement prévus par la loi
. En Allemagne et aux
Pays-Bas une telle procédure est subordonnée au fait que l'accord
conclu couvre un certain pourcentage des salariés du secteur :
50 % en Allemagne et 55 % aux Pays-Bas.
En l'absence de cadre législatif, l'extension est implicite en Italie
et au Danemark.
En Italie, la jurisprudence
considère généralement
comme couvertes les entreprises qui ne sont pas signataires d'un accord de
branche. Elle estime en effet qu'elles y adhèrent explicitement, par
exemple en y faisant référence dans les contrats de travail, ou
implicitement, en appliquant certaines de leurs clauses significatives.
De même,
au Danemark, le rapport de force
est tel que, d'une part,
les employeurs signataires observent les dispositions des accords collectifs
vis-à-vis de tous leurs salariés, syndiqués ou non, bien
qu'ils n'y soient pas juridiquement contraints, et que, d'autre part, les
autres employeurs concluent des conventions d'adhésion.
En revanche,
en Grande-Bretagne, il n'existe plus aucune procédure
d'extension depuis 1980
, de sorte que, dans les secteurs où la
négociation de branche subsiste, les accords ne s'appliquent pas
nécessairement dans toutes les entreprises.
b) La tendance à la décentralisation de la négociation
au niveau de l'entreprise
Elle est très nette dans les pays, comme l'Allemagne, les Pays-Bas,
le Danemark ou la Grande-Bretagne, où la négociation se
déroule traditionnellement au niveau de la branche.
En Allemagne, on observe une multiplication des accords d'établissement.
Ces accords, signés entre l'employeur et le comité
d'établissement dans le cadre de la loi sur l'organisation sociale de
l'entreprise, ne constituent pas des accords collectifs au sens propre. Bien
que la loi affirme la primauté des accords collectifs, quel que soit le
niveau auquel ils sont négociés, sur les accords
d'établissement, ces derniers sont parfois conclus dans le domaine des
accords collectifs, sans que la jurisprudence condamne clairement cette
évolution.
Aux Pays-Bas, la négociation d'accords d'entreprise se développe
au détriment des accords de branche. De plus, comme en Allemagne, les
employeurs ont tendance à négocier avec le comité
d'entreprise, c'est-à-dire en dehors du cadre syndical prévu par
la loi sur les accords collectifs. Bien que le comité d'entreprise
dispose d'un pouvoir de codécision dans certaines matières, il
n'est pas prévu par la loi qu'il signe des accords, sauf sur le temps de
travail.
Au Danemark, depuis une vingtaine d'années, les négociations sont
de plus en plus souvent menées au niveau local, en particulier celles
qui concernent les salaires.
En Grande-Bretagne, le recul de la négociation collective s'est traduit
par la disparition presque complète de la négociation de branche.
En Espagne, malgré les efforts des grandes confédérations
syndicales pour rationaliser la structure des accords collectifs et pour
développer la négociation sectorielle, la fragmentation demeure
la règle.
En Italie, la structure de la négociation collective est assez complexe,
car elle correspond à l'organisation des syndicats, qui repose à
la fois sur des fédérations de branche et sur des structures
territoriales intersectorielles. L'accord tripartite conclu en juillet 1993
entre les partenaires sociaux et le gouvernement afin de refonder le
système des relations sociales se propose de hiérarchiser la
négociation de branche et la négociation d'entreprise.
En revanche, le système belge de négociation collective semble
très bien articulé : les conventions collectives conclues en
Conseil national du travail constituent des accords cadres qui
requièrent la conclusion d'accords nationaux de branche,
également conclus dans des instances paritaires. Des accords
d'entreprise peuvent ensuite être signés.
c) Le développement des clauses de paix sociale
Traditionnelles en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas, où les
partenaires s'engagent à s'abstenir de toute action collective portant
sur les matières régies par les accords collectifs pendant toute
la durée de validité de ceux-ci, elles y semblent assez bien
respectées. De plus, en Allemagne, le devoir de paix sociale s'entend
également comme l'obligation d'épuiser toutes les
possibilités de négociation avant de recourir à la
grève.
Pour empêcher le développement des conflits à
l'échéance des accords, ceux-ci comportent, en Allemagne et aux
Pays-Bas, des clauses imposant le recours à une procédure de
médiation, de conciliation ou d'arbitrage. En revanche, au Danemark, la
fréquence des mouvements sociaux à l'échéance des
accords a entraîné la création par voie législative
d'un système national de conciliation.
Traditionnelles également en Belgique, les clauses de paix sociale y
paraissent moins bien suivies, ce qui a justifié la mise en place, par
voie conventionnelle, de pénalités financières pour les
salariés et pour les syndicats en cas de non-respect.
En Italie, l'accord tripartite de juillet 1993 suggère aux partenaires
sociaux de présenter leurs plates-formes de négociation au moins
trois mois avant l'expiration des accords collectifs, cette période
devant constituer, tout comme le mois qui suit, une période
d'apaisement.
En Espagne, la loi prévoit que les accords collectifs puissent contenir
des clauses de paix sociale. En outre, l'accord interconfédéral
sur la résolution extrajudiciaire des conflits collectifs dispose que,
lorsqu'une procédure de médiation ou d'arbitrage est
entamée, toutes les possibilités doivent en être
épuisées avant qu'une grève ne soit décidée.
En Grande-Bretagne, où la plupart des accords collectifs contiennent
désormais des clauses de paix sociale, la loi précise qu'elles ne
s'imposent aux salariés que si elles figurent dans des accords
écrits et si elles sont susceptibles d'être
intégrées aux contrats de travail.
* *
*
Le partage entre la loi et la négociation collective devrait évoluer à terme. En effet, dans les deux pays, Danemark et Grande-Bretagne, où, traditionnellement le législateur s'abstient d'intervenir dans les conditions de travail, même pour fixer des conditions minimales, la transposition des directives communautaires peut imposer l'adoption de textes législatifs.
ALLEMAGNE
À
partir de l'article 9-3 de la Loi fondamentale, qui dispose que
" Le
droit de fonder des associations pour la sauvegarde et l'amélioration
des conditions de travail et des conditions économiques est garanti
à tous et dans toutes les professions "
, le droit de
déterminer les rémunérations et les conditions de travail
dans des accords collectifs librement négociés,
indépendamment de toute intervention, notamment de l'État, a
été reconnu aux partenaires sociaux.
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
La
loi sur les accords collectifs
précise à l'article premier
qu'ils régissent les droits et devoirs des signataires, et qu'ils
contiennent des normes qui peuvent, d'une part, organiser le contenu, la
formation et la fin du contrat de travail, et, d'autre part, régler les
questions relatives à la gestion des entreprises et à leur
organisation interne.
Dès les années 50, la jurisprudence a restreint le pouvoir
normatif des partenaires sociaux aux
rémunérations et aux
autres conditions de travail,
qui forment le
" noyau dur " de
la négociation collective.
Cependant, en autorisant les partenaires à négocier sur les
questions concernant l'entreprise et son organisation, la loi leur permet de
traiter des droits des salariés en tant que membres du personnel, et non
pas seulement en tant qu'individus, et d'exercer une influence sur les organes
prévus par la législation sur l'organisation de l'entreprise
(1(
*
))
.
Actuellement, la loi et les accords collectifs se partagent ainsi le domaine
social :
-
la sécurité sociale est essentiellement
régie par la loi, quelques accords collectifs comportant cependant des
améliorations aux prestations prévues par la loi ;
- la loi détermine les dispositions minimales en matière de
relations et de conditions de travail (délais de licenciement,
durée du travail et des congés, par exemple), mais des accords
collectifs améliorent de façon substantielle ces
différents minimaux ;
- les conditions individuelles de travail et les
rémunérations sont exclusivement fixées par accord
collectif.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Il y a
deux catégories d'accords :
- les
accords collectifs
stricto sensu
, signés entre,
d'une part, une organisation syndicale et, d'autre part, un employeur ou une
association d'employeurs ;
- les
accords d'établissement,
conclus entre le conseil
d'établissement et l'employeur.
Les accords collectifs
Selon le
niveau
auquel ils sont signés, on distingue :
- les
accords de branche
, conclus entre un syndicat et
une
association d'employeurs ;
- les
accords d'entreprise,
conclus entre un syndicat et un
employeur. La représentation du syndicat dans l'entreprise
résulte essentiellement de l'application du principe de
subsidiarité et de la jurisprudence. En effet, la loi reconnaît
aux syndicats certains droits dans l'entreprise (demande de la mise en place
d'un conseil d'établissement, contestation des élections au
conseil d'établissement par exemple), mais elle ne prévoit aucune
structure syndicale d'entreprise.
Les accords de branche peuvent s'appliquer à la branche tout
entière (l'industrie métallurgique par exemple) ou à
certains secteurs seulement (la machine-outil par exemple). Ils peuvent
s'appliquer à l'ensemble du territoire fédéral ou à
certaines régions
. En règle générale, ils sont
conclus au niveau régional et les résultats d'une région
servent de référence.
Les accords de branche sont les plus courants
, sauf dans certains secteurs
comme l'industrie aéronautique ou l'industrie pétrolière,
où les accords les plus fréquents sont des accords d'entreprise.
À la fin de l'année 2000, le ministère
fédéral du Travail recensait 33 400 accords de branche
et 21 600 accords d'entreprise en vigueur. Au cours de l'année
2000, plus de 8 500 accords collectifs ont été
signés.
Il n'existe pas d'accord collectif interprofessionnel
, ce qui n'exclut
pas la concertation préalable à la négociation au sein des
différentes branches. Il n'y a pas non plus de tradition d'accord
tripartite, même si des rencontres informelles avec le gouvernement ont
lieu.
Selon l'
objet
de l'accord, on distingue :
- les accords collectifs de base, conclus pour plusieurs années et
qui régissent les conditions de travail (durée de la
période d'essai, durée du préavis de licenciement, travail
de nuit...) ;
- les accords cadres salariaux, d'une durée plus longue ;
- les accords salariaux, conclus pour une période assez courte, en
général comprise entre un et deux ans.
Les accords d'établissement
Les accords d'établissement lient l'employeur au conseil
d'établissement, qui est exclusivement composé de membres
élus par le personnel et qui, à la différence du
comité d'entreprise français, se réunit sans l'employeur.
En règle générale, les conseils d'établissement
sont composés à environ 80 % de salariés
syndiqués.
Les accords d'établissement ont peu ou prou les mêmes effets que
les accords collectifs sur les relations de travail individuelles. Ils ne sont
pas régis par la loi sur les accords collectifs, mais par la loi sur la
l'organisation sociale de l'entreprise. Ils s'appliquent à la
totalité du personnel de l'établissement et sont conclus pour une
durée déterminée ou indéterminée. Ils
portent sur les matières auxquelles la codécision
(2(
*
))
s'applique, comme la discipline, les heures
supplémentaires ou les oeuvres sociales.
Dans les entreprises importantes, une dizaine d'accords d'établissement
sont signés chaque année. Ils peuvent régler des questions
ponctuelles, comme l'aménagement des congés, ou des sujets
permanents, comme la notation du personnel.
De plus,
la loi sur l'organisation sociale de l'entreprise affirme à
l'article 77-3 la primauté de l'accord collectif, quel que soit le
niveau auquel il est conclu, sur l'accord d'établissement
:
dès qu'une question est - ou "
est
habituellement
" - réglée par un accord collectif,
elle ne peut l'être par un accord d'établissement. Cette
disposition, qui cherche à empêcher qu'un accord collectif ne soit
vidé de son contenu, s'impose quand bien même l'application d'un
accord d'établissement serait plus favorable aux salariés.
Cependant, un accord collectif peut contenir une " clause
d'ouverture " prévoyant que certaines questions seront
ultérieurement réglées par accord d'établissement.
Les accords d'établissement sont de plus en plus souvent
utilisés, parfois en contravention avec la loi. Il est en effet
arrivé que des employeurs concluent avec le conseil
d'établissement des accords appartenant au domaine des accords
collectifs et comportant des dispositions moins favorables que l'accord de
branche.
Cette évolution, plus ou moins admise par la jurisprudence, correspond
à une certaine
crise de la négociation de branche,
particulièrement nette dans les Länder de l'Est
, où les
normes fixées par l'accord collectif de branche sont parfois
considérées comme difficiles à appliquer.
Toutefois, le projet de loi tendant à réformer la loi sur
l'organisation sociale de l'entreprise ne prévoit pas d'en modifier
l'article 77-3 afin de transférer le pouvoir de négocier au
niveau des établissements ou des entreprises.
b) Les signataires des accords collectifs
L'employeur peut être partie à titre individuel.
Les
associations patronales peuvent également être signataires, sans
avoir à remplir aucun critère.
En revanche,
seuls les " syndicats " de salariés
(3(
*
))
,
reconnus comme tels
,
c'est-à-dire satisfaisant à
certains critères
(indépendance, réelle capacité de négocier,
durée d'existence...), peuvent l'être. La plupart des accords
collectifs sont donc signés par les syndicats de branche membres du
DGB.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Les
dispositions des accords collectifs régissant le contenu du contrat de
travail sont impératives. Seules des mesures plus favorables aux
salariés peuvent y déroger, à moins que l'accord ne
permette lui-même des dérogations défavorables.
Juridiquement, seuls les membres des organisations signataires sont
liés, de sorte qu'un accord collectif ne s'applique qu'aux
salariés membres des associations signataires ou dont les employeurs
font partie d'associations patronales signataires.
En pratique, tous les
salariés en bénéficient quelle que soit leur appartenance
syndicale.
Cependant, il n'est théoriquement pas exclu que deux
syndicats signent des accords différents et que les salariés
soient traités différemment en fonction de leur appartenance
syndicale. De plus, en période de crise, il est possible d'exclure du
champ de l'accord les salariés non syndiqués.
Lorsque les employeurs liés par un accord collectif emploient au moins
50 % des salariés relevant du champ d'application de l'accord, ce
dernier peut, à la demande d'un des signataires, être
étendu par le ministre fédéral du Travail
et
devenir ainsi applicable à l'ensemble des entreprises du secteur
d'activité.
Une telle extension suppose l'assentiment de la majorité des membres
d'une commission paritaire qui réunit trois représentants de
chacune des parties à l'accord. Inversement, le ministre n'est pas
lié par une prise de position favorable de la commission. La plupart de
ces accords d'application générale concernent les secteurs du
bâtiment et du commerce de détail, où le grand nombre de
petites entreprises requiert l'application de dispositions minimales. À
la fin de l'année 2000, le ministère fédéral du
Travail en recensait 514.
La durée des accords collectifs est en principe limitée. Elle
varie selon leur nature. Cependant, les dispositions normatives,
c'est-à-dire celles qui s'appliquent aux salariés, restent en
vigueur jusqu'à la conclusion d'un nouvel accord.
La loi sur les juridictions du travail permet aux partenaires sociaux de
régler leurs différends d'interprétation relatifs aux
accords collectifs sans intervention du tribunal, mais en recourant à
une instance arbitrale paritaire.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
Le
devoir de paix sociale constitue l'une des obligations contractuelles des
parties à l'accord. Il se traduit par deux obligations :
- l'
obligation de paix sociale
, qui vaut pendant toute la
durée de l'accord et qui s'applique aux seules matières couvertes
par l'accord, les partenaires pouvant convenir d'une durée un peu plus
longue, par exemple quelques semaines après l'expiration de
l'accord ;
- après l'échéance d'un accord, l'
obligation
d'épuiser toutes les possibilités de négociation avant de
recourir à la grève.
e) Le renouvellement des accords collectifs
En cas
d'échec de la négociation, la plupart des accords collectifs
prévoient une procédure transactionnelle
(4(
*
))
. Organisée de façon différente
selon les branches, elle suppose en général la nomination d'une
commission paritaire présidée par une personnalité
extérieure. La proposition de la commission n'a pas force obligatoire,
à moins que les partenaires ne l'aient décidé.
C'est seulement lorsque la procédure conventionnelle de rapprochement
échoue que l'administration peut intervenir.
BELGIQUE
Bien
que jamais ratifié par les organisations syndicales et patronales, le
" pacte de solidarité sociale " de 1944 préparé
par certains de leurs dirigeants a permis l'élaboration d'un
système de négociation collective, de concertation et de
consultation des partenaires sociaux.
Il reposait sur la reconnaissance
mutuelle des partenaires sociaux, les syndicats de salariés admettant la
légitimité de l'économie de marché et de
l'autonomie de gestion des employeurs, tandis que les organisations patronales
reconnaissaient le droit exclusif de représentation et de
négociation des syndicats.
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
La loi
du 5 décembre 1968 définit les accords collectifs comme
"
déterminant les relations individuelles et collectives entre
employeurs et travailleurs au sein d'entreprises ou d'une branche
donnée, et réglant les droits et obligations des parties
contractantes
".
Les accords collectifs n'ont pas pour seul objet de compléter et
d'améliorer les dispositions législatives. En effet,
des pans
entiers de la législation sociale résultent d'accords
collectifs
, en particulier d'
accords collectifs interprofessionnels
négociés au sein du Conseil national du travail,
établissement public
institué en 1952 au
niveau national
et interprofessionnel
, et composé de façon
paritaire
de représentants des employeurs et des salariés. La loi du
5 décembre 1968 lui a confié le soin de conclure des accords
collectifs à portée interprofessionnelle qui régissent
tous les secteurs d'activité dans l'ensemble du pays.
La négociation au sein du Conseil national du travail a notamment
défini les normes applicables aux domaines suivants :
- le statut des délégations syndicales dans les
entreprises ;
- les facilités accordées aux représentants du
personnel dans les organes de concertation ;
- les licenciements collectifs ;
- le salaire garanti en cas d'incapacité de travail ;
- la réduction de la durée hebdomadaire du travail ;
- le revenu minimum mensuel moyen ;
- la préretraite ;
- l'égalité de rémunération entre hommes et
femmes ;
- la rémunération des salariés
handicapés ;
- le travail à temps partiel ;
- le travail intérimaire ;
- les heures supplémentaires ;
- le travail de nuit ;
- le chômage temporaire ;
- le congé parental ;
- les conséquences sociales de l'introduction des nouvelles
technologies.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Il
existe trois catégories d'accords collectifs, qui correspondent à
trois niveaux de négociation. Chacun d'eux est spécialisé,
car les différents accords sont
hiérarchisés
. On
distingue :
- les accords interprofessionnels signés au niveau national ;
- les accords nationaux de branche ;
- les accords d'entreprise.
Les
accords interprofessionnels signés au niveau national
La négociation peut avoir lieu au sein du Conseil national du travail.
Elle peut également se dérouler à l'extérieur du
Conseil national du travail, notamment pour appliquer les décisions
d'une autre instance (des dispositions législatives ou des mesures
prises par un organe tripartite par exemple).
Selon que la négociation a lieu au sein ou à l'extérieur
du Conseil national du travail, elle se traduit par la conclusion d'une
convention collective interprofessionnelle ou d'un accord interprofessionnel
national
.
Depuis la création du Conseil national du travail, environ
80 conventions collectives interprofessionnelles ont été
conclues. Comme cela a déjà été indiqué,
certaines d'entre elles règlent des questions particulièrement
importantes.
Leur application requiert souvent la conclusion d'accords à un niveau
inférieur. Ainsi, l'accord collectif interprofessionnel relatif au
statut de la délégation syndicale dans l'entreprise
précise que des accords de branche définissent l'effectif minimum
justifiant la création d'une telle délégation, l'effectif
de cette dernière, les crédits d'heures attribués à
ses membres, leur mode de désignation...
Quant aux accords interprofessionnels nationaux, ils ont essentiellement pour
objet de définir l'évolution maximale du coût salarial pour
les deux années suivantes, par comparaison avec les trois principaux
partenaires commerciaux de la Belgique : l'Allemagne, la France et les
Pays-Bas.
Les accords nationaux de branche
Ils sont
nécessairement négociés au sein d'un organe
paritaire
, en principe au sein de la
commission paritaire sectorielle
compétente.
Les commissions paritaires sont des organes de concertation prévus par
la loi du 5 décembre 1968. Chaque commission paritaire est
créée par arrêté, à la demande des
organisations représentatives de la branche ou à l'initiative du
gouvernement. Il existe une centaine de commissions paritaires. La plupart ont
une compétence sectorielle et nationale, sans nécessairement
traiter les problèmes de l'ensemble du personnel, car la majorité
d'entre elles ne sont pas intercatégorielles, mais s'occupent seulement
du personnel ouvrier ou seulement du personnel employé. Le rattachement
d'une entreprise à une commission paritaire dépend de
l'activité principale de l'entreprise.
Des
sous-commissions paritaires
peuvent être créées
à la demande des commissions. Leur compétence, toujours
inférieure à celle de leur commission paritaire de rattachement,
peut être géographique ou sectorielle. Il existe aussi des
sous-commissions compétentes pour une seule grande entreprise, mais
elles sont rares. On compte une soixantaine de sous-commissions paritaires.
En l'absence de commission paritaire, les accords nationaux de branche peuvent
être conclus au sein du Conseil national du travail.
Les accords nationaux de branche, conclus entre les représentants des
organisations d'employeurs et de salariés compétents, sont
dénommés
conventions collectives sectorielles.
Les accords d'entreprise
La négociation se déroule en dehors de tout organe paritaire
,
entre l'employeur et la délégation syndicale. Composée de
salariés syndiqués, elle est élue par l'ensemble du
personnel.
b) Les signataires des accords collectifs
Quel
que soit le niveau des accords collectifs, la loi de 1968 exige qu'ils soient
signés par des organisations représentatives, tant du
côté des salariés
(5(
*
))
que des employeurs.
Les organisations d'employeurs sont considérées comme
représentatives si elles satisfont aux mêmes critères que
les confédérations syndicales, ce qui permet à la
Fédération des entreprises belges (FEB) d'être reconnue
comme représentative. En outre,
une organisation d'employeurs peut
être déclarée représentative dans une branche
donnée
par arrêté du ministre de l'Emploi, sur avis du
Conseil national du travail. Cette disposition concerne les organisations qui
ne sont pas affiliées à la FEB et qui souhaitent siéger
dans une commission paritaire. Par ailleurs, la loi du 6 mars 1964 portant
organisation des classes moyennes prévoit que les organisations
patronales du commerce et de l'artisanat puissent être reconnues comme
représentatives. Une loi et un arrêté de 1979 ont
défini très précisément les critères de
représentativité de ces organisations.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Les
accords interprofessionnels nationaux
n'ont aucune valeur juridique
directe. Pour produire des effets, ils ont besoin d'être ratifiés,
par une loi, un arrêté ou une convention collective.
En vertu de la loi du 5 décembre 1968,
les accords collectifs
conclus au sein d'un organe paritaire
, c'est-à-dire les conventions
collectives interprofessionnelles et les conventions collectives nationales
sectorielles, lient les employeurs qui les ont conclues ou qui y ont
adhéré, ainsi que ceux qui sont membres des organisations qui les
ont conclues ou qui y ont adhéré. Ils couvrent tous les
salariés des employeurs qui sont liés. En principe, une
convention collective interprofessionnelle s'applique à toutes les
branches et dans tout le pays.
En outre, à moins que les contrats de travail des salariés ne
comportent des clauses contraires à ces accords, ils lient
également les employeurs qui, bien que n'appartenant pas à une
organisation signataire, relèvent de l'organe paritaire au sein duquel
l'accord a été conclu.
Pour éviter que les employeurs ne se soustraient aux obligations
créées par les accords collectifs conclus au sein d'un organe
paritaire, la loi du 5 décembre 1968 prévoit que, à
la demande de la commission ou de la sous-commission paritaire, ou d'une
organisation qui y est représentée,
un
arrêté royal puisse rendre ces accords obligatoires pour tous
les employeurs relevant de l'organe paritaire au sein duquel ils ont
été conclus
. Cette procédure d'extension est
fréquemment utilisée.
Négociés en dehors de tout organe paritaire, les accords
collectifs d'entreprise sont conclus par l'employeur et la
délégation syndicale. Ils s'appliquent à tous les
salariés de l'entreprise, même s'ils ne sont pas syndiqués
ou s'ils sont membres d'une organisation qui a refusé de signer
l'accord.
Les accords collectifs, quelle que soit leur nature, peuvent avoir une
durée
indéterminée ou déterminée,
avec ou sans clause de reconduction. Tous sont enregistrés au
ministère de l'Emploi.
La plupart des accords collectifs de branche prévoient que les
contestations relatives à leur application sont soumises au bureau de
conciliation de la commission paritaire compétente. D'autres renvoient
ces problèmes aux conseils d'administration des " fonds de
sécurité d'existence ".
Ces fonds, dont le statut est défini par une loi de 1958, sont
établis par des accords collectifs de branche. Conçus comme des
systèmes complémentaires de sécurité sociale au
niveau sectoriel, ils accordent des prestations aux salariés qui en
relèvent (allocations complémentaires en cas de maladie, primes
de départ en retraite...). Les employeurs sont tenus de contribuer
à leur financement.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
À
défaut de clause de paix sociale, tout accord collectif comporte des
dispositions subordonnant le déclenchement d'un conflit à
l'échec d'une procédure de conciliation préalable.
Pour pallier la relative inefficacité de ces clauses, certaines
commissions paritaires ont créé des associations paritaires
auxquelles les entreprises versent des cotisations. Celles-ci sont
reversées à un fonds intersyndical qui les redistribue aux
salariés sous forme de " primes syndicales ", ou qui finance
la formation des représentants du personnel. Lorsqu'une clause de paix
sociale n'est pas respectée ou qu'un conflit du travail survient sans
que les que les procédures de conciliation préalable aient
été suivies, les contributions financières des employeurs
sont réduites, voire suspendues.
e) Le renouvellement des accords collectifs
En cas de difficulté, aucune disposition légale n'oblige les parties à recours à la médiation, à la conciliation ou à l'arbitrage. Ces procédures, l'arbitrage en particulier, sont cependant souvent prévues par les accords eux-mêmes.
DANEMARK
Le
" modèle danois "
tel qu'il fonctionne depuis 1899,
c'est-à-dire depuis
l'accord historique passé entre la
Confédération des syndicats ouvriers et le patronat, laisse aux
partenaires sociaux le soin d'organiser le marché du travail par voie
conventionnelle
. S'ils peuvent résoudre seuls leurs
problèmes, l'État n'intervient pas.
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
a)
L'importance de la négociation collective
Les lois sociales sont beaucoup moins nombreuses que dans les autres pays
européens
, car les partenaires négocient des accords
collectifs dans tous les domaines et en assurent l'application eux-mêmes
hors de toute intervention de l'État.
Cette situation remonte
à
l'accord historique du 5 septembre 1899
conclu entre les
syndicats ouvriers et les employeurs à la suite d'un conflit majeur.
Cet accord reconnaissait, sans les définir, les prérogatives
patronales, affirmait le droit des partenaires sociaux à s'organiser et
à mener des conflits sociaux, et énonçait le devoir de
paix sociale.
L'accord de base qui lie DA, la Confédération des employeurs, et
LO, la principale confédération des salariés
n'a
été renégocié que deux fois : en 1960 et en
1973. Dans sa version actuelle, c'est-à-dire tel qu'il résulte de
modifications adoptées en 1993, cet accord
affirme à l'article
premier qu'il est souhaitable que toutes les questions relatives aux conditions
de travail et aux rémunérations soient
déterminées par des accords collectifs.
Cet accord comporte toujours la reconnaissance des prérogatives
patronales. Celles-ci ont été définies assez largement par
la jurisprudence : les pouvoirs de l'employeur en matière de
licenciement, de recrutement, de promotion, de fixation des salaires, de
détermination des horaires et de contrôle du travail
dépendent de l'accord collectif auquel il est lié. L'employeur a
également le droit d'interpréter les accords collectifs. Les
conflits relatifs à leur interprétation sont certes
résolus par arbitrage, mais l'interprétation de l'employeur
prévaut tant que la procédure d'arbitrage n'est pas
achevée.
L'accord de base entre DA et LO détermine aussi les règles
générales applicables en cas de licenciement abusif, ainsi que
celles qui protègent les délégués du personnel.
Les dispositions relatives à la participation des salariés
à la gestion des entreprises, par l'intermédiaire de la
" commission de coopération ", laquelle constitue surtout un
organe d'information et de consultation, ont également été
fixées par un accord conclu entre les deux grandes
confédérations DA et LO. Signé en 1947, cet accord a
été renouvelé depuis.
Les autres confédérations ont conclu des accords similaires
à celui qui lie DA et LO
et qui constitue en quelque sorte un
modèle. Par conséquent, dans la suite du texte, il sera
essentiellement question des relations entre DA et LO.
b) Le petit nombre de lois sociales
La législation sur les accords collectifs est presque inexistante.
Aucune loi générale ne couvre les contrats de travail de
l'ensemble des salariés. Ainsi, il n'existe pas de loi sur le salaire
minimum ou sur la durée du travail.
Indépendamment de celles qui régissent la sécurité
sociale ainsi que les questions d'hygiène et de sécurité
sur les lieux de travail,
les principales lois sociales sont les
suivantes
, plusieurs d'entre elles ayant dû être
adoptées pour assurer la transposition de directives :
- loi sur le tribunal du travail ;
- loi sur la médiation dans les conflits sociaux ;
- loi garantissant le versement des salaires en cas de faillite de
l'entreprise, adoptée pour transposer la directive 80/87 ;
- loi sur le statut des salariés en cas de cession de l'entreprise,
adoptée pour transposer la directive 77/187 ;
- loi sur le préavis relatif aux licenciements collectifs,
adoptée pour transposer la directive 75/129 modifiée par la
directive 92/156 ;
- loi sur les congés payés ;
- loi sur les indemnités journalières d'assurance maladie et
maternité ;
- loi sur la protection contre le licenciement motivé par des
questions syndicales ;
- loi sur les comités d'entreprise européens ;
- loi sur l'utilisation par l'employeur des données relatives
à la santé ;
- loi sur le statut des salariés, qui garantit notamment le
versement du salaire pendant les périodes de maladie et de vacances,
ainsi qu'un préavis de licenciement variable en fonction de
l'ancienneté et une indemnité de licenciement ;
- loi sur l'obligation des employeurs d'informer le salarié des
conditions régissant le contrat de travail ;
- loi prohibant la discrimination sexuelle ;
- loi sur l'égalité de rémunération entre les
sexes ;
- loi interdisant la discrimination sur le marché du travail ;
- loi sur les cotisations à la caisse de retraite.
* *
*
Si le droit d'origine conventionnelle représente une part importante des normes sociales, il convient donc de nuancer cette affirmation et de souligner également le rôle que l'État joue en tant qu'employeur dans la négociation collective. En effet, plus de 30 % de la population active est employé dans le secteur public. En outre, les accords conclus dans le secteur public servent souvent de référence pour le secteur privé.
2) Les caractéristiques principales de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Traditionnellement, les accords collectifs sont conclus au
niveau
national pour une branche donnée.
La négociation au niveau de l'entreprise a lieu :
- lorsque l'employeur n'est pas affilié à une organisation
patronale et qu'il signe avec son personnel une convention dite
d'adhésion, qui fait référence à la convention de
branche ;
- pour adapter les dispositions conclues au niveau de la branche.
Depuis une vingtaine d'années, on constate que les négociations
sont de plus en plus menées au niveau local. Ainsi, les salaires sont de
plus en plus souvent négociés au niveau de l'entreprise.
Les accords collectifs ne sont pas nécessairement écrits, de
sorte qu'il est parfois difficile de les distinguer des coutumes.
b) Les signataires des accords collectifs
Selon le
niveau de l'accord, les parties sont :
- une organisation patronale de branche et le syndicat correspondant ;
- la délégation syndicale de l'entreprise et l'employeur.
Les principales confédérations, DA et LO, quant à elles,
signent de temps à autre des accords généraux comme ceux
qui ont déjà été évoqués. Plus
fréquemment, elles concluent des accords cadres dans lesquels
s'insèrent les accords de niveau inférieur. Elles jouent ainsi un
rôle important de coordination dans le processus de la négociation
collective.
Compte tenu de la
reconnaissance mutuelle que s'accordent les organisations
patronales et syndicales, la question de la représentativité ne
se pose pas
.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Bien que
considérés comme des contrats entre, du côté des
salariés, un groupe de personnes (le plus souvent un syndicat) et du
côté du patronat, une organisation d'employeurs ou un employeur
isolé, les accords collectifs ne s'appliquent pas aux seuls signataires.
En effet, les syndicats ne souhaitant pas que les salariés non
syndiqués acceptent de travailler à des conditions
différentes de celles prévues par les accords,
l'employeur
observe les dispositions des accords collectifs non seulement vis-à-vis
des salariés syndiqués, mais aussi vis-à-vis des
autres.
Par ailleurs, les employeurs qui n'appartiennent pas à une association
patronale ont la possibilité de conclure des
conventions
d'adhésion
, selon lesquelles ils s'engagent à respecter les
accords valables dans leur branche. De ce fait, malgré l'absence de
procédure d'extension, les accords collectifs s'imposent au-delà
du cercle des employeurs signataires.
Les accords sur l'adhésion obligatoire à un syndicat ne sont
pas interdits au Danemark.
Un tel accord oblige l'employeur à
n'embaucher que des salariés membres d'un syndicat
déterminé ou qui s'engagent à y adhérer
immédiatement après l'embauche. Toutefois, les statuts de DA
interdisent aux entreprises membres de conclure de tels accords. En outre, dans
le secteur public, ils ne sont pas permis.
On estime que,
dans le secteur privé, environ 60 % des
salariés sont couverts par des accords collectifs
. Comme le taux de
couverture est de 100 % dans le secteur public et compte tenu de la part
des salariés employés dans le secteur public, on peut
évaluer à environ 25 % le pourcentage total des
salariés non couverts.
La durée habituelle des accords collectifs est de
deux ans
.
Pendant la période où il sont en vigueur, les questions relatives
à leur interprétation sont normalement résolues par une
commission d'arbitrage composée de deux représentants de chacune
des deux parties, ainsi que d'un arbitre indépendant.
En revanche, en cas d'infraction à un accord collectif, une
négociation directe entre les deux parties a lieu. Si elle ne conduit
pas à un arrangement, les deux confédérations LO et DA
tentent à leur tour de retrouver une solution amiable. En cas
d'échec, l'affaire est portée devant le tribunal du travail,
où elle est tranchée par une formation présidée par
un magistrat professionnel et composée de trois représentants des
employeurs et de trois représentants des salariés. Une amende
peut être imposée à la partie qui a enfreint l'accord. Le
tribunal du travail est également compétent pour les accords
collectifs du secteur public.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
Aussi
longtemps qu'un accord collectif est en vigueur, la grève et le lock-out
sont interdits dans la mesure où ils se rapportent à des
matières couvertes par l'accord, à moins que ce dernier ne les
autorise explicitement. Ceci n'exclut pas les grèves de
solidarité par exemple. En cas d'infraction, le tribunal du travail peut
imposer des amendes.
Dès que l'accord est échu, le recours à la grève et
au lock-out est possible. Il est d'ailleurs fréquent, ce qui a
justifié la mise en place par voie législative d'un
système de conciliation au niveau national.
e) Le renouvellement des accords collectifs
L'accord
principal entre LO et DA oblige les partenaires sociaux à
négocier un nouvel accord collectif avant l'échéance de
l'accord en vigueur. Si les négociations n'aboutissent pas à
temps, l'accord échu continue à s'appliquer.
La conciliation est alors obligatoire.
Régie par
la loi depuis
1934, elle est actuellement organisée par la loi du
6 mars 1997 sur la conciliation en matière de conflits du
travail
.
Il existe un
service national de conciliation
qui suit en permanence
l'état d'avancement des négociations, qui dispose des copies des
accords collectifs et à qui les préavis de grève sont
adressés. Ce service comprend trois conciliateurs et 21
médiateurs. Tous sont nommés par le ministère du Travail
sur proposition du tribunal du travail. Il doit s'agir de personnalités
indépendantes.
Bien que les procédures de conciliation diffèrent selon les
circonstances (échec avéré des négociations, menace
d'une grève aux conséquences sociales importantes,
difficulté à mener les négociations...), elles
présentent quelques points communs.
Si les partenaires ne parviennent pas à un accord dans les délais
prévus, ils doivent continuer à négocier,
éventuellement avec l'aide de l'un des médiateurs. Ils se voient
imposer un délai pour aboutir.
En cas d'échec de ces négociations, les partenaires peuvent
déposer un préavis de grève ou de
lock-out. Un
conflit peut alors s'engager, à moins que le conciliateur en charge du
dossier ne décide d'en retarder le début de 14 jours. En
l'absence de résultats à l'issue de ces 14 jours, le
conciliateur constate l'échec des négociations, et un conflit
peut commencer dans les cinq jours qui suivent cette constatation.
Si, malgré tout, aucun accord n'est trouvé, le gouvernement peut
intervenir en déposant un projet de loi sur les matières
normalement régies par les partenaires : le gouvernement peut
proposer au Parlement de prolonger l'accord précédent ou
d'entériner les suggestions du conciliateur. Cette procédure a
par exemple été utilisée au printemps de l'année
1998 pour mettre fin à un conflit social majeur consécutif
à la négociation de l'accord cadre national sur les salaires.
ESPAGNE
L'article 37 de la Constitution
énonce :
" La loi garantira le droit à la négociation collective
en matière de travail entre les représentants des salariés
et des chefs d'entreprise, ainsi que le caractère contraignant des
accords. "
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
Aux
termes de la loi portant statut des salariés, les accords collectifs
peuvent déterminer
" les conditions de travail et de
productivité ".
Les partenaires sociaux peuvent
également
" régler la paix sociale grâce aux
obligations dont ils conviennent "
.
Les accords collectifs peuvent donc non seulement compléter ou
améliorer les dispositions légales ou réglementaires, mais
ils peuvent aussi définir les procédures de résolution des
conflits collectifs.
L'article 85 de la loi, consacré au contenu des accords collectifs,
précise :
" Dans le respect des lois, les accords
collectifs pourront régler des questions dans les domaines de
l'économie, du travail, des syndicats et, de façon
générale, toutes les autres questions relatives aux conditions
d'emploi, ainsi qu'aux relations entre, d'une part, les salariés et les
organisations qui les représentent et, d'autre part, l'employeur et les
associations patronales ".
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1994, qui a
réformé la loi de 1980 portant statut des salariés en
confiant aux partenaires sociaux
le
soin de négocier sur
une trentaine de sujets,
les accords collectifs traitent essentiellement les
questions suivantes :
- le régime des contrats à durée
déterminée ;
- la durée de la période d'essai ;
- la mobilité géographique ;
- les classifications professionnelles ;
- l'avancement ;
- la définition des modifications substantielles du contrat de
travail ;
- la structure des salaires ;
- la durée du travail et sa répartition annuelle ;
- le régime des heures supplémentaires.
En avril 1997, les confédérations syndicales
(UGT et CCOO)
et patronales
(CEOE, la confédération espagnole des
associations patronales, qui regroupe des employeurs du secteur public et du
secteur privé, et CEPYME, la confédération des petites et
moyennes entreprises, elle-même fédérée à la
CEOE)
ont signé trois accords
interconfédéraux
qui constituent une réelle
réforme du droit du travail. Ces trois accords, qui portent
respectivement sur la stabilité de l'emploi, sur la
réorganisation des niveaux et des procédures de la
négociation collective, et sur les conditions de travail dans les
secteurs dépourvus de règles spécifiques, manifestent la
volonté des partenaires sociaux d'organiser eux-mêmes les
relations sociales.
Cette situation contraste avec celle qui prévalait avant
l'avènement de la démocratie, lorsque les relations sociales
étaient principalement régies par des dispositions
réglementaires sectorielles. Bien qu'environ 80 % des
salariés soient couverts par des accords collectifs,
la
négociation collective joue un rôle encore restreint par rapport
à la loi ou au règlement.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
La loi
portant statut des salariés distingue :
-
les accords de niveau supérieur
, qui peuvent concerner
plusieurs entreprises, une branche professionnelle, une province ou le pays
tout entier ;
-
les accords d'entreprise ou d'un niveau inférieur,
ces
derniers ne s'appliquant qu'à certains groupes de salariés ou
à certains établissements à l'intérieur de
l'entreprise.
Au cours de l'année 1998, d'après le ministère du Travail,
un peu plus de 5 000 accords concernant 8,75 millions de
salariés ont été signés ou renouvelés ;
72 % étaient des accords d'entreprise et couvraient un peu plus
d'un million de salariés. Les accords nationaux de branche constituent
moins de 2 % de tous les accords conclus. Les partenaires sociaux
regrettent cette fragmentation de la négociation collective. Dans
l'accord interconfédéral sur la négociation collective
qu'ils ont signé en 1997, ils se sont engagés à
rationaliser la structure des accords collectifs et à développer
la négociation sectorielle, en particulier dans les branches où
les petites entreprises sont majoritaires. Cependant, les organisations
syndicales et patronales locales, plus ou moins soutenues par les partis
politiques régionalistes, résistent à cette centralisation
de la négociation. Celle-ci semble tout de même commencer à
se dessiner.
Outre les accords collectifs
stricto sensu
, conclus dans le respect des
règles énoncées par la loi portant statut des
salariés et dotés d'une valeur normative, il existe d'autres
accords qui, juridiquement, n'ont qu'une valeur contractuelle, mais auxquels
la jurisprudence est souvent conduite à reconnaître la même
valeur qu'aux accords collectifs.
C'est par exemple le cas des accords
d'entreprise signés par les syndicats qui ne sont pas
représentatifs.
Par ailleurs, les confédérations syndicales et patronales ont
renoué avec la pratique des
accords
interconfédéraux
au milieu des années 90.
b) Les signataires des accords collectifs
•
Les accords d'entreprise ou de niveau inférieur
Selon l'effectif de l'entreprise, l'employeur les signe avec le
comité d'entreprise ou avec les délégués du
personnel
(6(
*
))
.
Il peut aussi les signer avec
les sections syndicales
(7(
*
))
constituées par les syndicats les plus
représentatifs ou par les syndicats qui disposent de
représentants au comité d'entreprise
(ou de
délégués du personnel), à condition que les
salariés concernés par l'accord les aient expressément
mandatées pour négocier, à l'issue d'un vote à la
majorité absolue. Si l'accord s'applique à tous les
salariés, les sections syndicales ne peuvent participer à la
négociation que si elles sont majoritaires au sein du comité
d'entreprise.
En pratique, le rôle des syndicats est essentiel pour la conclusion de
ces accords, soit directement, soit en raison de leur implantation au sein des
comités d'entreprise.
•
Les accords de niveau supérieur à celui de
l'entreprise
Ils sont signés entre, d'une part, les associations patronales qui
représentent au moins 10 % des employeurs et des salariés
concernés et, d'autre part, selon leur champ d'application :
- les organisations syndicales les plus représentatives au niveau
national
(6)
;
- les organisations syndicales les plus représentatives au niveau
d'une communauté autonome ;
- les organisations syndicales représentatives dans le champ
d'application, géographique ou sectoriel, de l'accord.
•
Les accords de niveau national
Ils sont conclus entre les associations patronales qui représentent au
moins 15 % des employeurs et des salariés concernés, et les
organisations syndicales les plus représentatives au niveau national ou
au niveau d'une communauté autonome.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Conformément à la reconnaissance
constitutionnelle de
la négociation collective et du caractère obligatoire des accords
conclus, la loi portant statut des salariés précise que les
accords collectifs en vigueur lient
tous les salariés et tous les
employeurs inclus dans leur champ d'application, sans qu'une procédure
d'extension soit nécessaire.
La même loi précise que les conflits entre normes juridiques de
niveaux différents sont résolus par le principe de l'application
des dispositions les plus favorables au salarié.
Les accords collectifs conclus à un niveau supérieur à
celui de l'entreprise peuvent contenir une
clause de non-application des
mesures salariales
, au cas où celles-ci risqueraient de menacer la
stabilité de certaines entreprises.
En principe, un accord collectif ne peut pas être modifié par un
autre, dont le champ d'application est différent, à moins qu'une
telle modification ne soit explicitement prévue par les partenaires.
Cependant, les syndicats et les associations patronales habilités
peuvent modifier, dans un domaine plus large que celui d'une entreprise, un
accord de rang supérieur. Cette disposition, qui permet de prendre en
compte les disparités de niveau de vie entre les différentes
régions, ne peut cependant pas s'appliquer dans les matières
suivantes : période d'essai, modalités d'embauche, groupes
professionnels, régime disciplinaire, normes minimales d'hygiène
et de sécurité, et mobilité géographique.
Une fois signés, les accords collectifs sont, en fonction de leur champ
d'application, enregistrés par l'administration du ministère du
Travail ou par celle de la communauté autonome.
À la demande des organisations syndicales, des associations patronales
ou des représentants du personnel, le ministre du Travail et les organes
correspondants dans les communautés autonomes peuvent
étendre
le champ d'application d'un accord collectif
à des entreprises ou
à des secteurs similaires. Une telle demande doit être
motivée par la difficulté à négocier ou par les
circonstances économiques et sociales. Ainsi, la nécessité
de préserver l'égalité des salaires peut justifier une
extension.
Une telle mesure d'extension suppose l'
accord d'une commission paritaire
regroupant des représentants des associations patronales et des
organisations syndicales les plus représentatives du futur champ
d'application de l'accord collectif. La décision doit
énumérer les entreprises concernées. En pratique, de
telles mesures sont rares.
Les parties déterminent librement
la durée
de
validité des accords qu'elles concluent. En l'absence de
dénonciation ou de clause explicite, ces accords sont automatiquement
reconduits pour des périodes d'un an. En outre, les dispositions
normatives des accords, c'est-à-dire celles qui s'appliquent directement
aux salariés, restent en vigueur jusqu'à la conclusion de
nouveaux accords. En règle générale, les partenaires
préfèrent conclure des accords pluriannuels dont la durée
de validité n'excède pas trois ans.
Aux termes de la loi, les conflits relatifs à l'interprétation
des accords collectifs sont tranchés par le juge, mais les parties
peuvent convenir d'établir des procédures de résolution
extrajudiciaire.
Dans
l'accord sur la résolution extrajudiciaire des conflits
collectifs
, qu'ils ont signé le 25 janvier 1996 et
renouvelé le 31 janvier 2001, les partenaires sociaux ont
décidé que les conflits relatifs à l'interprétation
et à l'application d'un accord collectif seraient obligatoirement soumis
à la commission paritaire qui administre l'accord contesté. Cette
commission peut être investie d'autres pouvoirs :
interprétation, médiation ou arbitrage en cas de différend
sur l'accord. Si ce n'est pas le cas, l'accord sur la résolution
extrajudiciaire des conflits collectifs dispose que ces différends sont
résolus par la voie de la médiation si une des parties en fait la
demande, et par arbitrage si les deux parties le sollicitent. Dans les deux
cas, le désaccord est soumis au Service interconfédéral de
médiation et d'arbitrage (SIMA), création de l'accord de 1996 et
qui a succédé au Service de médiation, d'arbitrage et de
conciliation, organisme tripartite créé en 1979, placé
sous l'autorité du ministère du Travail, et qui n'avait
joué qu'un rôle limité. Le SIMA est un organe paritaire,
composé de représentants des deux confédérations
patronales et des deux confédérations syndicales signataires de
l'accord.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
La loi
portant statut des salariés prévoit explicitement que les accords
collectifs puissent contenir des clauses relatives à la paix sociale.
En outre, l'accord sur la résolution extrajudiciaire des conflits
collectifs prévoit que, lorsqu'une procédure de médiation
ou d'arbitrage est entamée, aucune grève ne doit être
décidée tant que les possibilités offertes par la
procédure ne sont pas épuisées.
e) Le renouvellement des accords collectifs
En cas de difficultés, l'accord sur la résolution extrajudiciaire des conflits collectifs s'applique.
GRANDE-BRETAGNE
La
Grande-Bretagne
(8(
*
))
connaît une
longue
tradition de négociation collective
. Les relations du travail
reposent sur le volontarisme : elles sont aménagées par les
parties elles-mêmes, employeurs et syndicats de salariés, dans le
cadre de la négociation collective, elle-même peu
réglementée.
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
Traditionnellement, la loi occupe une place limitée
dans
le droit du travail
, les relations collectives résultant
essentiellement du rapport de force entre employeurs et syndicats, et les
relations individuelles étant régies par les accords collectifs
et par le contrat de travail, élément essentiel. C'est le contrat
de travail qui détermine par exemple la durée de la
période d'essai et celle du préavis de licenciement. Dans ce
contexte, le législateur intervient surtout pour réglementer les
conditions de travail de ceux dont il estime qu'ils méritent une
protection particulière, parce qu'ils ne peuvent se protéger
eux-mêmes par la négociation collective (les enfants, les femmes),
tandis que les accords collectifs déterminent les conditions
générales de travail : la durée du travail, les
congés payés, les congés de maladie, la formation
professionnelle, les salaires...
Depuis le début des années 80, le rôle de la loi s'est
développé
: afin de restaurer le jeu de la libre
concurrence sur le marché du travail, plusieurs textes visant à
réduire le rôle des syndicats ont été
adoptés. Ainsi, entre 1980 et 1993, la loi a défini l'objet des
grèves, limité les possibilités de recours à des
piquets de grève, imposé l'organisation d'un vote à
bulletins secrets avant le déclenchement de toute grève,
instauré la responsabilité civile des syndicats, et très
sévèrement limité le système du
closed shop
.
L'affaiblissement des syndicats a naturellement entraîné le
recul de la négociation collective.
De plus, pour rendre au
marché du travail sa flexibilité, une loi de 1992 a
supprimé les conseils salariaux tripartites qui fixaient les conditions
minimales de revenu et jouaient un rôle important dans les secteurs
faiblement syndicalisés.
Par ailleurs,
plusieurs lois ou règlements ont dû être
adoptés pour transposer des directives communautaires
. Ainsi, une
loi de 1992, un règlement de 1998 et la loi de 1999 sur l'emploi ont
respectivement transposé les directives sur le licenciement collectif,
sur l'aménagement du temps de travail et sur le congé parental.
Rompant avec la tradition de libéralisme et de négociation,
collective ou individuelle, une loi de 1998 a institué un salaire
horaire minimum.
Aux termes de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations sociales, la
négociation collective peut porter sur les sujets suivants :
- les modalités d'emploi et les conditions de travail, et, le cas
échéant, les critères physiques de recrutement ;
- le recrutement, la suspension ou la fin du contrat de travail, ainsi
que les obligations professionnelles ;
- la répartition du travail entre salariés ou groupes de
salariés ;
- les questions disciplinaires ;
- l'appartenance syndicale ;
- les moyens mis à la disposition des syndicats ;
- les procédures de négociation ou de consultation sur les
sujets précédents.
Dans la réalité, les enquêtes administratives montrent que
la
grande majorité des salariés n'est plus couverte par
des accords collectifs
. D'après les données de 1999, seuls
38,5 % voient leur salaire influencé par un accord collectif.
L'entrée en vigueur, le 6 juin 2000, de la loi de 1999 sur
l'emploi
, qui amende la loi de 1992,
devrait entraîner une reprise
de la négociation collective car, dans les entreprises de plus de
vingt salariés, l'employeur est obligé de négocier
avec le syndicat
qui, à l'issue d'une procédure de
reconnaissance, a obtenu une
attestation de
représentativité
(9(
*
))
. Dans cette
hypothèse, la négociation collective est cependant limitée
à trois points :
les rémunérations, les horaires
et les congés.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Les
accords collectifs peuvent être négociés au niveau de la
branche ou de l'entreprise. Dans le premier cas, leur application requiert
généralement la conclusion d'accords d'entreprise.
Au cours des vingt dernières années, la négociation de
branche a progressivement
disparu
, sauf dans quelques secteurs comme
ceux de la construction ou de l'imprimerie. Les négociations collectives
se déroulent essentiellement au niveau de l'entreprise ou de
l'établissement. Les dispositions adoptées en 1999 pour rendre la
négociation collective obligatoire évoquent même
" l'unité de négociation ", qui n'est constituée
que d'un groupe de salariés.
b) Les signataires des accords collectifs
S'il
s'agit d'un accord de branche, les signataires sont une ou plusieurs
organisations patronales et un ou plusieurs syndicats de salariés de la
branche industrielle concernée, reconnus par les organisations
patronales en question.
Le
Trade Union Congress
(TUC), qui est la seule
confédération syndicale, ne négocie pas d'accords
collectifs, ni avec les associations patronales, ni avec son homologue
patronal, la Confédération des industries britanniques (CBI).
Les signataires des accords d'entreprise sont les employeurs et les
syndicats de salariés reconnus par l'employeur, soit volontairement,
soit à la suite d'une procédure de reconnaissance
devant le
Comité central d'arbitrage. Ils sont représentés par les
délégués d'atelier, qui sont élus par les membres
syndiqués, ou par des responsables syndicaux locaux, qui ne sont pas
nécessairement membres du personnel.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Traditionnellement, les accords collectifs, bien que
dépourvus de tout statut juridique et de tout effet contraignant, ont un
effet normatif, car ils sont intégrés aux contrats de
travail.
Cette intégration peut n'être qu'implicite, par
exemple parce que l'une des dispositions de l'accord concerné correspond
à un usage dans l'entreprise. L'intégration implicite n'est pas
systématique. Elle n'a pas lieu si elle semble ne pas correspondre
à la volonté des parties. De plus, la partie des accords
collectifs qui n'est pas destinée à être
intégrée aux contrats de travail constitue seulement un
engagement sur l'honneur.
La loi de 1992 sur les syndicats et les relations sociales réaffirme
ce principe
. Elle établit en effet une présomption
irréfragable selon laquelle les accords collectifs ne sont pas
censés produire les effets d'un contrat entre les parties, sauf si
celles-ci en disposent autrement.
D'après la jurisprudence, la dénonciation unilatérale par
l'employeur d'un accord collectif n'empêche pas ce dernier de continuer
à faire partie intégrante des contrats de travail, car ceux-ci ne
peuvent être modifiés qu'avec le consentement des salariés.
Il n'existe
aucune procédure légale d'extension
, car les
dispositions de la loi de 1975 qui permettaient d'étendre un accord
collectif à des entreprises dépourvues de représentation
syndicale ont été abrogées par la loi de 1980 sur
l'emploi. De plus, les employeurs ne sont pas liés par un accord
signé par une fédération, même s'ils en sont membres.
En principe, les accords collectifs sont conclus pour une durée
indéterminée. Toutefois, les salaires sont
généralement négociés chaque année.
Par ailleurs,
le règlement relatif à la méthode de
négociation collective pris en 2000
pour permettre l'application de
la partie de la loi de 1999 concernant la reconnaissance des syndicats permet
au Comité central d'arbitrage (CAC)
(10(
*
))
d'imposer aux partenaires sociaux une méthode
de négociation lorsqu'ils ne sont pas parvenus à un accord. Or,
cette méthode prévoit que les rémunérations, les
horaires et les congés font l'objet d'une négociation annuelle.
Les problèmes d'interprétation de l'accord collectif sont
réglés par les parties elles-mêmes dans l'accord
préalable sur la procédure à suivre lors de la
négociation de l'accord collectif. En l'absence d'un tel accord, la
méthode de négociation collective imposée par le CAC
prévoit que chaque partie peut demander, par écrit, la
réunion de l'organe paritaire de négociation. Si ce dernier ne
parvient pas à régler le problème, les parties peuvent
s'entendre pour demander la conciliation du Service d'arbitrage, de
conciliation et de consultation, organisme public indépendant.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
La
plupart des accords collectifs contiennent des clauses de paix sociale. Tout
comme les accords eux-mêmes, ces clauses n'ont pas de force obligatoire.
La loi de 1992 relative aux syndicats et aux relations sociales
prévoit que, si un accord collectif contient une clause supprimant ou
restreignant le droit de grève ou toute autre forme d'action sociale,
les salariés ne sont pas obligés de la respecter, sauf si
certaines conditions sont remplies.
Pour qu'une clause de paix sociale soit contraignante, elle doit figurer dans
un accord écrit :
- qui contient une disposition prévoyant expressément que
cette clause sera ou pourra être intégrée aux contrats de
travail ;
- qui fait l'objet d'une certaine publicité sur le lieu et pendant
les heures de travail, permettant ainsi aux salariés d'en avoir
connaissance ;
- qui est signé par un ou plusieurs syndicats indépendants
et reconnus par l'employeur.
Il faut, en outre, que les contrats de travail incorporent expressément
ou implicitement cette clause.
e) Le renouvellement des accords collectifs
En cas
de difficulté, aucune procédure particulière ne s'impose
aux parties.
C'est seulement lorsque l'employeur est obligé de négocier avec
un syndicat qui a obtenu une attestation de représentativité et
qu'il n'a pas réussi à s'entendre sur une méthode de
négociation, qu'il peut se voir imposer les dispositions prévues
par le règlement de l'année 2000 relatif à la
méthode de négociation collective.
ITALIE
L'article 39-4 de la Constitution
prévoit que
"
les syndicats enregistrés (...) peuvent conclure des
conventions collectives de travail dont l'effet est obligatoire pour tous les
membres des catégories professionnelles auxquelles la convention se
rapporte.
"
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
L'article 35 de la Constitution, selon lequel "
La
République protège le travail sous toutes ses formes et dans
toutes ses applications
", est interprété comme confiant
à la loi le soin d'assurer la protection des salariés. Par
conséquent, la loi garantit les dispositions minimales auxquelles la
négociation collective ne peut pas déroger.
Par ailleurs, la méfiance des syndicats à l'égard des
pouvoirs publics, qui a notamment empêché l'adoption de la loi
prévue par l'article 39 de la Constitution et qui les auraient
dotés d'un statut juridique explicite, explique le partage entre, d'une
part, loi et règlement et, d'autre part, négociation collective.
Traditionnellement, les relations individuelles entre salariés et
employeurs sont régies par la loi et le règlement, tandis que les
relations collectives sont régies par la négociation.
Par
conséquent, le droit syndical, les accords collectifs et la
participation financière relèvent principalement de la
négociation.
Avec le temps, les interférences entre la loi et la
négociation collective se sont multipliées
. Ainsi, la loi de
1970 portant statut des salariés, intégrant d'ailleurs de
nombreux éléments présents dans des accords collectifs,
visait à promouvoir l'activité des syndicats sur les lieux de
travail et se voulait la principale source du droit des relations sociales. De
même, depuis la fin des années 70, il est arrivé à
plusieurs reprises que la loi pose des principes et qu'elle envisage des
dérogations par voie conventionnelle. À l'opposé, la loi
apporte parfois des restrictions à la négociation collective,
notamment pour en contrôler les éléments salariaux.
L'affaiblissement du système politique qui a résulté de la
découverte des affaires de corruption dans les années 80 s'est
notamment traduit par la revalorisation des organisations syndicales et par la
signature de
plusieurs pactes tripartites entre le gouvernement et les
partenaires sociaux
.
Celui de juillet 1993, en refondant le
système de négociation collective
, renoue avec la tradition
selon laquelle les relations collectives ne sont pas régies par la loi,
le gouvernement jouant toutefois un rôle non négligeable dans
cette refondation.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Les
négociations collectives ont lieu à trois niveaux :
- interconfédéral ;
- de branche ;
- d'entreprise.
En outre, elles peuvent se dérouler au niveau national ou
régional, de sorte que les principales catégories d'accords
collectifs sont les suivants :
-
accords interconfédéraux
, auxquels le gouvernement
peut être associé, qui règlent des questions de principe et
déterminent les dispositions minimales applicables à tous les
salariés ;
-
accords nationaux de branche
, qui fixent les dispositions
minimales applicables à tous les salariés d'un secteur
d'activité ;
-
accords provinciaux de branche
, dans quelques secteurs comme
l'agriculture ou le bâtiment ;
-
accords d'entreprise
, qui régissent essentiellement les
questions d'organisation du travail.
Cette structure correspond à l'organisation des syndicats de
salariés et des associations patronales, qui repose à la fois sur
des fédérations de branche subdivisées en sections
provinciales, locales, voire d'entreprise, et sur des structures territoriales
interbranches.
La place relative du niveau interconfédéral et du niveau
sectoriel varie selon les périodes, la négociation au niveau
interconfédéral se développant essentiellement en
période de crise. Par ailleurs, la multiplication des petites
unités de production explique l'importance des accords d'entreprise.
La pluralité des niveaux de négociation et l'absence de
coordination entre eux freinent le développement du système.
C'est pourquoi
l'accord tripartite du 23 juillet 1993,
qui vise
à refonder le système des relations sociales, se propose de
rationaliser la structure de la négociation collective et de ne
conserver que deux niveaux :
- l'accord collectif national de branche ;
- l'accord décentralisé, au niveau de l'entreprise, les
petites entreprises pouvant toutefois être couvertes par des
négociations menées au niveau local ou provincial par les
organisations de branche.
L'accord tripartite de juillet 1993 précise également que les
accords décentralisés ne doivent pas être redondants par
rapport aux accords nationaux de branche, mais que les deux niveaux de
négociation doivent être articulés. Les accords
décentralisés doivent obéir aux prescriptions
fixées dans les accords nationaux et seule une clause explicite de
renvoi dans l'accord collectif national justifie la négociation
décentralisée. Ainsi, la négociation de branche
détermine les augmentations salariales cohérentes avec les
prévisions d'inflation et la négociation d'entreprise peut
prévoir des augmentations supplémentaires liées à
la rentabilité.
b) Les signataires des accords collectifs
En
fonction du niveau de la négociation collective, les accords sont
signés par :
- les confédérations syndicales et patronales ;
- les syndicats et les associations patronales de branche
considérés comme représentatifs ;
- l'employeur et la "
représentation syndicale
unitaire
" (
RSU
).
Compte tenu de la relative confusion qui règne autour de la notion de
représentativité
(11(
*
))
, la
reconnaissance mutuelle prévaut pour les négociations collectives
de branche. Elle repose essentiellement sur l'acceptation de critères
implicites.
La RSU est l'organe de représentation des salariés dans les
établissements de plus de quinze salariés
. Elle se
substitue à la " représentation syndicale
d'entreprise ". Elle a été instituée par l'accord
interconfédéral du 1
er
mars 1991 et
légitimée par l'accord tripartite du 23 juillet 1993. Les
modalités de désignation de ses membres ont été
déterminées par l'accord interconfédéral du
1
er
décembre 1993 : deux tiers de ses membres sont
élus par l'ensemble du personnel, tandis que le dernier tiers est
constitué de représentants des syndicats qui ont signé
l'accord collectif national de branche couvrant l'établissement. Dans
les entreprises où les RSU n'ont pas encore été
élues
(12(
*
))
, les accords collectifs sont
signés par la " représentation syndicale
d'entreprise ".
c) La force obligatoire des accords collectifs
La loi
prévue par l'article 39 de la Constitution n'ayant jamais
été adoptée, les accords collectifs sont régis par
le droit des contrats et n'ont en principe de force obligatoire que pour les
employeurs et les salariés appartenant aux organisations signataires
(13(
*
))
.
L'article 2077 du code civil
précise en effet que les
contrats de travail des salariés couverts par un accord collectif
doivent respecter le contenu de ce dernier et que les clauses des contrats qui
le contredisent sont implicitement remplacées par les dispositions de
l'accord qui sont plus favorables aux salariés.
En pratique, les accords collectifs de branche sont le plus souvent applicables
à tous les salariés de la branche considérée, car
la jurisprudence considère comme couvertes par l'accord les
entreprises dont les employeurs ne sont pas signataires. La jurisprudence
estime en effet qu'ils adhèrent, explicitement ou implicitement.
D'après la jurisprudence, l'adhésion explicite de l'employeur
peut résulter de la présence, dans le contrat de travail ou dans
la lettre d'embauche, d'une référence à l'accord collectif
considéré. En outre, lorsque l'employeur applique certaines
clauses significatives de l'accord, le juge estime que l'employeur manifeste
tacitement sa volonté d'y adhérer. Or, l'employeur est souvent
incité à appliquer partiellement les accords collectifs pour
bénéficier de certaines aides publiques, comme des
allégements de charges sociales.
Par ailleurs, la référence à l'article 36 de la
Constitution, qui affirme le droit pour tout salarié de recevoir une
juste rémunération, permet l'extension par les tribunaux des
accords salariaux de branche.
Les accords collectifs doivent préciser leur durée de
validité. En règle générale et conformément
à l'accord tripartite du 23 juillet 1993, les accords collectifs
conclus au niveau national sont conclus pour une durée de quatre ans,
mais leurs clauses dites économiques (qui concernent les niveaux et les
augmentations de salaires) ne sont valables que pendant deux ans. Les accords
d'entreprise s'appliquent pendant quatre ans.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
L'accord tripartite du 23 juillet 1993 suggère aux partenaires de présenter leurs programmes de négociation au moins trois mois avant l'expiration des accords collectifs, cette période devant, tout comme le mois suivant, constituer une période d'apaisement, pendant laquelle aucune forme de conflit social n'est admise.
e) Le renouvellement des accords collectifs
Traditionnellement, les pouvoirs publics jouent un rôle
actif
de médiation lors du renouvellement des accords collectifs de branche.
Il arrive souvent que cette médiation se transforme en arbitrage.
Par ailleurs, pour encourager le renouvellement rapide des accords collectifs,
l'accord tripartite du 23 juillet 1993 impose à l'employeur le
versement d'une indemnité de "
vacance contractuelle
"
qui garantit à tous les salariés une progression de leur pouvoir
d'achat. Lorsque l'accord collectif national de branche est échu depuis
trois mois et qu'il n'est pas renouvelé, le montant de cette
indemnité est de :
minimum salarial contractuel X taux anticipé de l'inflation X 30 % |
Au bout de dix mois, ce pourcentage passe à 50 %.
PAYS-BAS
Les
relations sociales sont dans une très large mesure
déterminées par l'autodiscipline des partenaires sociaux.
Ceux-ci se rencontrent très fréquemment dans des
instances
nationales de concertation
. Ils se rencontrent également aux
différents niveaux du système des relations sociales, pour
conclure des
accords collectifs
.
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
D'après l'article premier de la loi de 1927,
un
accord
collectif a pour objet principal ou exclusif la détermination des
conditions de travail
.
En pratique, le champ de la négociation collective s'étend
au-delà de ce qui est prévu par la loi et
il n'existe aucune
délimitation entre, d'une part, le champ de la loi et du
règlement et, d'autre part, celui des accords collectifs
. Les
matières qui peuvent être régies par un accord collectif
peuvent l'être par la loi, et inversement.
Ainsi, la loi de 1970 sur la fixation des salaires précises que le
ministre des Affaires sociales peut, à la demande des partenaires
sociaux, prendre des dispositions valables pendant une durée
déterminée - mais qui ne saurait excéder deux
ans - et qui règlent les mêmes questions qu'un accord
collectif. Selon les cas, ces " quasi-accords collectifs " ont la
même valeur juridique qu'un accord collectif simple ou étendu.
En règle générale, la loi détermine des normes
minimales, qui sont améliorées par les accords collectifs.
Les accords collectifs portent non seulement sur les salaires, les accessoires
de la rémunération, la durée du travail, les
congés, les heures supplémentaires, mais aussi sur la formation,
les retraites anticipées, les prestations complémentaires de
sécurité sociale, l'hygiène et la sécurité,
ou la participation financière.
Traditionnellement, les accords collectifs régissaient seulement les
conditions de travail des ouvriers. Depuis quelques années, le champ des
accords collectifs s'étend aux cadres, sans toutefois aborder la
question du salaire des cadres supérieurs.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Les
accords collectifs
tels qu'il sont définis par la loi de 1927 sont
établis
au niveau de la branche ou de l'entreprise
. Presque tous
les accords de branche ont un champ d'application national.
Un employeur est rarement lié à la fois par un accord sectoriel
et par un accord d'entreprise. La négociation au niveau de l'entreprise
tend à se développer.
Environ 80 % des salariés sont couverts par des accords
collectifs :
- plus de 200 accords de branche ;
- plus de 600 accords d'entreprise.
Les accords collectifs de branche ou d'entreprise constituent souvent
l'aboutissement de négociations plus ou moins formelles menées
par les principales confédérations au sein de la
Fondation
pour le travail
(
Stichting van de Arbeid : STAR
), fondation de
droit privé créée en mai 1945 par des représentants
des grandes confédérations patronales et syndicales. Reconnue et
consultée par les pouvoirs publics, la STAR constitue cependant une
instance bipartite de concertation où les partenaires sociaux se
rencontrent seuls.
Selon
l'objet
des accords, on distingue :
- les accords " minimaux ", c'est-à-dire les accords
cadres, qui permettent la négociation d'accords plus
détaillés à un autre niveau, à condition que ces
derniers ne soient pas défavorables aux salariés ;
- les accords " standards ", qui contiennent des
précisions sur toutes les conditions de travail et qui
déterminent tous les droits et devoirs des employeurs et des
salariés (procédure applicable en cas de harcèlement
sexuel par exemple).
Outre les accords collectifs régis par la loi de 1927,
l'employeur
peut conclure des accords avec le comité d'entreprise
, qui est
élu par tous les salariés à l'issue d'élections
libres. Bien que le comité d'entreprise dispose d'un pouvoir de
codécision dans certaines questions relatives à l'organisation du
travail et dans la mesure où ces matières ne sont pas
déjà traitées par un accord collectif ou par la
réglementation d'un organisme public
(14(
*
))
,
la loi qui définit ses compétences ne prévoit pas qu'il
signe des accords. Ces derniers n'ont donc en principe aucun pouvoir normatif,
sauf dans le cadre de la loi sur le temps de travail, qui reconnaît
explicitement les accords passés entre l'employeur et le comité
d'entreprise.
b) Les signataires des accords collectifs
Les
accords collectifs sont conclus entre, d'une part, un employeur à titre
individuel ou une association d'employeurs et, d'autre part, un syndicat de
salariés. La représentation des syndicats dans l'entreprise n'est
pas organisée par la loi.
La loi n'exige
aucun critère de représentativité
,
mais elle précise que
les associations signataires doivent disposer
de la personnalité morale et être habilitées, par leurs
statuts, à conclure des accords collectifs.
c) La force obligatoire des accords collectifs
En
principe,
les accords collectifs
ne lient que les employeurs signataires
ou affiliés aux organisations signataires, alors que, sauf stipulation
contraire, ils
s'appliquent à tous les salariés,
syndiqués ou non
.
Cependant, il convient d'établir
une distinction entre les
salariés syndiqués et les autres
. Pour les premiers,
directement
couverts par l'accord, le contrat de travail doit
impérativement respecter les dispositions de l'accord. En cas de
contradiction, les termes de l'accord collectif se substituent automatiquement
aux clauses du contrat et, si cette règle n'est pas respectée, le
juge peut être saisi par les signataires du contrat ou par ceux de
l'accord collectif.
En revanche, lorsqu'un salarié est
indirectement
couvert par un
accord, l'employeur est tenu d'en respecter les clauses pour ne pas enfreindre
ses obligations à l'égard des syndicats signataires, mais le
salarié ne peut pas se prévaloir de l'accord à moins que
son contrat de travail n'y fasse référence. En cas de litige,
seuls les syndicats signataires peuvent saisir le juge.
Lorsque la durée de validité d'un accord n'est pas explicitement
précisée, il est considéré comme s'imposant aux
parties pendant un an. À défaut de dénonciation, il est
automatiquement renouvelé pour des périodes d'un an.
La
durée maximale
des accords collectifs ne peut pas
dépasser cinq ans.
Après qu'ils ont été signés, les accords collectifs
sont notifiés au ministre des Affaires sociales. Ce dernier peut,
à la demande de l'un des signataires, prendre une
décision
d'extension de l'accord
, qui devient alors obligatoire pour tous les
employeurs de la branche. Une telle décision du ministre suppose que
l'accord collectif s'applique déjà "
d'après
lui
à
une
large majorité
" des
salariés du secteur d'activité, c'est-à-dire que les
organisations patronales signataires soient suffisamment
représentatives. En règle générale, si les
organisations patronales signataires justifient que les salariés
employés par leurs adhérents représentent 60 % des
salariés du secteur, l'extension est accordée sans aucune
difficulté. Entre 55 % et 60 %, le ministre fait
procéder à des examens complémentaires et, en-dessous de
55 %, l'extension n'a pas lieu.
Au moment de l'extension, le ministre peut exclure certaines entreprises et
certaines clauses. La loi cite parmi les dispositions qui ne peuvent pas
être étendues celles qui sont susceptibles de favoriser les
salariés syndiqués. Aux Pays-Bas, les clauses de
closed
shop
ne sont pas interdites, mais elles sont exceptionnelles.
L'extension par arrêté permet aux salariés non
syndiqués de saisir le juge pour revendiquer les droits prévus
par l'accord. La durée maximale de validité de
l'arrêté d'extension est de deux ans.
Les conflits relatifs à l'interprétation des accords collectifs
sont tranchés par les tribunaux de droit commun sur saisine des
signataires, mais ces derniers peuvent aussi s'adresser à des instances
paritaires d'arbitrage.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
Les
accords collectifs contiennent souvent une clause de paix sociale, en vertu de
laquelle les parties s'engagent à respecter ses dispositions pendant
toute sa durée et à s'abstenir de toute action collective portant
sur les matières réglées par l'accord.
Même si les clauses de paix sociale ne sont pas énoncées
explicitement, les signataires sont, en vertu du droit général
des obligations, tenus d'appliquer de bonne foi les accords qu'ils ont conclus.
En cas d'infraction, les syndicats sont condamnés par le juge à
payer des astreintes.
e) Le renouvellement des accords collectifs
De nombreux accords collectifs contiennent des clauses sur l'éventuel recours à une procédure transactionnelle (médiation, arbitrage...) dans l'hypothèse où une nouvelle convention ne pourrait être conclue à l'échéance de la précédente.
(1)
Voir l'étude de législation comparée LC 58 sur la
participation des salariés à la gestion des entreprises.
(2) Voir l'étude de législation comparée LC 58 sur la
participation des salariés à la gestion des entreprises.
(3) Voir l'étude de législation comparée LC 87 sur la
représentativité des syndicats de salariés.
(4) À la différence de ce qui existait pendant la
République de Weimar, la loi sur les accords collectifs ne
prévoit pas la conciliation obligatoire de l'État, qui serait
considérée comme incompatible avec la liberté
d'association, garantie par la Loi fondamentale.
(5) Voir l'étude de législation comparée LC 87 sur la
représentativité des syndicats de salariés.
(6)
Voir l'étude de législation comparée LC 87 sur
la représentativité des syndicats de salariés.
(7) Dans une entreprise, l'ensemble des salariés adhérents au
même syndicat peut former librement une section syndicale. Lorsque
l'entreprise a un effectif supérieur à 250, les sections
syndicales sont représentées par des
délégués syndicaux.
(8) Les dispositions législatives analysées ne s'appliquent pas
en Irlande du Nord.
(9) Voir l'étude de législation comparée LC 87 sur la
représentativité des syndicats de salariés.
(10) Le CAC est une institution arbitrale permanente, à
représentation tripartite, instituée en 1975.
(11) Voir l'étude de législation comparée LC 87 sur
la représentativité des syndicats de salariés.
(12) L'accord interconfédéral du 1er décembre 1993
subordonnait leur élection à l'adoption d'accords de branche ad
hoc.
(13) Pour permettre l'extension des accords collectifs, une loi de 1959 avait
autorisé le gouvernement à donner, par décret, force de
loi à certains. Ce système a été abandonné
quelques années plus tard. Quelques-uns de ces accords sont encore en
vigueur.
(14) Voir l'étude de législation comparée LC 58 sur la
participation des salariés à la gestion des entreprises.