NOTE DE SYNTHESE
Dans la
perspective du prochain examen par le Parlement du projet de loi d'orientation
pour l'outre-mer, déposé à l'Assemblée nationale le
5 avril 2000, il a semblé utile d'analyser le statut administratif
des principales îles européennes.
On a retenu
l'archipel des Féroé et l'île du Groenland
pour le Danemark, l'archipel des Baléares et celui des Canaries pour
l'Espagne, la Sardaigne et la Sicile pour l'Italie, ainsi que l'archipel des
Açores et celui de Madère pour le Portugal
.
L'analyse de leur statut administratif montre que
toutes ces îles,
qu'elles relèvent du droit commun ou d'un régime particulier,
disposent d'une large autonomie
.
1) A l'exception des îles espagnoles et de la Crète, les
principales îles européennes disposent d'un statut particulier
a)
Les îles danoises, italiennes et portugaises disposent d'un
statut particulier
• La Sardaigne et la Sicile constituent des régions à
statut spécial
Au même titre que le Trentin-Haut Adige, le Frioul-Vénétie
Julienne et le Val d'Aoste, autres régions situées à la
périphérie du territoire italien et dotées d'une forte
identité culturelle,
la Sicile et la Sardaigne constituent, comme le
prévoit la Constitution, des régions à statut
spécial
. Elles ont toutes été créées
dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, tandis
que les quinze autres régions italiennes, instituées dans les
années 70, sont pourvues d'un statut ordinaire.
• Les îles danoises et portugaises ont, au sein du royaume du
Danemark et de la république portugaise, des statuts exorbitants du
droit commun.
Alors que le Danemark est divisé en quatorze comtés,
l'archipel des Féroé forme une " communauté
autonome " depuis 1948, et l'île du Groenland une
" communauté particulière " depuis 1979.
Ces
statuts leur ont été accordés par la loi nationale, la
population groenlandaise ayant approuvé par référendum la
loi portant statut d'autonomie de son île.
Au Portugal, la Constitution prévoit que les archipels des Açores
et de Madère constituent des " régions autonomes " et
que le reste du pays est divisé en
" régions
administratives ". Elle distingue nettement les " régions autonomes
", auxquelles elle consacre son titre VII, des " régions
administratives ", évoquées au titre suivant, qui traite des
différentes collectivités locales.
Madère et les
Açores se sont
,
respectivement en 1976 et en 1980, dotés
de statuts d'autonomie,
qui ont été ensuite modifiés.
En revanche, les " régions administratives " demeurent
virtuelles, car la régionalisation du Portugal continental a
récemment été repoussée par
référendum. Les deux archipels sont donc les seuls à
bénéficier du statut de région dans le pays.
b)
Comme la Crète, les archipels espagnols des Canaries et des
Baléares forment des collectivités territoriales de droit commun
La Crète ne bénéficie d'aucun statut particulier
.
Elle constitue une région de droit commun.
Il en va de même des
archipels des Canaries et des Baléares,
qui forment des communautés autonomes, tout comme les autres
régions espagnoles
. Cependant, à la différence de
certaines autres communautés autonomes, ils ont profité de leur
très forte identité pour se doter, respectivement en 1982 et
1983, de statuts particulièrement complets, qui ont été
amendés depuis lors. En effet, les dix-sept communautés autonomes
détiennent des compétences très variables.
2)
A l'exception de la Crète, les principales îles
européennes jouissent d'une large autonomie
Cette autonomie n'est pas nécessairement liée au caractère
particulier de leur statut par rapport aux collectivités de niveau
équivalent. En effet, les archipels espagnols des Baléares et des
Canaries en bénéficient bien qu'ils constituent des
communautés autonomes de droit commun.
a)
Les principales îles européennes disposent de la
compétence législative exclusive dans certaines
matières
Au
Danemark
, les statuts d'autonomie des îles Féroé
et du Groenland offrent aux autorités locales la possibilité
d'obtenir le transfert de compétences sur presque toutes les
matières autres que la politique étrangère, la
défense nationale, la justice et la politique monétaire,
lesquelles constituent un ensemble qui ne peut pas être repris au pouvoir
central. En pratique, les autorités locales ont peu à peu
négocié le transfert de toutes les compétences qui,
statutairement, pouvaient leur être transférées.
D'après leur statut, elles détiennent les pouvoirs
législatif et réglementaire dans tous les domaines qui leur ont
été transférés.
En
Espagne
, conformément à l'article 148 de la
Constitution, qui énumère les compétences susceptibles
d'être assumées par les communautés autonomes, les statuts
d'autonomie des archipels des Baléares et des Canaries indiquent les
compétences exclusives que ces deux communautés ont retenues.
Elles portent sur de très nombreuses questions dans différents
domaines (social, économique, culturel, administratif...). Pour toutes
ces compétences exclusives, les deux communautés insulaires
détiennent les pouvoirs législatif et réglementaire.
Si elle n'est pas propre aux archipels des Baléares et des Canaries,
cette autonomie est cependant remarquable compte tenu de leur population, qui
est relativement faible si on la compare à celle des autres
communautés autonomes.
En
Italie
, alors que les régions à statut ordinaire
disposent seulement de compétences partagées et de
compétences d'adaptation leur permettant respectivement de
légiférer dans le respect des lois-cadres nationales et d'adapter
les lois nationales aux nécessités et aux besoins locaux, les
régions à statut spécial, parmi lesquelles la Sicile et la
Sardaigne, se sont vu reconnaître par le législateur national des
compétences exclusives, pour lesquelles elles détiennent les
pouvoir législatif et réglementaire.
Au
Portugal
, les dispositions constitutionnelles relatives aux
régions autonomes leur donnent la possibilité de
légiférer de façon autonome dans les matières
"
intéressant spécifiquement la
région
" ; ces dernières sont
précisées par leurs statuts, qu'elles ont adoptés en
tenant compte des prescriptions constitutionnelles et qui ont été
approuvés par le Parlement national.
b)
Elles jouissent de l'autonomie financière
Les îles danoises ont l'obligation statutaire de prendre en charge les
dépenses correspondant aux compétences qui leur ont
été transférées.
Quant aux îles espagnoles, italiennes et portugaises, leurs ressources
ne sont pas uniquement constituées de subventions de l'Etat, mais elles
peuvent lever leurs propres impôts. De plus, l'Etat leur cède une
partie des impôts nationaux qui sont perçus sur leur territoire.
c)
Les îles danoises et portugaises disposent d'un réel
pouvoir dans le domaine des relations extérieures
Au Danemark, le pouvoir central peut autoriser des représentants des
îles Féroé et du Groenland à négocier
directement avec des partenaires étrangers, mais avec le concours du
ministère danois des Affaires étrangères. En pratique,
cette disposition semble particulièrement utilisée pour la
négociation d'accords de pêche, sans qu'un représentant du
ministère des Affaires étrangères soit
nécessairement présent.
De même, les statuts de Madère et des Açores
prévoient que des représentants des archipels participent
à la négociation des accords internationaux qui les concernent
directement. Par ailleurs, depuis 1989, Madère et les Açores
peuvent établir des liens directs avec d'autres régions
étrangères et participer à des organisations de
coopération inter-régionale.
En revanche, le statut de la Sardaigne prévoit seulement la
représentation de l'île lors de la négociation des projets
de traité de commerce la concernant. De même, celui des Canaries
prévoit, d'une part, la présence de représentants de
l'archipel dans les délégations espagnoles participant à
des négociations européennes particulièrement importantes
pour lui et, d'autre part, son information sur toute négociation
internationale le concernant.