NOTE DE SYNTHESE
Le
projet de loi français portant adaptation du droit de la preuve aux
nouvelles
technologies de l'information et relatif à la signature
électronique
tend à introduire une présomption de
fiabilité au profit des signatures électroniques qui
répondent à certaines conditions, lesquelles devront être
précisées par décret en Conseil d'Etat.
Ce projet amène à s'interroger sur le régime juridique de
la signature électronique chez nos principaux voisins. La
présente étude couvre plusieurs pays européens
(
Allemagne
,
Belgique
,
Danemark
,
Espagne
,
Italie,
Luxembourg
et
Royaume
-
Uni
). Pour chacun de ces pays, elle
vérifie si la signature électronique bénéficie de
la reconnaissance législative et en analyse les effets juridiques. Elle
examine ensuite, le cas échéant, les conditions de
validité de la signature électronique. La
directive
européenne sur un cadre communautaire pour les signatures
électroniques
, adoptée le 30 novembre 1999, a
également été étudiée, et les conditions de
validité de la signature électronique dans les différents
pays sous revue - qu'elles s'appliquent déjà ou qu'elles ne
soient que prévues - ont été comparées aux
dispositions prises au niveau européen.
L'examen de la situation dans ces sept pays fait apparaître que :
-
l'Allemagne et l'Italie sont actuellement les seuls pays où un
texte définit le régime juridique de la signature
électronique ;
- les textes allemand et italien ne reconnaissent que certaines formes de
signature électronique et leur accordent des effets
différents ;
- les projets espagnol et luxembourgeois, ainsi que les avant-projets anglais,
belge et danois, visent toutes les formes de signature électronique,
mais ils divergent dans les effets qu'ils leur reconnaissent.
Qu'est-ce que la signature électronique ?
Le
développement du commerce électronique est subordonné
à l'existence de garanties sur la sécurité des
transmissions de données et des paiements en ligne. Grâce à
un système de chiffrement appliqué au message transmis, sans que
ce dernier soit nécessairement lui-même chiffré, la
signature électronique constitue une réponse au problème,
car elle garantit l'authenticité et l'intégrité des
données, ainsi que l'identité du signataire. Si la
confidentialité est requise, il faut chiffrer le contenu du message.
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1)
Seules l'Allemagne et l'Italie disposent de textes sur la signature
électronique, mais des législations sont en préparation
dans les autres pays
a)
Depuis 1997, le régime juridique de la signature
électronique est déterminé par une loi en Allemagne et par
un décret en Italie
En effet, l'Allemagne a adopté en juin 1997 la loi sur la signature
" digitale ", qui constitue en fait la troisième partie d'une
loi générale sur la société de l'information et qui
a été complétée par une ordonnance entrée en
vigueur le 1
er
novembre 1997.
En Italie, un décret du Président de la République, pris
en 1997 en application de la loi Bassanini sur la réforme de
l'administration publique, définit le régime juridique des
documents informatiques, parmi lesquels la signature électronique. Les
dispositions de ce décret qui concernent cette dernière ont
été précisées au début de l'année
1999 par un décret du Président du conseil.
b) Dans chacun des autres pays, un projet de loi est actuellement en
préparation ou en discussion
En Belgique, le gouvernement en fonction jusqu'aux élections
législatives de juin 1997 avait adopté deux projets de loi :
l'un visant à modifier certaines dispositions du code civil sur la
preuve des obligations et l'autre concernant les tiers de certification. Seul
le premier avait été déposé au Parlement, mais il
est devenu caduc. Le gouvernement actuel a préparé un projet sur
les tiers de certification, mais il ne l'a pas encore déposé au
Parlement.
Le projet de loi danois sur la signature électronique est en cours
d'élaboration. Un premier avant-projet de loi avait été
rédigé au début de l'année 1998 et les parties
intéressées avaient été consultées.
Cependant, les désaccords entre les ministères de la Recherche et
de la Justice ont conduit le gouvernement à attendre l'adoption de la
directive pour rendre public un nouvel avant-projet de loi. De même, au
Royaume-Uni, l'avant-projet de loi sur les moyens électroniques de
communication, qui définit notamment le régime juridique de la
signature électronique, a été rendu public en juillet
1999, et le projet de loi devrait être déposé au
début de l'année 2000.
En revanche, en Espagne, le projet de loi sur la signature électronique
est actuellement soumis à la commission compétente du
Congrès des députés. Il devrait être adopté
au cours des premières semaines de l'année 2000. Au Luxembourg,
les dispositions relatives à la signature électronique font
partie d'un projet plus large, qui concerne le commerce électronique et
qui a déjà été déposé au Parlement.
2) Les textes allemand et italien ne reconnaissent que certaines formes de
signature électronique et leur accordent des effets différents
a) La loi allemande et le décret italien ne traitent que de la
signature électronique fondée sur un système de
chiffrement asymétrique
Le domaine d'application des deux textes est limité aux signatures
numériques, c'est-à-dire aux signatures électroniques
créées à l'aide d'un procédé de chiffrement
asymétrique
.
Aucun de ces textes n'évoque les autres signatures électroniques,
dont la valeur est donc laissée à l'appréciation du juge.
b) Les deux textes n'accordent pas les mêmes effets juridiques
à la signature numérique
Le décret italien confère à la signature
numérique les mêmes effets juridiques qu'à la signature
manuscrite
et prévoit qu'elle puisse remplacer n'importe quel signe,
sceau, cachet, poinçon... Il prévoit même que, à
l'image de la signature manuscrite, elle puisse être authentifiée
par un officier ministériel.
En revanche,
la loi allemande ne contient aucune disposition explicite sur
la recevabilité en justice et sur la valeur probante de la signature
numérique.
Elle ne remet pas non plus en cause la liberté
qu'a le juge d'apprécier les éléments de preuve qui lui
sont soumis. Elle définit seulement les conditions dans lesquelles le
destinataire peut être sûr de l'identité de
l'émetteur et de l'intégrité des données
transmises. Il paraît donc probable que, sauf dans les cas où une
signature manuscrite est expressément exigée, le juge admettra la
valeur probante des signatures numériques.
3) Les projets de loi espagnol et luxembourgeois, ainsi que les
avant-projets anglais, belge et danois, visent toutes les formes de signature
électronique, mais divergent dans les effets qu'ils leur
reconnaissent
a) Les cinq projets s'appliquent à toutes les formes de signature
électronique, indépendamment de la technologie retenue...
Reprenant plus ou moins fidèlement la formulation de la directive, les
cinq textes définissent la signature électronique comme une
donnée électronique qui sert de méthode
d'authentification. Même s'ils paraissent avoir été
rédigés pour s'appliquer aux signatures électroniques
créées grâce à un procédé de
chiffrement asymétrique, ils n'excluent
a priori
aucune autre
forme de signature électronique et respectent donc le principe de
neutralité technologique qui sous-tend la directive.
Malgré ce principe, certains textes ne sont pas destinés à
s'appliquer à toutes les signatures électroniques. En effet,
l'avant-projet de loi belge ne traite que de la signature électronique
" avancée ", c'est-à-dire la signature
électronique produite grâce à un dispositif qui est
lié de manière unique et certaine au signataire et qu'il peut
garder sous son contrôle exclusif. Il en va de même de
l'avant-projet danois, qui, sans se référer explicitement
à la signature électronique " avancée ", ne
s'applique qu'aux signatures électroniques les plus fiables.
Par ailleurs, à l'image de la directive, les projets de lois espagnol et
luxembourgeois établissent une distinction en fonction du degré
de fiabilité des signatures électroniques : ils opposent en
effet la signature électronique et la signature
électronique
" avancée ".
b) ... sans leur reconnaître la même valeur juridique
Comme la directive, les projets belge, espagnol et luxembourgeois
considèrent comme
équivalentes aux signatures manuscrites les
signatures électroniques créées dans des conditions de
sécurité optimales
, c'est-à-dire les signatures
électroniques " avancées " qui, de plus, sont
associées à un certificat particulièrement fiable et sont
créées par un dispositif sécurisé. En revanche, ils
ne reconnaissent aucun effet juridique particulier aux autres signatures
électroniques. Cependant, les projets espagnol et luxembourgeois
précisent explicitement, tout comme la directive, qu'elles seront
recevables en justice.
Les avant-projets de loi anglais et danois ne comportent pas la notion de
signature électronique " avancée ". Le premier
prévoit, de façon générale, la recevabilité
des signatures électroniques, quelles qu'elles soient, mais laisse au
juge le soin d'apprécier leur valeur probante, tandis que le second
détermine seulement les conditions dans lesquelles les signatures
électroniques peuvent être considérées comme
sûres, sans remettre en cause la totale liberté du juge pour
évaluer leur recevabilité et leur valeur probante.
* *
*
Outre
ces divergences importantes dans son régime même, il faut
souligner que les conditions de validité de la signature
électronique, notamment celles qui se rapportent aux tiers de
certification, sont assez différentes d'un pays à l'autre.
Ainsi, la loi allemande et le décret italien ne contiennent aucune
disposition sur leur responsabilité. Il en va de même de
l'avant-projet de loi anglais, qui est particulièrement libéral.
En effet, conformément aux recommandations de la commission
parlementaire, il laisse les professionnels mettre en place un dispositif
d'accréditation, alors que tous les autres textes, en vigueur ou en
préparation, définissent un système d'accréditation
obligatoire, au moins pour les tiers de certification qui délivrent les
certificats les plus fiables.